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[59,18] τῆς μὲν δὴ γεφύρας ἐκείνης τοῦτο τὸ τέλος ἐγένετο, καὶ αἰτίαν
καὶ αὐτὴ θανάτου πολλοῖς παρέσχεν· ἐξαναλωθεὶς γὰρ ἐς αὐτὴν
πολλῷ πλείοσι διὰ τὰς οὐσίας ἐπεβούλευσεν. ἐδίκαζε δὲ καὶ ἰδίᾳ
καὶ μετὰ πάσης τῆς γερουσίας. καί τινα καὶ ἐκείνη καθ´ ἑαυτὴν
ἔκρινεν· οὐ μέντοι καὶ αὐτοτελὴς ἦν, ἀλλ´ ἐφέσιμοι δίκαι ἀπ´ αὐτῆς
συχναὶ ἐγίγνοντο. καὶ τὰ μὲν τῇ βουλῇ δόξαντα ἄλλως ἐφανεροῦτο,
τῶν δὲ ὑπὸ τοῦ Γαΐου καταψηφισθέντων τὰ ὀνόματα ἐξετίθετο,
ὥσπερ φοβουμένου αὐτοῦ μὴ διαλάθωσι. καὶ οὗτοί τε ἐκολάζοντο,
οἱ μὲν ἐν τῷ δεσμωτηρίῳ οἱ δὲ καὶ ἀπὸ τοῦ Καπιτωλίου κατακρημνιζόμενοι,
καὶ ἕτεροι σφᾶς αὐτοὺς προαπεκτίννυσαν. οὐδὲ γὰρ
οὐδὲ τοῖς ἐξελαυνομένοις ἀσφάλεια ἦν, ἀλλὰ καὶ ἐκείνων πολλοὶ
ἤτοι κατὰ τὴν ὁδὸν ἢ καὶ ἐν τῇ φυγῇ διεφθείροντο. καὶ τὰ μὲν
τῶν ἄλλων οὐδὲν δεῖ λεπτολογοῦντα μάτην τοὺς ἀναγνωσομένους
διοχλεῖν· Καλουίσιος δὲ δὴ Σαβῖνος ἔν τε τοῖς πρώτοις τῆς βουλῆς
ὢν καὶ τότε ἐκ τῆς ἐν τῇ Παννονίᾳ ἀρχῆς ἀφιγμένος, ἥ τε γυνὴ
αὐτοῦ Κορνηλία γραφέντες (καὶ γὰρ ἐκείνη ὡς φυλακάς τε ἐφοδεύσασα
καὶ τοὺς στρατιώτας ἀσκοῦντας ἰδοῦσα αἰτίαν ἔσχεν) οὐχ
ὑπέμειναν τὴν κρίσιν, ἀλλ´ ἑαυτοὺς προανάλωσαν. τὸ δ´ αὐτὸ τοῦτο
καὶ Τίτιος Ῥοῦφος ἐποίησεν, ἔγκλημα λαβὼν εἰρηκέναι ὅτι ἡ γερουσία
ἄλλα μὲν φρονεῖ ἄλλα δ´ ἀποφαίνεται. Ἰούνιός τέ τις
Πρίσκος στρατηγὸς ᾐτιάθη μὲν ἐπ´ ἄλλοις τισίν, ἀπέθανε δὲ ὡς
πλούσιος. καὶ ἐπ´ αὐτῷ ὁ Γάιος, μαθὼν ὅτι οὐδὲν ἄξιον τοῦ θανάτου
ἐκέκτητο, θαυμαστὸν λόγον ἐφθέγξατο, εἰπὼν ὅτι "ἠπάτησέ
με καὶ μάτην ἀπώλετο· ζῆν γὰρ ἐδύνατο".
| [59,18] Voilà quelle fut la fin de ce pont, qui causa aussi
la mort de beaucoup de monde. Car, après s'être épuisé
pour le construire, Caius médita la perte d'un bien plus
grand nombre de citoyens, dont il convoitait les richesses;
Il connaissait les causes et en son particulier et avec le
sénat entier. Le sénat aussi en jugeait seul quelques-unes,
sans pourtant juger souverainement ; il y avait
même souvent appel de sa juridiction. Les sentences du
sénat étaient publiées d'une façon différente, mais les
noms de ceux que Caius avait condamnés étaient affichés,
comme s'il eût craint qu'ils restassent inconnus.
