[14] Εὐτύχημα δὲ δοκεῖ τῷ Μαρίῳ μέγα γενέσθαι· τῶν γὰρ
βαρβάρων ὥσπερ τινὰ παλίρροιαν τῆς ὁρμῆς λαβόντων, καὶ
ῥυέντων πρότερον ἐπὶ τὴν Ἰβηρίαν, χρόνον ἔσχε καὶ τὰ σώματα
γυμνάσαι τῶν ἀνδρῶν καὶ τὰ φρονήματα πρὸς τὸ θαρρεῖν
ἀναρρῶσαι, τὸ δὲ μέγιστον, αὐτὸς οἷος ἦν (2) κατανοηθῆναι. τὸ
γὰρ ἐν ἀρχῇ σκυθρωπὸν αὐτοῦ καὶ περὶ τὰς τιμωρίας
δυσμείλικτον ἐθισθεῖσι μηδὲν ἁμαρτάνειν μηδ' ἀπειθεῖν ἅμα
τῷ δικαίῳ σωτήριον ἐφαίνετο, τήν τε τοῦ θυμοῦ σφοδρότητα
καὶ τὸ τραχὺ τῆς φωνῆς καὶ <τὸ> ἀγριωπὸν τοῦ προσώπου
συντρεφόμενον κατὰ μικρὸν (3) οὐχ αὑτοῖς ἐνόμιζον εἶναι
φοβερόν, ἀλλὰ τοῖς πολεμίοις. μάλιστα δ' ἡ περὶ τὰς κρίσεις
ὀρθότης αὐτοῦ τοῖς στρατιώταις ἤρεσκεν· ἧς καὶ τοιόνδε τι
δεῖγμα λέγεται. Γάιος Λούσιος ἀδελφιδοῦς αὐτοῦ τεταγμένος
ἐφ' ἡγεμονίας ἐστρατεύετο, τἆλλα μὲν ἀνὴρ οὐ δοκῶν εἶναι
πονηρός, (5) ἥττων δὲ μειρακίων καλῶν. οὗτος ἤρα νεανίσκου
τῶν ὑφ' αὑτῷ στρατευομένων ὄνομα Τρεβωνίου, καὶ πολλάκις
πειρῶν οὐκ ἐτύγχανε· τέλος δὲ νύκτωρ ὑπηρέτην ἀποστείλας
μετεπέμπετο τὸν Τρεβώνιον. ὁ δὲ νεανίας ἧκε μέν, ἀντειπεῖν
γὰρ οὐκ ἐξῆν καλούμενον, εἰσαχθεὶς δ' ὑπὸ τὴν σκηνὴν πρὸς
αὐτόν, ἐπιχειροῦντα βιάζεσθαι σπασάμενος (7) τὸ ξίφος
ἀπέκτεινε. ταῦτ' ἐπράχθη τοῦ Μαρίου μὴ παρόντος· ἐπανελθὼν
δὲ προὔθηκε τῷ Τρεβωνίῳ κρίσιν. (8) ἐπεὶ δὲ πολλῶν
κατηγορούντων, οὐδενὸς δὲ συνηγοροῦντος, αὐτὸς εὐθαρσῶς
καταστὰς διηγήσατο τὸ πρᾶγμα, καὶ μάρτυρας ἔσχεν ὅτι
πειρῶντι πολλάκις ἀντεῖπε τῷ Λουσίῳ καὶ μεγάλων διδομένων
ἐπ' οὐδενὶ προήκατο τὸ σῶμα, θαυμάσας ὁ Μάριος καὶ ἡσθεὶς
ἐκέλευσε τὸν πάτριον ἐπὶ ταῖς ἀριστείαις στέφανον
κομισθῆναι, καὶ λαβὼν αὐτὸς ἐστεφάνωσε τὸν Τρεβώνιον, ὡς
κάλλιστον ἔργον ἐν καιρῷ (9) παραδειγμάτων δεομένῳ καλῶν
ἀποδεδειγμένον. τοῦτ' εἰς τὴν Ῥώμην ἀπαγγελθὲν οὐχ ἥκιστα
τῷ Μαρίῳ συνέπραξε τὴν τρίτην ὑπατείαν· ἅμα δὲ καὶ τῶν
βαρβάρων ἔτους ὥρᾳ προσδοκίμων ὄντων, ἐβούλοντο μετὰ
μηδενὸς (10) ἄλλου στρατηγοῦ κινδυνεῦσαι πρὸς αὐτούς. οὐ
μὴν ἧκον ὡς προσεδοκῶντο ταχέως, ἀλλὰ πάλιν διῆλθε τῷ
Μαρίῳ ὁ τῆς ὑπατείας χρόνος.
(11) Ἐνισταμένων δὲ τῶν ἀρχαιρεσιῶν καὶ τοῦ
συνάρχοντος αὐτοῦ τελευτήσαντος, ἀπολιπὼν ἐπὶ τῶν
δυνάμεων (12) Μάνιον Ἀκύλλιον, αὐτὸς ἧκεν εἰς Ῥώμην.
