[30] Ἐκ μὲν τοίνυν τῆς γραφῆς πειρᾶταί με διαβάλλειν ὁ κατήγορος ὡς διαφθείρω
τοὺς νεωτέρους λέγειν διδάσκων καὶ παρὰ τὸ δίκαιον ἐν τοῖς ἀγῶσι πλεονεκτεῖν, ἐκ δὲ
τῶν ἄλλων λόγων ποιεῖ με τηλικοῦτον, ὅσος οὐδεὶς πώποτε γέγονεν οὔτε τῶν περὶ τὰ
δικαστήρια καλινδουμένων οὔτε τῶν περὶ τὴν φιλοσοφίαν διατριψάντων· οὐ γὰρ μόνον
ἰδιώτας φησί μου γεγενῆσθαι μαθητάς, ἀλλὰ καὶ ῥήτορας καὶ στρατηγοὺς καὶ βασιλέας
καὶ τυράννους, καὶ χρήματα παρ' αὐτῶν παμπληθῆ τὰ μὲν εἰληφέναι τὰ δ' ἔτι καὶ νῦν
λαμβάνειν. (31) Τοῦτον δὲ τὸν τρόπον πεποίηται τὴν κατηγορίαν, ἡγούμενος ἐκ μὲν ὧν
καταλαζονεύεται περί μου καὶ τοῦ πλούτου καὶ τοῦ πλήθους τῶν μαθητῶν φθόνον
ἅπασι τοῖς ἀκούουσιν ἐμποιήσειν, ἐκ δὲ τῆς περὶ τὰ δικαστήρια πραγματείας εἰς ὀργὴν
καὶ μῖσος ὑμᾶς καταστήσειν· ἅπερ ὅταν πάθωσιν οἱ κρίνοντες, χαλεπώτατοι τοῖς
ἀγωνιζομένοις εἰσίν.
Ὡς οὖν τὰ μὲν μείζω τοῦ προσήκοντος εἴρηκε, τὰ δ' ὅλως ψεύδεται, ῥᾳδίως οἶμαι
φανερὸν ποιήσειν. (32) Ἀξιῶ δ' ὑμᾶς τοῖς μὲν λόγοις οἷς πρότερον ἀκηκόατε περί μου
τῶν βλασφημεῖν καὶ διαβάλλειν βουλομένων, μὴ προσέχειν τὸν νοῦν, μηδὲ πιστεύειν
τοῖς μήτε μετ' ἐλέγχου μήτε μετὰ κρίσεως εἰρημένοις, μηδὲ ταῖς δόξαις χρῆσθαι ταῖς
ἀδίκως ὑπ' ἐκείνων ὑμῖν ἐγγεγενημέναις, ἀλλ' ὁποῖός τις ἂν ἐκ τῆς κατηγορίας τῆς νῦν
καὶ τῆς ἀπολογίας φαίνωμαι, τοιοῦτον εἶναί με νομίζειν· οὕτω γὰρ γιγνώσκοντες αὐτοί τε
δόξετε καλῶς κρίνειν καὶ νομίμως, ἐγώ τε τεύξομαι πάντων τῶν δικαίων.
(33) Ὅτι μὲν οὖν οὐδεὶς οὔθ' ὑπὸ τῆς δεινότητος τῆς ἐμῆς οὔθ' ὑπὸ τῶν
συγγραμμάτων βέβλαπται τῶν πολιτῶν, τὸν ἐνεστῶτα κίνδυνον ἡγοῦμαι μέγιστον εἶναι
τεκμήριον. Εἰ γάρ τις ἦν ἠδικημένος, εἰ καὶ τὸν ἄλλον χρόνον ἡσυχίαν εἶχεν, οὐκ ἂν
ἠμέλησε τοῦ καιροῦ τοῦ παρόντος, ἀλλ' ἦλθεν ἂν ἤτοι κατηγορήσων ἢ
καταμαρτυρήσων. Ὅπου γὰρ ὁ μηδ' ἀκηκοὼς μηδὲν πώποτε φλαῦρον εἰς ἀγῶνά με
τηλικουτονὶ κατέστησεν, ἦ που σφόδρ' ἂν οἱ κακῶς πεπονθότες ἐπειρῶντ' ἂν δίκην
παρ' ἐμοῦ λαμβάνειν. (34) Οὐ γὰρ δὴ τοῦτό γ' ἐστὶν οὔτ' εἰκὸς οὔτε δυνατόν, ἐμὲ μὲν
περὶ πολλοὺς ἡμαρτηκέναι, τοὺς δὲ ταῖς συμφοραῖς δι' ἐμὲ περιπεπτωκότας ἡσυχίαν
ἔχειν καὶ μὴ τολμᾶν ἐγκαλεῖν, ἀλλὰ πραοτέρους ἐν τοῖς ἐμοῖς εἶναι κινδύνοις τῶν μηδὲν
ἠδικημένων, ἐξὸν αὐτοῖς δηλώσασιν ἃ πεπόνθασι τὴν μεγίστην παρ' ἐμοῦ λαβεῖν
τιμωρίαν. (35) Ἀλλὰ γὰρ οὔτε πρότερον οὔτε νῦν οὐδείς μοι φανήσεται τοιοῦτον οὐδὲν
ἐγκαλέσας. Ὥστ' εἰ συγχωρήσαιμι τῷ κατηγόρῳ καὶ προσομολογήσαιμι πάντων
ἀνθρώπων εἶναι δεινότατος, καὶ συγγραφεὺς τῶν λόγων τῶν λυπούντων ὑμᾶς τοιοῦτος
