[8] (1) Ταῦτα δὲ ὁ Νομᾶς ἐπ´ εὐνοίᾳ καὶ χάριτι τοῦ δήμου
πολιτευσάμενος εὐθὺς ἐπεχείρει τὴν πόλιν, ὥσπερ σίδηρον, ἐκ σκληρᾶς καὶ
πολεμικῆς μαλακωτέραν ποιῆσαι καὶ δικαιοτέραν. (2) ἀτεχνῶς γὰρ ἣν Πλάτων ἀποκαλεῖ
φλεγμαίνουσαν πόλιν ἐκείνη τότ´ ἦν, συστᾶσα μὲν εὐθὺς ἐξ ἀρχῆς τόλμῃ τινὶ καὶ
παραβόλῳ θρασύτητι τῶν θρασυτάτων καὶ μαχιμωτάτων ἐκεῖ πανταχόθεν ὠσαμένων, ταῖς
δὲ πολλαῖς στρατείαις καὶ τοῖς συνεχέσι πολέμοις τροφῇ χρησαμένη καὶ αὐξήσει τῆς
δυνάμεως, καὶ καθάπερ τὰ καταπηγνύμενα τῷ σείεσθαι μᾶλλον ἑδράζεται, ῥώννυσθαι
δοκοῦσα διὰ τῶν κινδύνων. (3) οὕτω δὴ μετέωρον καὶ τετραχυμένον δῆμον οὐ μικρᾶς οὐδὲ
φαύλης οἰόμενος εἶναι πραγματείας μεταχειρίσασθαι καὶ μετακοσμῆσαι πρὸς εἰρήνην,
ἐπηγάγετο τὴν ἀπὸ τῶν θεῶν βοήθειαν, τὰ μὲν πολλὰ θυσίαις καὶ πομπαῖς καὶ
χορείαις, ἃς αὐτὸς ὠργίασε καὶ κατέστησεν, ἅμα σεμνότητι διαγωγὴν ἐπίχαριν καὶ
φιλάνθρωπον ἡδονὴν ἐχούσαις, δημαγωγῶν καὶ τιθασεύων τὸ θυμοειδὲς καὶ
φιλοπόλεμον· (4) ἔστι δ´ ὅτε καὶ φόβους τινὰς ἀπαγγέλλων παρὰ τοῦ θεοῦ καὶ φάσματα
δαιμόνων ἀλλόκοτα καὶ φωνὰς οὐκ εὐμενεῖς, ἐδούλου καὶ ταπεινὴν ἐποίει τὴν
διάνοιαν αὐτῶν ὑπὸ δεισιδαιμονίας. (5) ἐξ ὧν καὶ μάλιστα λόγον ἔσχεν ἡ σοφία καὶ ἡ
παίδευσις τοῦ ἀνδρός, ὡς Πυθαγόρᾳ συγγεγονότος. (6) μέγα γὰρ ἦν μέρος, ὡς ἐκείνῳ τῆς
φιλοσοφίας, καὶ τούτῳ τῆς πολιτείας ἡ περὶ τὸ θεῖον ἁγιστεία καὶ διατριβή.
(7) λέγεται δὲ καὶ τὸν ἔξωθεν ὄγκον καὶ σχηματισμὸν ἀπὸ τῆς αὐτῆς Πυθαγόρᾳ διανοίας
περιβαλέσθαι. (8) καὶ γὰρ ἐκεῖνος ἀετόν τε δοκεῖ πραῦναι, φωναῖς τισιν ἐπιστήσας καὶ
καταγαγὼν ὑπεριπτάμενον, τόν τε μηρὸν ὑποφῆναι χρυσοῦν Ὀλυμπίασι διαπορευόμενος
τὴν πανήγυριν· (9) ἄλλας τε τερατώδεις μηχανὰς αὐτοῦ καὶ πράξεις ἀναγγέλλουσιν, ἐφ´
αἷς καὶ Τίμων ὁ Φλιάσιος ἔγραψε· "Πυθαγόρην δὲ γόητας ἀποκλίνοντ´ ἐπὶ δόξας / θήρῃ
ἐπ´ ἀνθρώπων, σεμνηγορίης ὀαριστήν·" (10) τῷ δὲ Νομᾷ δρᾶμα θεᾶς τινος ἢ νύμφης ὀρείας
ἔρως ἦν καὶ συνουσία πρὸς αὐτὸν ἀπόρρητος, ὥσπερ εἴρηται, καὶ κοιναὶ μετὰ Μουσῶν
