[140] Ἀπορῶ δ' ὅ τι χρήσομαι τοῖς ὑπολοίποις, καὶ τίνος
πρώτου μνησθῶ καὶ ποίου δευτέρου· τὸ γὰρ ἐφεξῆς με λέγειν διαπέφευγεν. Ἴσως μὲν
οὖν ἀναγκαῖόν ἐστιν, ὡς ἂν ἕκαστον τύχῃ προσπεσόν, οὕτως εἰπεῖν περὶ αὐτῶν· ἃ δ'
οὖν μοι νῦν ἐπελήλυθε, καὶ περὶ ὧν ἐγὼ μὲν ἐνόμιζον εἶναι δηλωτέον, ἄλλος δέ τίς μοι
συνεβούλευε μὴ λέγειν, οὐκ ἀποκρύψομαι πρὸς ὑμᾶς. (141) Ἐπειδὴ γὰρ ἀπήνεγκε τὴν
γραφήν, ἐσκόπουν περὶ αὐτῶν τούτων ὥσπερ ἂν ὑμῶν ἕκαστος, καὶ τόν τε βίον τὸν
ἐμαυτοῦ καὶ τὰς πράξεις ἐξήταζον, καὶ πλεῖστον χρόνον περὶ τὰς τοιαύτας διέτριβον ἐφ'
αἷς ᾠόμην ἐπαινεῖσθαί με προσήκειν. Ἀκροώμενος δέ τις τῶν ἐπιτηδείων ἐτόλμησεν
εἰπεῖν πρός με λόγον πάντων σχετλιώτατον, ὡς ἄξια μὲν εἴη τὰ λεγόμενα φιλοτιμίας, οὐ
μὴν ἀλλ' αὐτός γε δεδιέναι ταῦτα μάλιστα, μὴ πολλοὺς λυπήσῃ τῶν ἀκουόντων. (142)
“Οὕτω γάρ” ἔφη “τινὲς ὑπὸ τοῦ φθόνου καὶ τῶν ἀποριῶν ἐξηγρίωνται καὶ δυσμενῶς
ἔχουσιν, ὥστ' οὐ ταῖς πονηρίαις ἀλλὰ ταῖς εὐπραγίαις πολεμοῦσι, καὶ μισοῦσιν οὐ
μόνον τῶν ἀνθρώπων τοὺς ἐπιεικεστάτους, ἀλλὰ καὶ τῶν ἐπιτηδευμάτων τὰ βέλτιστα,
καὶ πρὸς τοῖς ἄλλοις κακοῖς τοῖς μὲν ἀδικοῦσι συναγωνίζονται καὶ συγγνώμην ἔχουσιν,
οἷς δ' ἂν φθονήσωσιν ἀπολλύουσιν, ἤν περ δυνηθῶσι. (143) Ταῦτα δὲ δρῶντες οὐκ
ἀγνοοῦσι περὶ ὧν τὴν ψῆφον οἴσουσιν, ἀλλ' ἀδικήσειν μὲν ἐλπίζοντες, ὀφθήσεσθαι δ'
οὐ προσδοκῶντες· σώζοντες οὖν τοὺς ὁμοίους σφίσιν αὐτοῖς βοηθεῖν νομίζουσι.