Les uns étaient mis à mort dans la prison, les autres
étaient précipités du Capitole, d'autres prévenaient le supplice
en se tuant eux-mêmes. Il n'y avait, en effet, pas
de sûreté, même pour ceux qui étaient bannis ; beaucoup
périssaient soit en chemin , soit dans l'exil. Il n'est nul
besoin de fatiguer inutilement les lecteurs de détails minutieux
sur les autres victimes : mais Calvisius Sabinus,
l'un des premiers sénateurs, qui arrivait alors de la
Pannonie dont il avait été gouverneur, et sa femme Cornélia,
ayant été accusés (on reprochait à Cornélia d'avoir
visité les postes et d'avoir assisté aux exercices militaires),
n'attendirent pas leur sentence et la prévinrent
en se donnant la mort. Titius Rufus fit la même chose,
pour avoir, prétendait-on, dit que le sénat avait des
sentiments autres que ceux qu'il manifestait. Un certain
Junius Priscus, préteur, fut accusé sous quelques
autres prétextes et mis à mort parce qu'on le croyait
riche. Caius, apprenant que Priscus ne possédait rien
qui valût le faire mourir, laissa échapper, à son sujet,
une parole surprenante : "Il m'a trompé, dit-il, il est
mort inutilement, car il pouvait vivre".
| [59,19] ἐν τούτοις τοῖς τότε κριθεῖσι καὶ ὁ Ἆφρος ὁ Δομίτιος καὶ κινδύνῳ
παραδόξῳ καὶ σωτηρίᾳ θαυμασιωτέρᾳ ἐχρήσατο. ἤχθετο μὲν
γὰρ αὐτῷ καὶ ἄλλως ὁ Γάιος, ὅτι ἐπὶ τοῦ Τιβερίου γυναικός τινος
τῇ Ἀγριππίνῃ τῇ μητρὶ αὐτοῦ προσηκούσης κατηγορήκει· ἐφ´ ᾧ δὴ
ἐκείνη συναντήσασά ποτε αὐτῷ, καὶ μαθοῦσα ὅτι ἐξέστη τῆς ὁδοῦ
δι´ αἰσχύνην, προσεκαλέσατό τε αὐτὸν καὶ ἔφη "θάρσει, Δομίτιε·
οὐ γὰρ σύ μοι αἴτιος εἶ, ἀλλ´ Ἀγαμέμνων." τότε δὲ ἐπειδὴ εἰκόνα
τινὰ αὐτοῦ στήσας ἐπίγραμμα αὐτῇ ἐπέγραψε δηλῶν ὅτι ἕβδομον
καὶ εἰκοστὸν ἔτος ἄγων δεύτερον ὑπατεύοι, ἠγανάκτησεν ὡς καὶ
προφέροντός οἱ αὐτοῦ τό τε μειρακιῶδες καὶ τὸ παράνομον, καὶ εὐθὺς
ἐπὶ τούτῳ, ἐφ´ ᾧ καὶ τιμηθήσεσθαι προσεδόκησεν, ἔς τε τὸ συνέδριον
αὐτὸν ἐσήγαγε καὶ λόγον κατ´ αὐτοῦ μακρὸν ἀνέγνω· ἄλλως τε
γὰρ προέχειν ἁπάντων τῶν ῥητόρων ἠξίου, καὶ ἐκεῖνον δεινότατον
εἰπεῖν εἰδὼς ὄντα ὑπερβαλεῖν ἐσπούδασε. πάντως τ´ ἂν αὐτὸν
ἀπέκτεινεν, εἰ καὶ ἐφ´ ὁποσονοῦν ἀντεπεφιλοτίμητο. νῦν δὲ ἀντεῖπε
μὲν οὐδὲν οὐδὲ ἀπελογήσατο οὐδέν, θαυμάζειν δὲ δὴ καὶ καταπεπλῆχθαι
τὴν δεινότητα τοῦ Γαΐου προσποιησάμενος, τήν τε
κατηγορίαν καθ´ ἓν ἕκαστον ἐπιλέγων, ὥσπερ τις ἀκροατὴς ἀλλ´
οὐχ ὑπεύθυνος ὤν, ἐπῄνει, καὶ ἐπειδὴ ὁ λόγος αὐτῷ ἐδόθη, πρὸς
ἀντιβολίαν καὶ ὀλοφυρμὸν ἐτράπετο, καὶ τέλος ἔς τε τὴν γῆν κατέπεσε
καὶ χαμαὶ κείμενος ἱκέτευσεν ὡς καὶ τὸν ῥήτορα αὐτοῦ μᾶλλον
ἢ τὸν Καίσαρα φοβούμενος. καὶ οὕτως ἐκεῖνος, ὁρῶν τε ταῦτα
καὶ ἀκούων, διεχύθη, πιστεύσας ὄντως τῇ τῶν λόγων παρασκευῇ
κεκρατηκέναι αὐτοῦ· καὶ διά τε τοῦτο καὶ διὰ Κάλλιστον τὸν ἀπελεύθερον,
ὃν αὐτός τε ἐτίμα καὶ ὁ Δομίτιος ἐτεθεραπεύκει, ἐπαύσατο
ὀργιζόμενος. καὶ τῷ γε Καλλίστῳ αἰτιασαμένῳ αὐτὸν ὕστερον
ὅτι καὶ τὴν ἀρχὴν αὐτοῦ κατηγόρησεν, ἀπεκρίνατο ὅτι "οὐκ ἔδει με
τοιοῦτον λόγον ἀποκεκρύφθαι." Δομίτιος μὲν δὴ καταγνωσθεὶς μηκέτι
δεινὸς εἶναι λέγειν ἐσώθη· ὁ δὲ δὴ Σενέκας ὁ Ἀνναῖος ὁ Λούκιος,
ὁ πάντας μὲν τοὺς καθ´ ἑαυτὸν Ῥωμαίους πολλοὺς δὲ καὶ ἄλλους
σοφίᾳ ὑπεράρας, διεφθάρη παρ´ ὀλίγον μήτ´ ἀδικήσας τι μήτε
δόξας, ὅτι δίκην τινὰ ἐν τῷ συνεδρίῳ παρόντος αὐτοῦ καλῶς εἶπε.