διατριβαί. (11) τὰ γὰρ πλεῖστα τῶν μαντευμάτων εἰς Μούσας ἀνῆγε, καὶ μίαν Μοῦσαν
ἰδίως καὶ διαφερόντως ἐδίδαξε σέβεσθαι τοὺς Ῥωμαίους, Τακίταν προσαγορεύσας,
οἷον σιωπηλὴν ἢ ἐνεάν· ὅπερ εἶναι δοκεῖ τὴν Πυθαγόρειον ἀπομνημονεύοντος
ἐχεμυθίαν καὶ τιμῶντος. (12) Ἔστι δὲ καὶ τὰ περὶ τῶν ἀφιδρυμάτων νομοθετήματα
παντάπασιν ἀδελφὰ τῶν Πυθαγόρου δογμάτων. (13) οὔτε γὰρ ἐκεῖνος αἰσθητὸν ἢ παθητόν,
ἀόρατον δὲ καὶ ἄκτιστον καὶ νοητὸν ὑπελάμβανεν εἶναι τὸ πρῶτον, οὗτός τε
διεκώλυσεν ἀνθρωποειδῆ καὶ ζῳόμορφον εἰκόνα θεοῦ Ῥωμαίους νομίζειν. (14) οὐδ´ ἦν παρ´
αὐτοῖς οὔτε γραπτὸν οὔτε πλαστὸν εἶδος θεοῦ πρότερον, ἀλλ´ ἐν ἑκατὸν ἑβδομήκοντα
τοῖς πρώτοις ἔτεσι ναοὺς μὲν οἰκοδομούμενοι καὶ καλιάδας ἱερὰς ἱστῶντες, ἄγαλμα
δὲ οὐδὲν ἔμμορφον ποιούμενοι διετέλουν, ὡς οὔτε ὅσιον ἀφομοιοῦν τὰ βελτίονα τοῖς
χείροσιν οὔτε ἐφάπτεσθαι θεοῦ δυνατὸν ἄλλως ἢ νοήσει. (15) κομιδῆ δὲ καὶ τὰ τῶν
θυσιῶν ἔχεται τῆς Πυθαγορικῆς ἁγιστείας· ἀναίμακτοι γὰρ ἦσαν αἵ γε πολλαί, δι´
ἀλφίτου καὶ σπονδῆς καὶ τῶν εὐτελεστάτων πεποιημέναι. (16) Χωρὶς δὲ τούτων
ἑτέροις ἔξωθεν ἐπαγωνίζονται τεκμηρίοις οἱ τὸν ἄνδρα τῷ ἀνδρὶ συνοικειοῦντες. (17) ὧν
ἓν μέν ἐστιν ὅτι Πυθαγόραν Ῥωμαῖοι τῇ πολιτείᾳ προσέγραψαν, ὡς ἱστόρηκεν
Ἐπίχαρμος ὁ κωμικὸς ἔν τινι λόγῳ πρὸς Ἀντήνορα γεγραμμένῳ, παλαιὸς ἀνὴρ καὶ τῆς
Πυθαγορικῆς διατριβῆς μετεσχηκώς· (18) ἕτερον δὲ ὅτι τεσσάρων υἱῶν βασιλεῖ Νομᾷ
γενομένων ἕνα Μάμερκον ἐπὶ τῷ Πυθαγόρου παιδὶ προσηγόρευσεν. (19) ἀπ´ ἐκείνου δὲ καὶ
τὸν Αἰμιλίων οἶκον ἀναμιχθέντα τοῖς πατρικίοις ὀνομασθῆναί φασιν, οὕτως
ὑποκοριζομένου τοῦ βασιλέως τὴν ἐν τοῖς λόγοις τοῦ ἀνδρὸς αἱμυλίαν καὶ χάριν.
(20) αὐτοὶ δ´ ἀκηκόαμεν πολλῶν ἐν Ῥώμῃ διεξιόντων ὅτι χρησμοῦ ποτε Ῥωμαίοις γενομένου
τὸν φρονιμώτατον καὶ τὸν ἀνδρειότατον Ἑλλήνων ἱδρύσασθαι παρ´ αὑτοῖς, ἔστησαν
ἐπὶ τῆς ἀγορᾶς εἰκόνας χαλκᾶς δύο, τὴν μὲν Ἀλκιβιάδου, τὴν δὲ Πυθαγόρου. (21) ταῦτα
μὲν οὖν ἀμφισβητήσεις ἔχοντα πολλὰς καὶ τὸ κινεῖν διὰ μακροτέρων καὶ τὸ
πιστοῦσθαι μειρακιώδους ἐστὶ φιλονεικίας.