“Τούτου δ' ἕνεκά σοι ταῦτα διῆλθον, ἵνα προειδὼς ἄμεινον προσφέρῃ καὶ τοῖς λόγοις
ἀσφαλεστέροις χρῇ πρὸς αὐτούς, ἐπεὶ νῦν γε τίνα χρὴ προσδοκᾶν γνώμην ἕξειν τοὺς
τοιούτους, ὅταν τόν τε βίον τὸν σαυτοῦ καὶ τὰς πράξεις διεξίῃς μηδὲ κατὰ μικρὸν ὁμοίας
οὔσας ταῖς τούτων, ἀλλ' οἵας περ πρὸς ἐμὲ λέγειν ἐπιχειρεῖς; (144) Ἀποφαίνεις γὰρ τούς
τε λόγους οὓς γέγραφας οὐ μέμψεως ἀλλὰ χάριτος τῆς μεγίστης ἀξίους ὄντας, τῶν τε
πεπλησιακότων σοι τοὺς μὲν οὐδὲν ἠδικηκότας οὐδ' ἡμαρτηκότας, τοὺς δὲ δι' ἀρετὴν
ὑπὸ τῆς πόλεως ἐστεφανωμένους, τά τε καθ' ἡμέραν οὕτω κοσμίως καὶ τεταγμένως
βεβιωκότα σαυτὸν ὡς οὐκ οἶδ' εἴ τις ἄλλος τῶν πολιτῶν, ἔτι δὲ μήτε δεδικασμένον
μηδενὶ μήτε πεφευγότα πλὴν περὶ ἀντιδόσεως, μήθ' ἑτέροις συνηγωνισμένον μήτε
μεμαρτυρηκότα, μήτ' ἄλλο πεποιηκότα μηδέν, ἐν οἷς ἅπαντες πολιτευόμενοι
τυγχάνουσι. (145) Πρὸς δὲ τούτοις οὕτως ἰδίοις οὖσι καὶ περιττοῖς κἀκεῖνο λέγεις, ὡς
τῶν μὲν ἀρχῶν καὶ τῶν ὠφελιῶν τῶν ἐντεῦθεν γιγνομένων καὶ τῶν ἄλλων ἁπάντων τῶν
κοινῶν ἐξέστηκας, εἰς δὲ τοὺς διακοσίους καὶ χιλίους τοὺς εἰσφέροντας καὶ
λειτουργοῦντας οὐ μόνον αὑτὸν παρέχεις ἀλλὰ καὶ τὸν υἱόν, καὶ τρὶς μὲν ἤδη
τετριηραρχήκατε, τὰς δ' ἄλλας λειτουργίας πολυτελέστερον λελειτουργήκατε καὶ κάλλιον
ὧν οἱ νόμοι προστάττουσι. (146) “Ταῦτ' ἀκούοντας τοὺς τἀναντία πᾶσι τοῖς
προειρημένοις ἐπιτετηδευκότας οὐκ οἴει βαρέως οἴσειν καὶ νομιεῖν ἐλέγχεσθαι τὸν βίον
τὸν αὑτῶν οὐ σπουδαῖον ὄντα; Καὶ γὰρ εἰ μὲν μετὰ πόνου καὶ ταλαιπωρίας ᾐσθάνοντό
σε ποριζόμενον εἴς τε τὰς λειτουργίας καὶ περὶ τὴν ἄλλην διοίκησιν, οὐκ ἂν ὁμοίως
ἔμελεν αὐτοῖς· νῦν δὲ τά τε παρὰ τῶν ξένων σοι γιγνόμενα πολὺ πλείω νομίζουσιν εἶναι
τῶν διδομένων, (147) αὐτόν τε σὲ ῥᾳθυμότερον ἡγοῦνται ζῆν οὐ μόνον τῶν ἄλλων ἀλλὰ
καὶ τῶν περὶ τὴν φιλοσοφίαν καὶ τὴν αὐτὴν σοι πραγματείαν ὄντων. “Ὁρῶσι γὰρ ἐκείνων
μὲν τοὺς πλείστους, πλὴν τῶν τὸν σὸν βίον καὶ τὸν τρόπον ἠγαπηκότων, ἔν τε ταῖς
πανηγύρεσι καὶ τοῖς ἰδίοις συλλόγοις ἐπιδείξεις ποιουμένους, διαγωνιζομένους πρὸς
ἀλλήλους, καθ' ὑπερβολὴν ὑπισχνουμένους, ἐρίζοντας, λοιδορουμένους, (148) οὐδὲν
ἀπολείποντας κακῶν, ἀλλὰ σφίσι μὲν αὐτοῖς πράγματα παρέχοντας, τοῖς δ'
ἀκροωμένοις ἐξουσίαν παραδιδόντας τοῖς μὲν καταγελάσαι τῶν λεγομένων, ἐνίοις δ'
ἐπαινέσαι, τοῖς δὲ πλείστοις μισῆσαι, τοῖς δ' ὅπως ἕκαστοι βούλονται διατεθῆναι πρὸς
αὐτούς· σὲ δ' οὐδενὸς μετέχοντα τούτων, ἀλλ' ἀνομοίως ζῶντα καὶ τοῖς σοφισταῖς καὶ
τοῖς ἰδιώταις, καὶ τοῖς πολλὰ κεκτημένοις καὶ τοῖς ἀπόρως διακειμένοις. (149) Ἐφ' οἷς οἱ
μὲν λογίζεσθαι δυνάμενοι καὶ νοῦν ἔχοντες ἴσως ἄν σε ζηλώσειαν, οἱ δὲ καταδεέστερον
πράττοντες καὶ λυπεῖσθαι μᾶλλον εἰωθότες ἐπὶ ταῖς τῶν ἄλλων ἐπιεικείαις ἢ ταῖς ἑαυτῶν
ἀτυχίαις οὐκ ἔστιν ὅπως οὐ δυσκολανοῦσι καὶ χαλεπῶς οἴσουσιν. Ὡς οὖν οὕτως αὐτῶν
διατεθησομένων σκόπει τί σοι λεκτέον τούτων καὶ τί παραλειπτέον ἐστίν.”
| [140] Je suis incertain, toutefois, de l'ordre dans lequel je me servirai
des arguments qui me restent. Quel sera le premier? quel sera le second?
car déjà la faculté me manque de les disposer avec suite ; et peut-être dois-je
