[114] εἰ μή τίς σοι τεκμήριον καθαρὸν
(114a) καὶ ἄχραντον οἴσει. ἐγὼ δὲ χαίρειν ἐάσας τὰς σὰς
προδρομὰς τοῦ λόγου οὐδὲν ἧττον ἐρήσομαι πόθεν μαθὼν αὖ τὰ
συμφέροντ´ ἐπίστασαι, καὶ ὅστις ἐστὶν ὁ διδάσκαλος, καὶ
πάντ´ ἐκεῖνα τὰ πρότερον ἐρωτῶ μιᾷ ἐρωτήσει; ἀλλὰ γὰρ
δῆλον ὡς εἰς ταὐτὸν ἥξεις καὶ οὐχ ἕξεις ἀποδεῖξαι οὔθ´ ὡς
ἐξευρὼν οἶσθα τὰ συμφέροντα οὔθ´ ὡς μαθών. ἐπειδὴ δὲ
τρυφᾷς καὶ οὐκέτ´ ἂν ἡδέως τοῦ αὐτοῦ γεύσαιο λόγου, τοῦτον
μὲν ἐῶ χαίρειν, εἴτ´ οἶσθα εἴτε μὴ τὰ Ἀθηναίοις συμφέροντα·
(114b) πότερον δὲ ταὐτά ἐστι δίκαιά τε καὶ συμφέροντ´
ἢ ἕτερα, τί οὐκ ἀπέδειξας; εἰ μὲν βούλει, ἐρωτῶν με ὥσπερ
ἐγὼ σέ, εἰ δέ, καὶ αὐτὸς ἐπὶ σεαυτοῦ λόγῳ διέξελθε.
(ΑΛΚΙΒΙΑΔΗΣ) Ἀλλ´ οὐκ οἶδα εἰ οἷός τ´ ἂν εἴην, ὦ Σώκρατες, πρὸς
σὲ διελθεῖν.
(ΣΩΚΡΑΤΗΣ) Ἀλλ´, ὠγαθέ, ἐμὲ ἐκκλησίαν νόμισον καὶ δῆμον·
καὶ ἐκεῖ τοί σε δεήσει ἕνα ἕκαστον πείθειν. ἦ γάρ;
(ΑΛΚΙΒΙΑΔΗΣ) Ναί.
(ΣΩΚΡΑΤΗΣ) Οὐκοῦν τοῦ αὐτοῦ ἕνα τε οἷόν τε εἶναι κατὰ μόνας
(114c) πείθειν καὶ συμπόλλους περὶ ὧν ἂν εἰδῇ, ὥσπερ ὁ γραμματιστὴς
ἕνα τέ που πείθει περὶ γραμμάτων καὶ πολλούς;
(ΑΛΚΙΒΙΑΔΗΣ) Ναί.
(ΣΩΚΡΑΤΗΣ) Ἆρ´ οὖν οὐ καὶ περὶ ἀριθμοῦ ὁ αὐτὸς ἕνα τε καὶ
πολλοὺς πείσει;
(ΑΛΚΙΒΙΑΔΗΣ) Ναί.
(ΣΩΚΡΑΤΗΣ) Οὗτος δ´ ἔσται ὁ εἰδώς, ὁ ἀριθμητικός;
(ΑΛΚΙΒΙΑΔΗΣ) Πάνυ γε.
(ΣΩΚΡΑΤΗΣ) Οὐκοῦν καὶ σὺ ἅπερ καὶ πολλοὺς οἷός τε πείθειν
εἶ, ταῦτα καὶ ἕνα;
(ΑΛΚΙΒΙΑΔΗΣ) Εἰκός γε.
(ΣΩΚΡΑΤΗΣ) Ἔστι δὲ ταῦτα δῆλον ὅτι ἃ οἶσθα.
(ΑΛΚΙΒΙΑΔΗΣ) Ναί.
(ΣΩΚΡΑΤΗΣ) Ἄλλο τι οὖν τοσοῦτον μόνον διαφέρει τοῦ ἐν τῷ
(114d) δήμῳ ῥήτορος ὁ ἐν τῇ τοιᾷδε συνουσίᾳ, ὅτι ὁ μὲν ἁθρόους
πείθει τὰ αὐτά, ὁ δὲ καθ´ ἕνα;
(ΑΛΚΙΒΙΑΔΗΣ) Κινδυνεύει.
(ΣΩΚΡΑΤΗΣ) Ἴθι νῦν, ἐπειδὴ τοῦ αὐτοῦ φαίνεται πολλούς τε καὶ
ἕνα πείθειν, ἐν ἐμοὶ ἐμμελέτησον καὶ ἐπιχείρησον ἐπιδεῖξαι
ὡς τὸ δίκαιον ἐνίοτε οὐ συμφέρει.
(ΑΛΚΙΒΙΑΔΗΣ) Ὑβριστὴς εἶ, ὦ Σώκρατες.
(ΣΩΚΡΑΤΗΣ) Νῦν γοῦν ὑφ´ ὕβρεως μέλλω σε πείθειν τἀναντία
οἷς σὺ ἐμὲ οὐκ ἐθέλεις.
(ΑΛΚΙΒΙΑΔΗΣ) Λέγε δή.
