[23] (1) Ἀλλ´ ἐπεὶ
τὸν Νομᾶ καὶ Λυκούργου διεληλύθαμεν βίον, ἐκκειμένων ἀμφοῖν, εἰ καὶ χαλεπὸν
ἔργον, οὐκ ἀποκνητέον συναγαγεῖν τὰς διαφοράς. (2) αἱ μὲν γὰρ κοινότητες
ἐπιφαίνονται ταῖς πράξεσιν, οἷον ἡ σωφροσύνη τῶν ἀνδρῶν, ἡ εὐσέβεια, τὸ
πολιτικόν, τὸ παιδευτικόν, τὸ μίαν ἀρχὴν παρὰ τῶν θεῶν ἀμφοτέρους λαβεῖν τῆς
νομοθεσίας· (3) τῶν δὲ ἰδίᾳ ἑκατέρου καλῶν πρῶτόν ἐστι Νομᾷ μὲν ἡ παράληψις τῆς
βασιλείας, Λυκούργῳ δὲ ἡ παράδοσις. (4) ὁ μὲν γὰρ οὐκ αἰτῶν ἔλαβεν, ὁ δὲ ἔχων
ἀπέδωκε. καὶ τὸν μὲν ἕτεροι κύριον αὑτῶν κατέστησαν ἰδιώτην καὶ ξένον ὄντα, ὁ δὲ
αὐτὸς αὑτὸν ἰδιώτην ἐκ βασιλέως ἐποίησε. (5) καλὸν μὲν οὖν τὸ κτήσασθαι δικαιοσύνῃ
τὴν βασιλείαν, καλὸν δὲ τὸ προτιμῆσαι τὴν δικαιοσύνην τῆς βασιλείας. ἡ γὰρ ἀρετὴ
τὸν μὲν οὕτως ἔνδοξον κατέστησεν ὥστε βασιλείας ἀξιωθῆναι, τὸν δὲ οὕτω μέγαν
ἐποίησεν ὥστε βασιλείας καταφρονῆσαι. (6) Δεύτερον τοίνυν, ἐπεὶ καθάπερ ἁρμονικοὶ
λύρας, ὁ μὲν ἐκλελυμένην καὶ τρυφῶσαν ἐπέτεινε τὴν Σπάρτην, ὁ δὲ τῆς Ῥώμης τὸ
σφοδρὸν ἀνῆκε καὶ σύντονον, ἡ μὲν χαλεπότης τοῦ ἔργου τῷ Λυκούργῳ πρόσεστιν. (7) οὐ
γὰρ θώρακας ἐκδῦναι καὶ ξίφη τοὺς πολίτας καταθέσθαι ἔπειθεν, ἀλλὰ χρυσὸν καὶ
ἄργυρον ἀφεῖναι καὶ στρωμνὰς ἐκβαλεῖν πολυτελεῖς καὶ τραπέζας, οὐδὲ παυσαμένους
πολέμων ἑορτάζειν καὶ θύειν, ἀλλὰ δεῖπνα καὶ πότους ἐάσαντας ἐν τοῖς ὅπλοις καὶ
ταῖς παλαίστραις διαπονεῖσθαι καὶ ἀσκεῖν. (8) ὅθεν ὁ μὲν δι´ εὐνοίας καὶ τιμῆς
ἅπαντα πείθων ἔπραξεν, ὁ δὲ κινδυνεύων καὶ βαλλόμενος μόγις ἐπεκράτησεν. (9) Ἥμερος
μέντοι καὶ φιλάνθρωπος ἡ τοῦ Νομᾶ μοῦσα πρὸς εἰρήνην καὶ δικαιοσύνην
μεθαρμοσαμένου καὶ καταπραΰναντος ἐξ ἀκρατῶν καὶ διαπύρων ἠθῶν τοὺς πολίτας. (10) εἰ
δὲ καὶ τὸ περὶ τοὺς Εἵλωτας ἀναγκάσει τις ἡμᾶς εἰς τὴν Λυκούργου θέσθαι
πολιτείαν, ὠμότατον ἔργον καὶ παρανομώτατον, μακρῷ τινι τὸν Νομᾶν ἑλληνικώτερον
γεγονέναι νομοθέτην φήσομεν, ὅς γε καὶ τοὺς ὡμολογημένους δούλους ἔγευσε τιμῆς
ἐλευθέρας, ἐν τοῖς Κρονίοις ἑστιᾶσθαι μετὰ τῶν δεσποτῶν ἀναμεμιγμένους ἐθίσας.