οἷος οὐδεὶς ἄλλος γέγονε, πολὺ ἂν δικαιότερον ἐπιεικὴς εἶναι δοκοίην ἢ ζημιωθείην. (36)
Τοῦ μὲν γὰρ γενέσθαι προέχοντα τῶν ἄλλων ἢ περὶ τοὺς λόγους ἢ περὶ τὰς πράξεις
εἰκότως ἄν τις τὴν τύχην αἰτιάσαιτο, τοῦ δὲ καλῶς καὶ μετρίως κεχρῆσθαι τῇ φύσει
δικαίως ἂν ἅπαντες τὸν τρόπον τὸν ἐμὸν ἐπαινέσειαν.
Οὐ μὴν οὐδ' εἰ ταῦτ' ἔχων περὶ ἐμαυτοῦ λέγειν, οὐδ' οὕτω φανήσομαι περὶ τοὺς λόγους
τοὺς τοιούτους γεγενημένος.
(37) Γνώσεσθε δ' ἐκ τῶν ἐπιτηδευμάτων τῶν ἐμῶν, ἐξ ὧνπερ οἷόν τ' ἐστὶν εἰδέναι
τὴν ἀλήθειαν πολὺ μᾶλλον ἢ παρὰ τῶν διαβαλλόντων. Οἶμαι γὰρ οὐδένα τοῦτ' ἀγνοεῖν,
ὅτι πάντες ἄνθρωποι περὶ τὸν τόπον τοῦτον εἰώθασι διατρίβειν, ὅθεν ἂν προέλωνται
τὸν βίον πορίζεσθαι. (38) Τοὺς μὲν τοίνυν ἀπὸ τῶν συμβολαίων τῶν ὑμετέρων ζῶντας
καὶ τῆς περὶ ταῦτα πραγματείας ἴδοιτ' ἂν μόνον οὐκ ἐν τοῖς δικαστηρίοις οἰκοῦντας, ἐμὲ
δ' οὐδεὶς πώποθ' ἑώρακεν οὔτ' ἐν τοῖς συνεδρίοις οὔτε περὶ τὰς ἀνακρίσεις οὔτ' ἐπὶ τοῖς
δικαστηρίοις οὔτε πρὸς τοῖς διαιτηταῖς, ἀλλ' οὕτως ἀπέχομαι τούτων ἁπάντων ὡς
οὐδεὶς ἄλλος τῶν πολιτῶν. (39) Ἔπειτ' ἐκείνους μὲν ἂν εὕροιτε παρ' ὑμῖν μόνοις
χρηματίζεσθαι δυναμένους, εἰ δ' ἄλλοσέ ποι πλεύσειαν, ἐνδεεῖς ἂν ὄντας τῶν καθ'
ἡμέραν, ἐμοὶ δὲ τὰς εὐπορίας, περὶ ὧν οὗτος μειζόνως εἴρηκεν, ἔξωθεν ἁπάσας
γεγενημένας· ἔτι δὲ τοῖς μὲν πλησιάζοντας ἢ τοὺς ἐν κακοῖς αὐτοὺς ὄντας ἢ τοὺς ἑτέροις
πράγματα παρέχειν βουλομένους, ἐμοὶ δὲ τοὺς πλείστην σχολὴν τῶν Ἑλλήνων ἄγοντας.
| [30] 13. Ainsi, dans l'accusation, mon adversaire s'efforce de me noircir en
établissant que je corromps les jeunes gens, et que je leur enseigne avec les principes
de l'éloquence l'art de triompher de la justice dans les procès ; et, dans ses autres
discours, il me présente comme un homme tel que jamais il n'en exista un semblable,
ni parmi ceux qui fréquentent les tribunaux, ni parmi ceux qui se vouent à l'étude des
lettres et de la philosophie. Il dit que je n'ai pas seulement pour disciples de simples
particuliers, mais des orateurs, des généraux, des rois et des tyrans ; que j'ai reçu
d'eux des sommes considérables, et que j'en reçois même encore aujourd'hui. (31) Il
organise ainsi l'accusation, dans la pensée que les faits qu'il exagère en parlant de
moi, de mes richesses et du grand nombre de mes disciples, inspireront un sentiment
de jalousie à tous ses auditeurs ; en même temps que, par l'habitude qu'il m'attribue
des subtilités de la chicane, il espère faire naître en vous ces dispositions de colère et
de haine qui entraînent les juges à un excès de sévérité.