présenter chacun d'eux comme le hasard l'offrira à mon esprit. Je ne vous cacherai
donc pas les faits qui dans ce moment reviennent à ma mémoire ; faits que je crois de
nature à devoir être produits au grand jour, et que quelqu'un cependant me donnait le
conseil d'ensevelir dans le silence. (141) Lorsque Lysimaque eut introduit son
accusation contre moi, j'examinai, comme l'a fait chacun de vous, tout ce qui s'y
rattachait. Je scrutai ma vie et mes actions, et j'employai la plus grande partie de mon
temps à rechercher les choses pour lesquelles je pensais mériter des louanges. Un de
mes amis, ayant eu connaissance de mon travail, osa me tenir alors le langage le plus
méprisable. Il avouait que les choses que j'avais dites étaient de nature à exciter une
noble émulation, mais il était préoccupé de la pensée qu'elles blesseraient un grand
nombre de mes auditeurs. (142) « Il est des hommes, me disait-il tellement exaspérés
par l'envie et par le besoin, tellement animés de sentiments haineux, qu'ils ne font pas
la guerre aux vices, mais qu'ils la font à toute espèce de prospérité ; qu'ils haïssent,
non seulement les hommes les plus vertueux, mais les mœurs les plus honnêtes, et
qu'indépendamment d'autres actions coupables, réservant pour les méchants leur
indulgence et leur appui, ils s'attachent à perdre, s'ils le peuvent, ceux qui sont l'objet
de leur jalousie. (143) En agissant de cette manière, ils n'ignorent pas la vérité
relativement aux faits sur lesquels ils vont donner leurs suffrages, mais, pleins de
l'espoir de réussir dans leur injustice, ils se flattent de n'être pas découverts, et ils
croient se protéger eux-mêmes en sauvant ceux qui leur ressemblent. J'ai dû, ajouta-t-il,
vous tenir ce langage, afin que, prévoyant l'avenir, et suivant un meilleur système,
vous missiez dans vos discours plus de prudence à leur égard. Quels sentiments
avez-vous le droit d'attendre de la part de pareils hommes, lorsque vous déroulez
devant eux le tableau de votre vie et de vos actions, qui n'ont aucun trait de
ressemblance avec les leurs, et qui sont telles que vous me les présentez? (144) Vous
montrez les discours que vous avez écrits, discours qui, loin d'être dignes de blâme,
devraient attirer sur vous la plus grande reconnaissance ; vous faites voir que, parmi
les hommes qui ont vécu dans votre intimité, les uns n'ont commis aucun crime,
aucune faute, et que les autres ont été couronnés par la République à cause de leur
vertu ; vous établissez la preuve que votre vie de chaque jour a été tellement réglée,
tellement pure, que j'ignore si un autre citoyen pourrait en présenter une semblable ;
que jamais vous n'avez appelé personne en justice, et que vous n'y avez jamais été
appelé vous-même, excepté pour le fait de la permutation; que vous n'avez appuyé
aucune accusation, ni porté témoignage contre aucun citoyen; qu'enfin, vous n'avez
