[105] ὥς (105a) γε δὴ ἐμαυτὸν πείθω· νῦν δ´ ἕτερ´ αὖ κατηγορήσω
διανοήματα σὰ πρὸς αὐτὸν σέ, ᾧ καὶ γνώσῃ ὅτι προσέχων γέ σοι
τὸν νοῦν διατετέλεκα. δοκεῖς γάρ μοι, εἴ τίς σοι εἴποι θεῶν·
"Ὦ Ἀλκιβιάδη, πότερον βούλει ζῆν ἔχων ἃ νῦν ἔχεις, ἢ
αὐτίκα τεθνάναι εἰ μή σοι ἐξέσται μείζω κτήσασθαι;"
δοκεῖς ἄν μοι ἑλέσθαι τεθνάναι· ἀλλὰ νῦν ἐπὶ τίνι δή ποτε
ἐλπίδι ζῇς, ἐγὼ φράσω. ἡγῇ, ἐὰν θᾶττον εἰς τὸν Ἀθηναίων
(105b) δῆμον παρέλθῃς - τοῦτο δ´ ἔσεσθαι μάλα ὀλίγων ἡμερῶν -
παρελθὼν οὖν ἐνδείξεσθαι Ἀθηναίοις ὅτι ἄξιος εἶ τιμᾶσθαι
ὡς οὔτε Περικλῆς οὔτ´ ἄλλος οὐδεὶς τῶν πώποτε γενομένων,
καὶ τοῦτ´ ἐνδειξάμενος μέγιστον δυνήσεσθαι ἐν τῇ πόλει, ἐὰν
δ´ ἐνθάδε μέγιστος ᾖς, καὶ ἐν τοῖς ἄλλοις Ἕλλησι, καὶ οὐ
μόνον ἐν Ἕλλησιν, ἀλλὰ καὶ ἐν τοῖς βαρβάροις, ὅσοι ἐν τῇ
αὐτῇ ἡμῖν οἰκοῦσιν ἠπείρῳ. καὶ εἰ αὖ σοι εἴποι ὁ αὐτὸς
οὗτος θεὸς ὅτι αὐτοῦ σε δεῖ δυναστεύειν ἐν τῇ Εὐρώπῃ,
(105c) διαβῆναι δὲ εἰς τὴν Ἀσίαν οὐκ ἐξέσται σοι οὐδὲ ἐπιθέσθαι
τοῖς ἐκεῖ πράγμασιν, οὐκ ἂν αὖ μοι δοκεῖς ἐθέλειν οὐδ´ ἐπὶ
τούτοις μόνοις ζῆν, εἰ μὴ ἐμπλήσεις τοῦ σοῦ ὀνόματος καὶ
τῆς σῆς δυνάμεως πάντας ὡς ἔπος εἰπεῖν ἀνθρώπους· καὶ
οἶμαί σε πλὴν Κύρου καὶ Ξέρξου ἡγεῖσθαι οὐδένα ἄξιον
λόγου γεγονέναι. ὅτι μὲν οὖν ἔχεις ταύτην τὴν ἐλπίδα, εὖ
οἶδα καὶ οὐκ εἰκάζω. ἴσως ἂν οὖν εἴποις, ἅτε εἰδὼς ὅτι
ἀληθῆ λέγω, "Τί δὴ οὖν, ὦ Σώκρατες, τοῦτ´ ἐστί σοι πρὸς
(105d) λόγον; {ὃν ἔφησθα ἐρεῖν, διὸ ἐμοῦ οὐκ ἀπαλλάττῃ;}" ἐγὼ δὲ
σοί γε ἐρῶ, ὦ φίλε παῖ Κλεινίου καὶ Δεινομάχης. τούτων
γάρ σοι ἁπάντων τῶν διανοημάτων τέλος ἐπιτεθῆναι ἄνευ
ἐμοῦ ἀδύνατον· τοσαύτην ἐγὼ δύναμιν οἶμαι ἔχειν εἰς τὰ σὰ
πράγματα καὶ εἰς σέ, διὸ δὴ καὶ πάλαι οἴομαί με τὸν θεὸν
οὐκ ἐᾶν διαλέγεσθαί σοι, ὃν ἐγὼ περιέμενον ὁπηνίκα ἐάσει.