14. Je crois qu'il me sera facile de vous montrer que les paroles de Lysimaque
sont, les unes exagérées, les autres entièrement contraires à la vérité. (32) Je vous
demande donc de ne pas vous arrêter aux discours que vous avez d'abord entendu
articuler contre moi par des hommes qui veulent m'avilir en me calomniant, et de ne
pas accorder votre attention et votre confiance à des faits avancés sans discernement
et sans preuves, comme aussi je vous demande de ne pas vous abandonner aux
injustes impressions que ces hommes ont pu faire naître en vous, mais de me croire
tel que je vous paraîtrai, lorsque vous aurez entendu et l'attaque et la défense. Après
avoir ainsi formé votre opinion, vous pourrez prononcer un jugement conforme aux
lois, conforme à l'équité, et j'obtiendrai, quant à moi, tout ce que j'ai droit d'attendre de
la justice.
(33) 15. La preuve la plus évidente qu'aucun de mes concitoyens n'a été blessé ni
par mon éloquence, ni par mes écrits, me semble ressortir du danger qui me menace
aujourd'hui. Car, si un homme, quel qu'il soit, eût reçu de moi une offense, lors même;
que le reste du temps il eût gardé le silence, il n'aurait pas négligé l'occasion actuelle,
et il serait venu m'accuser ou déposer contre moi. Certes, lorsque mon accusateur,
que je n'ai jamais offensé, me met dans la nécessité de soutenir une lutte aussi
redoutable, à plus forte raison ceux auxquels j'aurais fait éprouver de graves injustices
se seraient efforcés de m'en punir. (34) J'ajoute que non seulement il n'est pas
probable, mais qu'il n'est pas même possible que, si j'eusse offensé un grand nombre
de personnes, ceux dont le malheur eût été mon ouvrage gardassent aujourd'hui le
silence, qu'ils n'osassent pas m'accuser, qu'ils fussent, dans mes dangers, plus
bienveillants à mon égard que ceux qui n'auraient pas eu à se plaindre de moi ; et
cela, quand il serait en leur pouvoir de montrer ce qu'ils ont souffert, et d'obtenir la plus
éclatante vengeance. (35) Or, ni dans le passé, ni maintenant, on ne trouvera
personne qui ait dirigé contre moi une imputation de cette nature. Si donc j'accordais,
si je concédais à mon adversaire que je suis le plus éloquent des hommes, un orateur
dont les discours ont la puissance de vous nuire et tel que jamais il n'en a existé, il y
aurait encore plus de justice à me considérer comme un homme modéré, qu'à
m'infliger un châtiment. (36) Être supérieur aux autres par ses discours ou par ses
actions, est un don qu'il convient d'attribuer à la fortune ; mais user avec modération,
avec générosité, des avantages reçus de la nature, est une chose pour laquelle tout le
monde devrait rendre hommage à mon caractère;
et cependant, même alors que je pourrais m'exprimer ainsi relativement à moi, on
ne trouvera jamais que je me sois servi de discours tels que ceux dont on m'accuse.
(37) 16. Vous pourrez d'ailleurs vous en convaincre par les habitudes de ma vie,
qui font connaître la vérité beaucoup mieux que les assertions de mes calomniateurs.
Personne, en effet, ne peut ignorer que tous les hommes fréquentent d'habitude le lieu
qu'ils choisissent pour se procurer leurs moyens d'existence. (38) Ainsi ceux qui vivent
de vos discussions d'intérêt, et des travaux qui s'y rattachent, habitent, pour ainsi dire,
les tribunaux, tandis que jamais personne ne m'a vu dans les assemblées, dans les
débats judiciaires, dans les jugements, ou près des arbitres publics ; et que je me tiens
éloigné des réunions de cette nature, plus qu'aucun autre citoyen. (39) Vous
reconnaîtrez ensuite que les hommes dont je viens de parler ne peuvent trouver à
s'enrichir qu'auprès de vous, et que, s'ils traversaient les mers dans ce but, ils
manqueraient aussitôt des nécessités de chaque jour; tandis que les richesses dont
Lysimaque vous a fait un si pompeux tableau, me sont toutes venues du dehors : vous
trouverez, en outre, que ceux qui fréquentent les tribunaux sont, ou des hommes dans
la détresse, ou des hommes qui veulent y précipiter les autres, tandis que ceux qui
m'approchent sont les hommes de la Grèce qui ont le plus de richesses et de loisirs.
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