[1,1,6] Ἀλλὰ μὴν ὅτι γε καὶ οἱ Αἰθίοπες ἐπὶ τῷ ὠκεανῷ ἔσχατοι, δηλοῖ· ὅτι
μὲν ἔσχατοι,
Αἰθίοπες, τοὶ διχθὰ δεδαίατα, ἔσχατοι ἀνδρῶν,
οὐδὲ τοῦ « διχθὰ δεδαίαται » φαύλως λεγομένου, ὡς δειχθήσεται
ὕστερον· ὅτι δ' ἐπὶ τῷ ὠκεανῷ
Ζεὺς γὰρ ἐς ὠκεανὸν μετ' ἀμύμονας Αἰθιοπῆας
χθιζὸς ἔβη μετὰ δαῖτα.
Ὅτι δὲ καὶ ἡ πρὸς ταῖς ἄρκτοις ἐσχατιὰ παρωκεανῖτίς ἐστιν, οὕτως
ᾐνίξατο εἰπὼν περὶ τῆς ἄρκτου·
Οἴη δ' ἄμμορός ἐστι λοετρῶν ὠκεανοῖο.
Οιὰ μὲν γὰρ τῆς ἄρκτου καὶ τῆς ἁμάξης τὸν ἀρκτικὸν δηλοῖ· οὐ γὰρ
ἂν τοσούτων ἀστέρων ἐν τῷ αὐτῷ χωρίῳ περιφερομένων τῷ ἀεὶ
φανερῷ οἴην ἄμμορον εἶπε λοετρῶν ὠκεανοῖο. Ὥστ' οὐκ εὖ ἀπειρίαν
αὐτοῦ καταγινώσκουσιν, ὡς μίαν ἄρκτον ἀντὶ δυεῖν εἰδότος· οὐδὲ γὰρ
εἰκὸς ἦν πω τὴν ἑτέραν ἠστροθετῆσθαι, ἀλλ' ἀφ' οὗ οἱ Φοίνικες
ἐσημειώσαντο καὶ ἐχρῶντο πρὸς τὸν πλοῦν, παρελθεῖν καὶ εἰς τοὺς
Ἕλληνας τὴν διάταξιν ταύτην, ὥσπερ καὶ τὸν Βερενίκης πλόκαμον,
καὶ τὸν Κάνωβον, ἐχθὲς καὶ πρώην κατωνομασμένον· πολλοὺς δ' ἔτι
νῦν ἀνωνύμους ὄντας, καθάπερ καὶ Ἄρατός φησιν. Οὐδὲ Κράτης
οὖν ὀρθῶς γράφει,
Οἶος δ' ἄμμορός ἐστι λοετρῶν
φεύγων τὰ μὴ φευκτά. Βελτίων δ' Ἡράκλειτος καὶ ὁμηρικώτερος,
ὁμοίως ἀντὶ τοῦ ἀρκτικοῦ τὴν ἄρκτον ὀνομάζων · « ἠοῦς καὶ ἑσπέρης
τέρματα ἡ ἄρκτος, καὶ ἀντίον τῆς ἄρκτου οὖρος αἰθρίου Διό ς. » Ὁ
γὰρ ἀρκτικός ἐστι δύσεως καὶ ἀνατολῆς ὅρος, οὐχ ἡ ἄρκτος. Διὰ μὲν
δὴ τῆς ἄρκτου, ἣν καὶ ἅμαξαν καλεῖ καὶ τὸν Ὠρίωνα δοκεύειν φησί,
τὸν ἀρκτικὸν δηλοῖ· διὰ δὲ τοῦ ὠκεανοῦ τὸν ὁρίζοντα, εἰς ὃν καὶ ἐξ οὗ
τὰς δύσεις καὶ τὰς ἀνατολὰς ποιεῖται. Εἰπὼν δὲ αὐτοῦ στρέφεσθαι καὶ
ἀμοιρεῖν τοῦ ὠκεανοῦ οἶδεν, ὅτι κατὰ σημεῖον τὸ ἀρκτικώτατον τοῦ
ὁρίζοντος γίνεται ὁ ἀρκτικός. Ἀκολούθως δὴ τούτῳ τὸ ποιητικὸν
ἁρμόσαντες τὸν μὲν ὁρίζοντα ὀφείλομεν δέχεσθαι τὸν ἐπὶ τῆς γῆς
οἰκείως τῷ ὠκεανῷ, τὸν δ' ἀρκτικὸν τῆς γῆς ἁπτόμενον ὡς ἂν πρὸς
αἴσθησιν κατὰ τὸ ἀρκτικώτατον τῆς οἰκήσεως σημεῖον· ὥστε καὶ
τοῦτο τὸ μέρος τῆς γῆς κλύζοιτ' ἂν τῷ ὠκεανῷ κατ' αὐτόν. Καὶ τοὺς
ἀνθρώπους δὲ οἶδε τοὺς προσβορέους μάλιστα, οὓς ὀνομαστὶ μὲν οὐ
δηλοῖ (οὐδὲ γὰρ νῦν που κοινὸν αὐτοῖς ὄνομα κεῖται πᾶσι), τῇ διαίτῃ
δὲ φράζει, νομάδας αὐτοὺς ὑπογράφων καὶ « ἀγαυοὺς ἱππημολγοὺς
γαλακτοφάγους ἀβίους τε.»
