[15,10] Ἐῶ λέγειν, ὅτι ὁ μὲν ἀγαθὸς ἀνὴρ πράττων καὶ
μὴ ἐπαναχωρῶν, μηδὲ ἐξιστάμενος τοῖς μοχθηροῖς,
ἑαυτὸν ἂν σώζοι, καὶ τοὺς ἄλλους ἐπὶ τὸ βέλτιστον
τρέποι· ἐπαναχωρῶν δὲ καὶ δεικνὺς τὰ νῶτα, θρασύ–
τητος μὲν καὶ ἀπειροκαλίας καὶ τόλμης τὸ μοχθηρὸν
πᾶν ἂν ἀπέπλησεν, τὸ δὲ ἑαυτοῦ προΐεται.
Ποῖ φεύγεις μετὰ νῶτα βαλών, κακὸς ὥς, ἐν ὁμίλῳ;
Μένε, καὶ ἵστασο, καὶ ἀνέχου τῶν βλημάτων, καὶ μηδὲν
ἐκπλαγῇς· δειλὸν τὸ τῶν πολεμίων στρατόπεδον,
κενὰ τὰ βλήματα, ἐπιόντα σε οὐδεὶς δέξεται, φεύγοντα
πάντες βαλοῦσιν, ὡς τὸν Αἴαντα οἱ Τρῶες, ὡς τὸν
Σωκράτην Ἀθηναῖοι ἔβαλλον, καὶ οὐκ ἀπέσχοντο αὐτοῦ,
πρὶν κατέβαλον. Πῶς ἂν οὖν τις βιώῃ ἀσφαλῶς
ἐν μέσοις ὢν τοῖς πολεμίοις; οὐδὲν γὰρ πολεμιώτερον
ἀνδρὸς ἀρετῇ μοχθηρίας ἀμφιλαφοῦς. Συνυποσταλείς,
φησὶν ὁ Σωκράτης, ὑπὸ τειχίον, τοὺς ἄλλους ὁρῶν
ζάλῃ καὶ ἀμηχανίᾳ κυκωμένους. Δεῖξον, ὦ Σώκρατες,
ἀσφαλὲς τειχίον, ἔνθα στὰς ὑπερόψομαι τῶν βλημάτων·
ἐὰν δέ μοι τοιοῦτον τειχίον λέγῃς, ᾧ καὶ σὺ
ὑπεστάλης, ὁρῶ τὰ βλήματα, Ἀνύτους πολλούς, Μελήτους
πολλούς· ἁλώσιμον τὸ τειχίον.
| [15,10] X. Dirons-nous que l’homme de bien, qui se livre à l’activité, qui ne
s’isole point, qui ne laisse pas le champ libre aux méchants, travaille
pour son propre compte, et tourne les autres au bien? S’il quitte la
partie, s’il tourne le dos, il donne de l’audace, de l’insolence, de
l’intrépidité aux méchants, il se met à leur discrétion: « Malheureux, où
fuis-tu, pourquoi montrer les talons au milieu des rangs ennemis »?
Ne recule point; tiens ferme; soutiens le choc; et tu ne seras point
blessé. Tu n’as affaire qu’à une armée de lâches: leurs coups ne portent
point: si tu cours sur eux, aucun n’osera te faire tête. Mais si tu prends
la fuite, ils se disputeront à l’envi le plaisir de t’accabler. Tu auras
le sort d’Ajax, sous les murs de Troie, et de Socrate, à Athènes. Les
méchants ne lâchèrent prise contre ce dernier, qu’après qu’ils eurent
entièrement consommé sa perte. Où donc trouver de la sécurité dans cette
vie, parmi ce monde d’ennemis? Car rien ne conspire plus obstinément
contre la vertu de l’homme de bien, que la méchanceté qui peuple la terre.
« Retranché », dit Socrate, « dans une citadelle, je vois les autres
continuellement en butte aux agressions et aux combats». Bon
Socrate, montre-nous donc cette inexpugnable forteresse, d’où nous
puissions, en nous y plaçant, braver toutes les atteintes. Mais, si tu
n’en as pas de plus sûre que la tienne à nous indiquer, nous voyons déjà
des milliers d’Anytus, des milliers de Mélitus en faire le siège; et nous
serons forcés dans nos retranchements.
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