fait aucun des actes répréhensibles auxquels se livrent les autres hommes qui
participent aux affaires. (145) En outre de ces faits d'un ordre si relevé, qui vous sont
personnels, vous dites que vous vous êtes tenu en dehors des fonctions publiques et
des avantages qu'elles assurent, comme de tous les emplois rétribués; et que, non
seulement vous vous êtes fait inscrire sur le registre des douze cents qui payent la
taxe de guerre et qui supportent les charges imposées par l'État, mais que vous y avez
fait inscrire votre fils ; que déjà tous les deux vous avez été trois fois triérarques et que
vous avez satisfait aux autres obligations de cette nature, avec plus de somptuosité et
de noblesse que les lois ne le commandent. (146) Or, quand de telles vérités viendront
frapper les oreilles de ces hommes dont les habitudes sont entièrement opposées à
celles que vous venez de présenter, ne pensez-vous pas qu'ils les supporteront avec
peine, et qu'ils y verront la preuve que leur vie n'est pas digne d'estime? S'ils
apprenaient que vous suffisez avec peine et difficulté aux charges publiques et aux
autres devoirs imposés par l'administration, ils n'éprouveraient pas la même irritation ;
(147) mais ils pensent que les dons que vous recevez du dehors sont beaucoup plus
considérables qu'ils ne le sont en réalité, et ils demeurent convaincus que vous vivez
dans une plus grande aisance, non seulement que les autres citoyens, mais que les
hommes qui cultivent la philosophie et se consacrent aux mêmes travaux que vous. Ils
voient, en outre, la plupart de ces derniers, à l'exception de ceux qui apprécient votre
vie et vos mœurs, déployer avec ostentation leur éloquence dans les grandes
assemblées et dans les réunions particulières ; ils les voient lutter entre eux, faire des
promesses exagérées, contester, se répandre en injures, (148) ne s'abstenir d'aucun
acte déloyal, se créer à eux-mêmes des embarras, et mettre ainsi leurs auditeurs en
situation, les uns de tourner en dérision ce qu'ils disent; quelques autres de les louer,
la plupart de les haïr ; d'autres, enfin, de se former à leur égard l'opinion qui leur
convient ; tandis que vous ne participez à aucun de ces désordres, et que votre vie
diffère de la vie des sophistes, comme de celle des hommes étrangers à l'étude; de la
vie des hommes opulents, comme de celle des hommes qui sont dans le besoin. (149)
Il résultera peut-être de tout cet ensemble de choses, que les hommes capables de
raisonnement, les hommes sensés, envieront votre bonheur ; mais pour ceux qui sont
placés dans une situation d'infériorité, et qui sont accoutumés à s'affliger des vertus de
leurs semblables plus que de leurs propres misères, il est impossible qu'ils ne soient
pas dominés par un sentiment de malveillance et d'aigreur. C'est donc avec la
conviction qu'ils seront mal disposés à votre égard, que vous devez examiner ce qu'il
faut dire et ce qu'il faut taire. »
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