| [1,1,6] 6. D'autres indications d'Homère nous montrent les Éthiopiens aussi
habitant aux derniers confins de la terre, sur les bords mêmes de l'Océan;
je dis «aux derniers confins de la terre» d'après le vers suivant,
«Les Éthiopiens, qui vivent partagés en deux nations aux derniers confins
de la terre,» dans lequel l'expression «partagés en deux nations» est elle-même
parfaitement exacte, comme nous le démontrerons par la suite; et si
j'ajoute «sur les bords mêmes de l'océan,» c'est d'après cet autre passage :
«Car Jupiter s'en fut hier vers l'Océan pour visiter les vertueux Éthiopiens
et prendre part à leur banquet.»
Voici maintenant comme il donne à entendre que l'extrémité
septentrionale ou arctique de la terre est également bordée par l'Océan, Il
dit en parlant de l'Ourse :
«Seule elle est dispensée de plonger au sein de l'Océan,»
mais c'est qu'il emploie le nom de l'Ourse et aussi celui du Chariot pour
désigner le cercle arctique : autrement, eût-il dit, alors que tant d'autres
étoiles accomplissent aussi leur révolution dans la même partie du ciel
toujours visible pour nous, que l'Ourse seule est exempte de plonger
dans l'Océan? On a donc tort de le taxer, comme on a fait, d'ignorance,
pour n'avoir connu, soi-disant, qu'une seule Ourse au lieu de deux. Il n'est
pas probable, en effet, que, de son temps, la seconde Ourse fût déjà
rangée au nombre des constellations, et ce n'est sans doute qu'après que
les Phéniciens l'eurent observé et s'en furent servis pour la navigation
que cet astérisme aura passé chez les Grecs, comme on voit que la
Chevelure de Bérénice et Canope n'ont reçu les noms qu'elles portent
que d'hier seulement, et que, de l'aveu d'Aratus, tant de
constellations attendent encore les leurs. Il s'ensuit aussi que Cratès n'a
pas eu raison de vouloir ici corriger le texte et de lire : g-Oiois, seul,
le cercle arctique est dispensé de plonger au sein de l'Océan» {au lieu de
g-oieh, seule l'Ourse}: car la leçon qu'il rejette n'était nullement à
rejeter. Héraclite, lui, est plus dans le vrai, et nous semble, si l'on peut
dire, plus homérique, lorsque, comme Homère, il emploie le nom de
l'Ourse pour désigner le cercle arctique : «L'Ourse, dit-il, limite commune
de l'Orient et de l'Occident ; l'Ourse, à l'opposite de laquelle souffle
Jupiter-Serein.» Car c'est bien le cercle arctique, et non pas l'Ourse elle-même,
qui marque proprement la limite du couchant et du levant. Mais, si
Homère, sous le nom de l'Ourse, constellation qu'il appelle aussi le
Chariot, et qu'il nous montre dans le ciel poursuivant en quelque sorte et
guettant Orion, a entendu désigner le cercle arctique, sous le nom
d'Océan il a dû certainement entendre l'horizon, au-dessus et au-dessous
duquel nous voyons, dans ses vers, se lever et se coucher les astres; et,
comme il dit que l'Ourse achève sa révolution dans le même lien sans se
coucher dans l'Océan, il faut qu'il ait su que le cercle arctique passe par le
point le plus septentrional de l'horizon. Ajustons maintenant les paroles
du poète, aux explications qui précèdent : comme le nom d'Océan éveille
en nous l'idée correspondante d'horizon, d'horizon terrestre, et que le
cercle arctique (qu'il désigne par le nom d'Arctos ou d'Ourse) n'est autre
que le cercle qui, au jugement de nos sens, passe par le point le plus
septentrional de la terre habitée, il demeure établi que, dans la pensée
d'Homère, ce côté-là de la terre devait être aussi baigné par l'Océan. Il
n'est pas jusqu'aux populations arctiques qu'Homère ne connût
parfaitement; il ne les mentionne pas, à vrai dire, nominativement (ce qui
se conçoit, du reste, puisque, même aujourd'hui, il n'existe pas encuve
peur elles de dénomination générale), mais il est aisé de les reconnaître à
la peinture qu'il fait de leur genre de vie, quand il les qualifie de Nomades,
de fiers Hippemolges, de tribus Galactophages et Abiennes.
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