[4,1l] Καὶ ἵνα μὴ δόξῃς, ὅτι παράδειγμα δείκνυμι ἀνδρὸς
ἀπεριστάτου μήτε γυναῖκα ἔχοντος μήτε τέκνα μήτε
πατρίδα ἢ φίλους ἢ συγγενεῖς, ὑφ´ ὧν κάμπτεσθαι καὶ
περισπᾶσθαι ἠδύνατο, λάβε Σωκράτη καὶ θέασαι γυναῖκα
καὶ παιδία ἔχοντα, ἀλλὰ ὡς ἀλλότρια{ν}, πατρίδα,
ἐφ´ ὅσον ἔδει καὶ ὡς ἔδει, φίλους, συγγενεῖς, πάντα
ταῦτα ὑποτεταχότα τῷ νόμῳ καὶ τῇ πρὸς ἐκεῖνον εὐπειθείᾳ. διὰ τοῦτο,
στρατεύεσθαι μὲν ὁπότ´ ἔδει,
πρῶτος ἀπῄει κἀκεῖ ἐκινδύνευεν ἀφειδέστατα·
ἐπὶ Λέοντα δ´ ὑπὸ τῶν τυράννων πεμφθείς, ὅτι αἰσχρὸν
ἡγεῖτο, οὐδ´ ἐπεβουλεύσατο εἰδώς, ὅτι ἀποθανεῖν δεήσει, ἂν οὕτως τύχῃ. καὶ τί
αὐτῷ διέφερεν; ἄλλο γάρ τι
σῴζειν ἤθελεν· οὐ τὸ σαρκίδιον, ἀλλὰ τὸν πιστόν, τὸν
αἰδήμονα. ταῦτα ἀπαρεγχείρητα, ἀνυπότακτα. εἶθ´ ὅτ´
ἀπολογεῖσθαι ἔδει ὑπὲρ τοῦ ζῆν, μή τι ὡς τέκνα ἔχων
ἀναστρέφεται, μή τι ὡς γυναῖκα; ἀλλ´ ὡς μόνος. τί δ´,
ὅτε πιεῖν ἔδει τὸ φάρμακον, πῶς ἀναστρέφεται; δυνάμενος
διασωθῆναι καὶ τοῦ Κρίτωνος αὐτῷ λέγοντος ὅτι
‘ἔξελθε διὰ τὰ παιδία’ τί λέγει; ἕρμαιον ἡγεῖτο αὐτό;
πόθεν; ἀλλὰ τὸ εὔσχημον σκοπεῖ, τἆλλα δ´ οὐδ´ ὁρᾷ,
οὐδ´ ἐπιλογίζεται. οὐ γὰρ ἤθελεν, φησίν, σῶσαι τὸ σωμάτιον, ἀλλ´ ἐκεῖνο, ὃ τῷ
δικαίῳ μὲν αὔξεται καὶ σῴζεται, τῷ δ´ ἀδίκῳ μειοῦται καὶ ἀπόλλυται.
Σωκράτης δ´ αἰσχρῶς οὐ σῴζεται, ὁ μὴ ἐπιψηφίσας
Ἀθηναίων κελευόντων, ὁ τοὺς τυράννους ὑπεριδών, ὁ
τοιαῦτα περὶ ἀρετῆς καὶ καλοκἀγαθίας διαλεγόμενος·
τοῦτον οὐκ ἔστι σῶσαι αἰσχρῶς, ἀλλ´ ἀποθνῄσκων σῴζεται, οὐ φεύγων. καὶ γὰρ
ὁ ἀγαθὸς ὑποκριτὴς παυόμενος ὅτε δεῖ σῴζεται μᾶλλον ἢ ὑποκρινόμενος παρὰ
καιρόν. τί οὖν ποιήσει τὰ παιδία; ‘εἰ μὲν εἰς Θετταλίαν ἀπῄειν,
ἐπεμελήθητε αὐτῶν· εἰς Ἅιδου δέ
μου ἀποδημήσαντος οὐδεὶς ἔσται ὁ ἐπιμελησόμενος;’ ὅρα, πῶς ὑποκορίζεται καὶ
σκώπτει τὸν θάνατον. εἰ δ´ ἐγὼ καὶ σὺ ἦμεν, εὐθὺς ἂν καταφιλοσοφήσαντες ὅτι
‘τοὺς ἀδικοῦντας δεῖ τοῖς ἴσοις ἀμύνεσθαι’
καὶ προσθέντες ὅτι ‘ὄφελος ἔσομαι πολλοῖς ἀνθρώποις σωθείς, ἀποθανὼν δ´
οὐδενί’, εἰ {γ}ἄρ´ ἔδει διὰ
τρώγλης ἐκδύντας, ἐξήλθομεν ἄν. καὶ πῶς ἂν ὠφελήσαμέν τινα; ποῦ γὰρ ἂν ἔτι
ἔμενον ἐκεῖνοι; ἢ οἳ ὄντες
ἦμεν ὠφέλιμοι, οὐχὶ πολὺ μᾶλλον ἀποθανόντες ἂν
ὅτε ἔδει καὶ ὡς ἔδει ὠφελήσαμεν ἀνθρώπους; καὶ νῦν
Σωκράτους ἀποθανόντος οὐθὲν ἧττον ἢ καὶ πλεῖον
ὠφέλιμός ἐστιν ἀνθρώποις ἡ μνήμη ὧν ἔτι ζῶν ἔπραξεν ἢ εἶπεν.