ὥσπερ γὰρ σὺ ἐλπίδας ἔχεις ἐν τῇ πόλει ἐνδείξασθαι ὅτι
(105e) αὐτῇ παντὸς ἄξιος εἶ, ἐνδειξάμενος δὲ {ὅτι} οὐδὲν ὅτι οὐ
παραυτίκα δυνήσεσθαι, οὕτω κἀγὼ παρὰ σοὶ ἐλπίζω μέγιστον
δυνήσεσθαι ἐνδειξάμενος ὅτι παντὸς ἄξιός εἰμί σοι καὶ οὔτε
ἐπίτροπος οὔτε συγγενὴς οὔτ´ ἄλλος οὐδεὶς ἱκανὸς παραδοῦναι
τὴν δύναμιν ἧς ἐπιθυμεῖς πλὴν ἐμοῦ, μετὰ τοῦ θεοῦ μέντοι.
νεωτέρῳ μὲν οὖν ὄντι σοι καὶ πρὶν τοσαύτης ἐλπίδος γέμειν,
ὡς ἐμοὶ δοκεῖ, οὐκ εἴα ὁ θεὸς διαλέγεσθαι,
| [105] du moins je m’en flatte. Mais tu as d’autres pensées
et je vais te les énoncer à toi-même, et tu reconnaîtras par là que je
n’ai point cessé d’avoir les yeux sur toi. Je crois en effet que, si quelque
dieu te disait : « Que préfères-tu, Alcibiade, vivre avec les avantages que tu
as maintenant ou mourir sur-le-champ, s’il ne t’est point possible d’en acquérir
de plus grands ? », je crois, dis-je, que tu préférerais mourir. Mais alors dans
quelle espérance vis-tu donc ? Je vais te le dire. Tu penses que, si tu parais
bientôt dans l’assemblée du peuple athénien, ce qui arrivera sous peu de jours,
tu n’auras qu’à te présenter pour convaincre les Athéniens que tu mérites d’être
honoré plus que Périclès ou tout autre qui ait jamais existé, et qu’après les en
avoir convaincus, tu seras tout-puissant dans la ville ; et, si tu es
tout-puissant chez nous, tu le seras aussi chez les autres Grecs, et non
seulement chez les Grecs, mais encore chez les barbares qui habitent le même
continent que nous. Et si le même dieu te disait encore que tu dois te contenter
d’être le maître ici, en Europe, mais que tu ne pourras pas passer en Asie, ni
te mêler des affaires de ce pays-là, je crois bien que tu ne consentirais pas
non plus à vivre à ces conditions mêmes, parce que tu ne pourrais remplir
presque toute la terre de ton nom et de ta puissance. Oui, je crois qu’à
l’exception de Cyrus et de Xerxès, il n’y a pas d’homme que tu juges digne de
considération. Que telles soient tes espérances, c’est pour moi certitude, et
non conjecture. Peut-être me demanderas-tu, sachant bien que je dis vrai : « Eh
bien, Socrate, qu’a de commun ce préambule avec la raison que tu voulais donner
de ta persévérance à me suivre ? » Je te répondrai donc : « C’est qu’il est
impossible, cher fils de Clinias et de Deinomakhè, que tu puisses réaliser tous
ces projets sans moi, tant est grande la puissance que je crois avoir sur tes
affaires et sur toi-même. » C’est pour cela, je pense, que le dieu m’a si
longtemps empêché de te parler et que j’ai attendu le moment où il le
permettrait. Car si toi, tu espères faire voir au peuple que tu es pour lui
d’une valeur sans égale et acquérir aussitôt par là un pouvoir absolu, moi, de
mon côté, j’espère être tout-puissant près de toi, quand je t’aurai fait voir
que je suis pour toi d’un prix inappréciable et que ni tuteur, ni parent, ni
personne autre n’est à même de te donner la puissance à laquelle tu aspires,
excepté moi, avec l’aide de Dieu toutefois. Tandis que tu étais plus jeune et
avant que tu fusses, semblait-il, gonflé de si grandes ambitions, le dieu ne me
permettait pas de m’entretenir avec toi,
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