(11) καὶ γὰρ τοῦτο τῶν Νομᾶ πατρίων ἓν εἶναι λέγουσιν, ἐπὶ τὰς τῶν ἐτησίων ἀπολαύσεις
καρπῶν τοὺς συνεργοὺς παραλαμβάνοντος. (12) ἔνιοι δὲ τοῦτο ὑπόμνημα τῆς Κρονικῆς
ἐκείνης ἰσονομίας ἀποσώζεσθαι μυθολογοῦσιν, ὡς μηδενὸς δούλου μηδὲ δεσπότου,
πάντων δὲ συγγενῶν καὶ ἰσοτίμων νομιζομένων.
| [23] PARALLÈLE DE LYCURGUE ET DE NUMA
Traduction Bernard Latzarus, 1950.
(1) Mais, puisque nous avons parcouru jusqu’au bout la vie de Numa et celle de
Lycurgue, et que nous les avons ainsi l’un et l’autre sous les yeux, il ne faut pas hésiter, bien
que ce soit une tâche pénible, à recueillir leurs différences. (2) Car leurs points communs sont
mis en évidence par leurs actions. Ce sont, par exemple, leur sage modération, leur piété, leur
esprit politique, leur aptitude à instruire le peuple, leur idée enfin à tous deux, de faire remonter
leur législation à une source divine. (3) Mais, parmi les beaux traits propres à chacun d'eux, le
premier est, pour Numa, l’acceptation, et pour Lycurgue la cession de la royauté. (4) Car l’un
l’a reçue sans l'avoir demandée, et l’autre, qui la possédait, l’a rendue. L’un a été établi par
d’autres leur maître, quand il était un simple particulier et un étranger; l’autre s’est fait lui-
même simple particulier, de roi qu’il était. (5) Il est beau, sans doute, d’acquérir la royauté par
la justice; mais il est plus beau de faire passer la justice avant la royauté. Car la vertu a rendu
l’un si glorieux qu’on le jugea digne de la royauté, et a fait l’autre si grand qu’il dédaigna la
royauté. (6) En second lieu, si l’on compare un homme d’état au musicien qui accorde une lyre,
l’un tendit les cordes, relâchées à l’excès, de Sparte, l’autre relâcha celles de Rome, trop
fortement tendues. À cet égard, la difficulté du travail est à l’avantage de Lycurgue. (7) Car il
ne décidait pas les citoyens à dépouiller leurs cuirasses et à mettre bas leurs épées, mais à
abandonner l’or et l’argent, à rejeter les lits et les tables de prix; il ne leur conseillait pas de
renoncer à la guerre pour célébrer des fêtes et des sacrifices, mais d’abandonner festins et
parties de boisson pour s’exercer péniblement au maniement des armes et à la lutte. (8) Aussi
l’un vint-il à bout de toutes ses réformes en persuadant le peuple par sa bienveillance et son
prestige, alors que l’autre eut bien de la peine à faire prévaloir les siennes, risquant sa vie et se
faisant même blesser. (9) Cependant la Muse inspiratrice de Numa était douce et humaine; il sut
plier à la paix et à la justice, en les adoucissant, les caractères violents et les âmes de feu des
citoyens romains. (10) Et si l’on nous force à compter parmi les institutions de Lycurgue le
statut des hilotes, chef-d’oeuvre de cruauté et d’arbitraire, nous affirmerons que Numa
ressemblait bien davantage que Lycurgue à un législateur grec, puisqu’il fit goûter, même aux
esclaves reconnus tels, l’honneur de la liberté, en établissant l’usage de les faire dîner, pêle-
mêle avec leurs maîtres, pendant les Saturnales. (11) Et en effet, c’est là, dit-on, une des
traditions laissées par Numa de vouloir faire partager les prémices des récoltes à ceux qui
avaient partagé la peine de les préparer. (12) Quelques historiens y voient un souvenir de
l’ancienne égalité du temps de Saturne, où il n’y avait ni esclave, ni maître, tous les hommes
étant regardés comme des parents et des égaux.
|