(ΣΩΚΡΑΤΗΣ) Ἀποκρίνου μόνον τὰ ἐρωτώμενα.
(114e) (ΑΛΚΙΒΙΑΔΗΣ) Μή, ἀλλὰ σὺ αὐτὸς λέγε.
(ΣΩΚΡΑΤΗΣ) Τί δ´; οὐχ ὅτι μάλιστα βούλει πεισθῆναι;
(ΑΛΚΙΒΙΑΔΗΣ) Πάντως δήπου.
(ΣΩΚΡΑΤΗΣ) Οὐκοῦν εἰ λέγεις ὅτι ταῦθ´ οὕτως ἔχει, μάλιστ´ ἂν
εἴης πεπεισμένος;
(ΑΛΚΙΒΙΑΔΗΣ) Ἔμοιγε δοκεῖ.
(ΣΩΚΡΑΤΗΣ) Ἀποκρίνου δή· καὶ ἐὰν μὴ αὐτὸς σὺ σαυτοῦ ἀκούσῃς
ὅτι τὰ δίκαια καὶ συμφέροντά ἐστιν, ἄλλῳ γε λέγοντι μὴ πιστεύσῃς.
(ΑΛΚΙΒΙΑΔΗΣ) Οὔτοι, ἀλλ´ ἀποκριτέον· καὶ γὰρ οὐδὲν οἴομαι
βλαβήσεσθαι.
| [114] et il te faut une preuve toute neuve et immaculée ? Mais moi, sans te suivre
dans tes écarts, je persiste à te demander d’où tu as tiré ta connaissance de l’utile
et qui est ton maître, et je renouvelle en bloc toutes mes questions précédentes. Mais
non, car il est évident que tu vas retomber dans le même embarras et que tu seras
incapable de prouver que tu connais l’utile, soit pour l’avoir découvert, soit
pour l’avoir appris. Cependant, puisque tu es si délicat et que tu ne goûterais
guère le même raisonnement, je renonce à examiner si tu sais ou ne sais pas ce
qui est utile aux Athéniens. Mais le juste et l’utile sont-ils identiques ou
différents, voilà ce que tu aurais dû démontrer, soit, si tu veux, en
m’interrogeant, comme je t’ai interrogé moi-même, soit en exposant toi-même
ta pensée à ta manière.
(ALCIBIADE)
Je ne sais trop, Socrate, si je serais capable de te l’exposer.
(SOCRATE)
Eh bien, mon bon, tu n’as qu’à t’imaginer que je suis l’assemblée et le peuple.
Là aussi, tu auras à persuader chaque homme en particulier, n’est-ce pas ?
(ALCIBIADE)
Oui.
(SOCRATE)
Ce même homme ne peut-il pas persuader une personne isolée aussi bien qu’une
foule sur les choses qu’il sait, comme le maître d’école qui enseigne à lire
persuade aussi bien un seul écolier que plusieurs ?
(ALCIBIADE)
Si.
(SOCRATE)
De même, en matière de nombre, le même homme ne persuadera-t-il pas aussi bien
un seul auditeur que plusieurs ?
(ALCIBIADE)
Si.
(SOCRATE)
Et cet homme sera celui qui sait, l’arithméticien.
(ALCIBIADE)
Parfaitement.
(SOCRATE)
De même toi, ce que tu es capable de persuader à plusieurs, ne peux-tu pas le
persuader à un seul ?
(ALCIBIADE)
Apparemment.
(SOCRATE)
Et ce que tu peux persuader, c’est évidemment ce que tu sais.
(ALCIBIADE)
Oui.
(SOCRATE)
La seule différence qu’il y ait l’entre l’orateur qui parle devant le peuple et
l’homme qui parle dans un entretien comme le nôtre, n’est-ce pas que, sur le
même sujet, l’un persuade ses auditeurs en masse, et l’autre, chacun isolément ?
(ALCIBIADE)
Il se peut.
(SOCRATE)
Va donc, et puisqu’il est évident qu’il appartient au même homme de persuader
plusieurs auditeurs et un seul, exerce-toi sur moi et tâche de démontrer qu’il y
a des cas où le juste n’est pas utile.
(ALCIBIADE)
Tu es trop exigeant, Socrate.
(SOCRATE)
Cette fois-ci en effet, j’irai jusqu’à te persuader le contraire de ce que tu
refuses de me persuader à moi.
(ALCIBIADE)
Voyons, parle.
(SOCRATE)
Réponds seulement à mes questions.
(ALCIBIADE)
Non pas, mais parle, toi, tout seul.
(SOCRATE)
Eh bien quoi ? ne veux-tu pas être persuadé le plus possible ?
(ALCIBIADE)
Assurément si.
(SOCRATE)
Et n’est-ce pas quand tu prononceras : « Il en est bien ainsi » que tu seras le
mieux persuadé ?
(ALCIBIADE)
Je le crois.
(SOCRATE)
Réponds donc, et si tu ne t’entends pas toi-même dire que le juste est utile, ne
crois pas ce qu’un autre peut en dire.
(ALCIBIADE)
Non certes. Mais il faut répondre ; car il ne m’en reviendra, je pense, aucun
mal.
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