τοῦτον μὲν οὖν ἀποθανεῖν κελεύσας ἀφῆκε, γυναικί τινι ὧν ἐχρῆτο
πιστεύσας ὅτι φθόῃ τε ἔχοιτο κακῶς καὶ οὐκ ἐς μακρὰν τελευτήσοι·
| [59,19] Parmi ceux qui furent alors mis en accusation,
Domitius Afer se tira d'un danger imprévu par un bonheur
encore plus étrange. Caius était irrité contre lui, entre
autres motifs, parce que, sous Tibère, il avait traduit en
justice une parente de sa mère Agrippine, à propos de
quoi celle-ci, l'ayant un jour rencontré et ayant appris
qu'il s'était dérangé de sa route par honte, le fit appeler
et lui dit : « Rassure-toi, Domitius, ce n'est pas
toi qui es coupable à mes yeux, c'est Agamemnon. »
Mais, dans la circonstance présente, Domitius ayant
élevé au prince une statue, avec une inscription où il
était marqué que Caius, à l'âge de vingt-sept ans, était
dans son second consulat, celui-ci s'en irrita, comme
si on lui eût fait un reproche de sa jeunesse et de sa
contravention aux lois; sur l'heure même, à raison de
ce fait pour lequel l'auteur s'attendait à recevoir une
récompense, il traduisit Domitius devant le sénat et lut
un long discours contre lui ; car, entre autres prétentions,
Caius avait celle de l'emporter sur tous les orateurs,
et il s'efforça de surpasser aussi Domitius qu'il
savait être fort éloquent. Il n'aurait pas manqué de le
faire exécuter à mort, pour peu qu'il eût cherché à rivauser
avec lui. Mais, loin de rien répondre, loin de se justifier,
Domitius, feignant d'admirer l'éloquence du prince
et d'en être frappé, et reprenant un à un tous les chefs
d'accusation, comme s'il eût été auditeur et non accusé,
se mit à donner des éloges à Caius. Ensuite, quand la
parole lui fut donnée, il eut recours aux supplications et
aux gémissements; enfin, il tomba à terre, et, couché
sur le sol, implora Caius en homme qui craint l'orateur
plus que le prince. Celui-ci, en voyant ce spectacle et
en entendant ces paroles, fut transporté de joie, persuadé
qu'il avait vaincu Domitius par la magnificence de
son discours; et, tant pour cette considération qu'en
faveur de Calliste, son affranchi, qu'il considérait et à
qui Domitius aussi rendait de grands respects, il oublia
sa colère. Dans la suite, Calliste lui ayant reproché
d'avoir pu mettre Domitius en accusation, il lui répondit :
"Il était de mon devoir de ne pas priver le public d'un pareil discours. "
Domitius donc fut sauvé pour s'être laissé convaincre de manquer
d'éloquence; mais L. Annius Sénèque, qui surpassait en sagesse
tous ses contemporains à Rome et bien d'autres hors
de Rome, faillit périr, non qu'il eût commis ou qu'il
semblât avoir commis aucune faute, mais parce que,
dans le sénat, en présence de l'empereur, il avait bien
plaidé. Caius toutefois révoqua l'ordre déjà donné de le
mettre à mort, persuadé par une des femmes avec qui il
avait commerce que Sénèque était atteint de consomption
et ne tarderait pas à succomber.
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