| [4,1l] Afin que tu ne dises pas que je te montre comme exemple un homme
dégagé de tout lien social, un homme n'ayant ni femme, ni enfant, ni patrie, ni
amis, ni parents, pour le faire plier ou dévier, prends-moi Socrate, et
vois-le ayant une femme et des enfants, mais comme des choses qui
n'étaient pas à lui ; ayant une patrie, mais dans la mesure où il le
fallait, et avec les sentiments qu'il fallait; ayant des amis, des
parents, mais plaçant au-dessus d'eux tous la loi et l'obéissance à la
loi. Aussi, quand il fallait aller à la guerre, il y partait le premier,
et s'y épargnait au danger moins que personne; mais, lorsque les tyrans
lui ordonnèrent d'aller chez Léon, convaincu qu'il se déshonorerait en y
allant, il ne se demanda même pas s'il irait. Ne savait-il pas bien, en
effet, qu'il lui faudrait toujours mourir, quand le moment en serait venu?
Que lui importait la vie? C'était autre chose qu'il voulait sauver : non
pas sa carcasse, mais sa loyauté et son honnêteté. Et sur ces choses-là
personne n'avait prise ni autorité. Puis, quand il lui faut plaider pour
sa vie, se conduit-il comme un homme qui a des enfants? Comme un homme qui
a une femme? Non, mais comme un homme qui est seul. Et, quand il lui faut
boire le poison, comment se conduit-il? Il pouvait sauver sa vie, et
Criton lui disait : « Pars d'ici, pour l'amour de tes enfants. » Que lui
répond-il? Voit-il là un bonheur inespéré? Comment l'y eût-il vu? Il
examine ce qui est convenable, et il n'a ni un regard, ni une pensée pour
le reste. C'est qu'il ne voulait pas, comme il le dit, sauver son
misérable corps, mais ce quelque chose qui grandit et se conserve par la
justice, qui décroît et périt par l'injustice. Socrate ne se sauve pas par
des moyens honteux, lui qui avait refusé de donner son vote, quand les
Athéniens le lui commandaient, lui qui avait bravé les tyrans, lui qui
disait de si belles choses sur la vertu et sur l'honnêteté. Un tel homme
ne peut se sauver par des moyens honteux ; c'est la mort qui le sauve, et
non pas la fuite. Ne reste-t-on pas plus sûrement bon acteur, en cessant
de jouer quand il le faut, qu'en jouant encore quand il ne le faut plus?
—Mais que feront tes enfants? (lui dit-on.) —Si je m'en allais en
Thessalie, répond-il, vous prendriez soin d'eux. Eh bien ! n'y aura-t-il
aucun de vous pour en prendre soin, quand je serai parti pour les Enfers?
» Vois comme il adoucit l'idée de la mort, et comme il en plaisante. Si
nous avions été à sa place, toi et moi, nous aurions prétendu
doctoralement tout de suite, qu'il faut se venger de ceux qui vous ont
fait du mal en leur rendant la pareille; puis nous aurions ajouté : « Si
je me sauve, je serai utile à bien des gens ; je ne le serai à personne,
si je meurs. » Nous serions sortis par un trou, s'il l'avait fallu pour
nous échapper. Mais comment aurions-nous été utiles à personne? Où
seraient restés, en effet, ceux à qui nous aurions pu servir? Et, quand
même nous aurions pu leur être utiles en vivant, n'aurions-nous pas été
bien plus utiles encore à l'humanité en mourant quand il le fallait, et
comme il le fallait? Aujourd'hui, que Socrate n'est plus, le souvenir de
ce qu'il a dit ou fait avant de mourir, n'est pas moins utile à
l'humanité, et l'est même davantage.
|