μετιόντων δὲ πολλῶν καὶ ἀγαθῶν τὴν ὑπατείαν, Λούκιος
Σατορνῖνος, ὁ μάλιστα τῶν δημάρχων ἄγων τὸ πλῆθος, ὑπὸ τοῦ
Μαρίου τεθεραπευμένος ἐδημηγόρει, κελεύων ἐκεῖνον
ὕπατον αἱρεῖσθαι. θρυπτομένου δὲ τοῦ Μαρίου καὶ
παραιτεῖσθαι τὴν ἀρχὴν φάσκοντος, ὡς δὴ μὴ δεομένου,
προδότην αὐτὸν ὁ Σατορνῖνος ἀπεκάλει τῆς πατρίδος, ἐν (14)
κινδύνῳ τοσούτῳ φεύγοντα τὸ στρατηγεῖν. καὶ φανερὸς μὲν ἦν
ἀπιθάνως συνυποκρινόμενος τὸ προσποίημα τῷ Μαρίῳ, τὸν δὲ
καιρὸν ὁρῶντες οἱ πολλοὶ τῆς ἐκείνου δεινότητος ἅμα καὶ τύχης
δεόμενον, ἐψηφίσαντο τὴν τετάρτην ὑπατείαν, καὶ συνάρχοντα
Κάτλον αὐτῷ Λουτάτιον κατέστησαν, ἄνδρα καὶ τιμώμενον
ὑπὸ τῶν ἀρίστων καὶ τοῖς πολλοῖς οὐκ ἐπαχθῆ.
| [14] XV. Il semble que dans cette occasion ce fut pour Marius une grande faveur de la
fortune que les Barbares, par une sorte de reflux, allassent d'abord inonder
l'Espagne : ce retard lui donna le temps d'exercer ses soldats, de leur inspirer du
courage et de l'audace; et, ce qui était encore plus important, de leur apprendre à
connaître leur général. Sa dureté dans le commandement, sa rigueur inflexible dans
les punitions, une fois qu'ils eurent pris l'habitude d'obéir et de ne plus manquer à
leur devoir, leur parurent également justes et salutaires. Quand ils eurent vécu
quelque temps avec lui, ils virent que sa colère et ses emportements, l'âpreté de sa
voix, l'air farouche de son visage, n'étaient plus redoutables pour eux, et ne le
seraient que pour les ennemis. Mais rien ne les charmait tant que sa droiture dans
les jugements ; on en cite cet exemple remarquable. Il avait parmi les officiers de son
armée un neveu, nommé Caïus Lucius, qui ne passait pas pour un méchant homme,
mais qui se laissait aller à des passions infâmes. Il aimait un jeune homme de sa
compagnie, nommé Trébonius, et l'avait déjà sollicité plusieurs fois inutilement.
Une nuit enfin, il le fait appeler par un de ses domestiques; le jeune homme, qui ne
pouvait désobéir à son officier, se rend à ses ordres. Dès qu'il est entré dans la tente
de Lucius, cet officier voulant lui faire violence, Trébonius tire son épée, et le tue.
Marius était alors absent ; à son retour, il fit citer Trébonius à son tribunal, où il se
présenta contre lui beaucoup d'accusateurs et pas un seul défenseur. Alors le jeune
homme, s'étant avancé avec confiance, exposa devant Marius ce qui s'était passé; il
nomma plusieurs témoins de ses refus persévérants aux sollicitations fréquentes de
Lucius, des offres considérables qui lui avaient été faites, sans que rien eût peu lui
arracher le sacrifice de son honneur. Marius, ravi d'admiration et transporté de joie,
fit apporter une de ces couronnes dont les Romains récompensaient les plus grands
traits de courage, et la mit lui-même sur la tête de Trébonius, pour avoir fait une
action si glorieuse dans un temps qui avait besoin de grands exemples. XVI. Ce
jugement, connu à Rome, ne contribua pas peu à faire obtenir à Marius un troisième
consulat; d'ailleurs on attendait les Barbares au printemps, et les soldats ne voulaient
pas s'exposer à combattre contre eux sous un autre général que Marius. Mais ils ne
vinrent pas aussitôt qu'on l'avait cru; et le troisième consulat de Marius expira avant
qu'ils fussent arrivés. Quand le temps des comices approcha, la mort de l'autre
consul obligea Marius de laisser le commandement de l'armée à Manius Acilius, et
de se rendre à Rome. Plusieurs Romains des plus distingués s'étaient mis sur les
rangs ; mais Lucius Saturninus, celui des tribuns qui avait le plus de pouvoir sur le
peuple, gagné par Marius, haranguait dans toutes les assemblées, pour persuader
aux citoyens de continuer Marius dans le consulat; et comme celui-ci faisait
semblant de le refuser, qu'il affectait même de ne pas s'en soucier, Saturninus
l'accusait de trahir sa patrie, en ne voulant pas, dans un danger si pressant, accepter
le commandement de l'armée. On voyait bien que ce n'était qu'une feinte, dans
laquelle Saturninus jouait assez maladroitement son rôle; mais le peuple, qui sentait
que dans cette conjoncture on avait besoin de la capacité et de la fortune de Marius,
lui décerna ce quatrième consulat, et lui donna pour collègue Catulus Lutatius,
homme estimé des nobles, et qui n'était pas désagréable au peuple.
|