| [8] (1) Après avoir terminé ces réformes, qu’il avait faites dans la vue de s’attirer la
bienveillance et les bonnes grâces du peuple, il s’occupa, sans perdre un instant, d'agir sur la
ville comme on amollit le fer, en faisant d'une cité dure et belliqueuse une cité plus douce et
plus juste. (2) Rome était alors dans cet état d’effervescence dont parle Platon: née, pour ainsi
dire, de l’audace et de la témérité des hommes les plus hardis et les plus belliqueux qui s’y
étaient rassemblés de toutes parts; nourrie dans des expéditions et dans des guerres
continuelles, elle avait consolidé sa puissance par les dangers mêmes, comme les bois qu’on
enfonce dans la terre s’affermissent par les coups qu’on leur donne. (3) Numa, sentant combien
il était difficile d’adoucir et de porter à la paix ce peuple fier et guerrier, appela les dieux à
son secours. D'abord il fit très souvent des sacrifices, des processions, des danses qu’il
organisait et dirigeait lui-même, et dont il tempérait la gravité religieuse par le plaisir des
divertissements et le charme des fêtes: il gagnait ainsi le peuple et apprivoisait son caractère
irascible et belliqueux. (4) Quelquefois même il présentait aux gens, de la part des dieux, des
motifs de frayeur; il leur annonçait des visions étranges, des voix menaçantes qu’il avait
entendues; il réussit ainsi à les soumettre entièrement et à les plier sous l’empire de la religion.
(5) C’est surtout cette sagesse si éclairée qui l’a fait passer pour disciple de Pythagore. (6) En
effet, la politique de Numa faisait, comme la philosophie de Pythagore, une grande place à
l'intimité et aux relations avec la divinité. (7) Ce fut encore, dit-on, dans les mêmes vues que
Pythagore qu’il s'entourait extérieurement d'une apparence de majesté et de prestige. (8)
Pythagore passe en effet pour avoir apprivoisé un aigle qu’il arrêtait et faisait descendre par
certaines paroles, lorsqu'il volait au-dessus de sa tête. On disait aussi qu'à Olympie, il avait
montré sa cuisse d'or en pleine assemblée. (9) On rapporte encore de lui beaucoup d’autres
choses qui passaient pour des prodiges, et qui ont fait dire à Timon le Phliasien: "Ce Pythagore,
adroit et subtil enchanteur, / Cachant sa vanité sous un dehors trompeur, / Par ses graves
discours, son séduisant langage, / Des crédules esprits captive le suffrage." (10) Quant à Numa,
l’artifice dont il fit usage consistait dans cet amour prétendu d’une déesse ou d’une nymphe des
montagnes, dont il a déjà été question et qui avait avec lui un commerce secret. Il supposa aussi
qu’il avait des entretiens fréquents avec les Muses. (11) Il attribuait effet à ces divinités la
plupart de ses révélations; et il prescrivit aux Romains des honneurs particuliers pour une
d’entre elles, qu’il appelait Tacita, c'est-à-dire la silencieuse ou la muette, ce qui semble être
le fait de quelqu'un qui connaît et honore l'habitude de tenir sa langue, que Pythagore imposait à
ses disciples. (12) Ses ordonnances sur les statues des dieux ont le plus grand rapport avec les
dogmes de ce philosophe, (13) qui croyait que le premier être n’est ni perceptible, ni sensible,
mais invisible, incréé et intelligible. Numa défendit de même aux Romains d’attribuer à la
divinité aucune forme d’homme ni de bête; (14) et il n’y eut d'abord chez eux, ni statue, ni
image de dieu. Pendant les cent soixante-dix premières années, ils ne placèrent, dans les
temples et dans les chapelles qu’ils bâtissaient, aucune statue figurant une divinité; ils
regardaient comme une impiété de représenter par des choses méprisables ce qu’il y a de plus
parfait, et croyaient qu’on ne peut atteindre l'être suprême autrement que par la pensée. (15) Ses
sacrifices ressemblaient aussi beaucoup au culte que Pythagore observait; il n’en faisait jamais
de sanglants: et la plupart étaient composés de farine, de libations et d’autres choses très
simples. (16) Outre ces premières preuves, ceux qui veulent que ces deux personnages aient eu
de grands rapports ensemble se fondent sur d’autres témoignages tirés d'ailleurs. (17) L'un
d'eux est que les Romains donnèrent le droit de cité à Pythagore, comme le rapporte le poète
comique Épicharme dans un ouvrage adressé à Anténor. Ce poète est très ancien, et avait été
disciple de Pythagore. (18) Un autre argument, c’est que des quatre fils qu’eut Numa, il en
appela un Mamercus, qui était le nom du fils de Pythagore. (19) C’est de ce fils de Numa que
descend la maison des "Aemilii", qui faisait partie des familles patriciennes. Numa avait donné
à son fils le nom d’Aemilius, à cause de la douceur et la grâce de son langage. (20) Enfin, moi-
même, pendant que j’étais à Rome, j’ai entendu dire à plusieurs Romains qu'un oracle leur
ayant ordonné d'honorer chez eux par des monuments le plus sage et le plus vaillant des Grecs,
ils érigèrent sur le forum deux statues d’airain, l'une de Pythagore et l'autre d'Alcibiade. (21)
Mais tout cela est sujet à beaucoup de controverses, et ce serait un entêtement puéril que de
s’arrêter plus longtemps à ces questions et à prendre parti.
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