[9] (1) Ἀμουλίου δ´ ἀποθανόντος καὶ
τῶν πραγμάτων καταστάντων, Ἄλβην μὲν οὔτ´ οἰκεῖν μὴ ἄρχοντες οὔτ´ ἄρχειν
ἐβούλοντο τοῦ μητροπάτορος ζῶντος, ἀποδόντες δὲ τὴν ἡγεμονίαν ἐκείνῳ καὶ τῇ
μητρὶ τιμὰς πρεπούσας, ἔγνωσαν οἰκεῖν καθ´ ἑαυτούς, πόλιν ἐν οἷς χωρίοις ἐξ
ἀρχῆς ἐνετράφησαν κτίσαντες· αὕτη γὰρ εὐπρεπεστάτη τῶν αἰτιῶν ἐστιν. (2) ἦν δ´ ἴσως
ἀναγκαῖον, οἰκετῶν καὶ ἀποστατῶν πολλῶν ἠθροισμένων πρὸς αὐτούς, ἢ καταλυθῆναι
παντάπασι τούτων διασπαρέντων, ἢ συνοικεῖν ἰδίᾳ μετ´ αὐτῶν. ὅτι γὰρ οὐκ ἠξίουν
οἱ τὴν Ἄλβην οἰκοῦντες ἀναμειγνύναι τοὺς ἀποστάτας ἑαυτοῖς οὐδὲ προσδέχεσθαι
πολίτας, ἐδήλωσε πρῶτον μὲν τὸ περὶ τὰς γυναῖκας ἔργον, οὐχ ὕβρει τολμηθὲν ἀλλὰ
δι´ ἀνάγκην, ἑκουσίων ἀπορίᾳ γάμων· ἐτίμησαν γὰρ αὐτὰς ἁρπάσαντες περιττῶς.
(3) ἔπειτα τῆς πόλεως τὴν πρώτην ἵδρυσιν λαμβανούσης, ἱερόν τι φύξιμον τοῖς
ἀφισταμένοις κατασκευάσαντες, ὃ Θεοῦ Ἀσυλαίου προσηγόρευον, ἐδέχοντο πάντας,
οὔτε δεσπόταις δοῦλον οὔτε θῆτα χρήσταις οὔτ´ ἄρχουσιν ἀνδροφόνον ἐκδιδόντες,
ἀλλὰ μαντεύματι πυθοχρήστῳ πᾶσι βεβαιοῦν τὴν ἀσυλίαν φάσκοντες, ὥστε πληθῦσαι
ταχὺ τὴν πόλιν, ἐπεὶ τάς γε πρώτας ἑστίας λέγουσι τῶν χιλίων μὴ πλείονας
γενέσθαι. ταῦτα μὲν οὖν ὕστερον. (4) Ὁρμήσασι δὲ πρὸς τὸν συνοικισμὸν αὐτοῖς εὐθὺς
ἦν διαφορὰ περὶ τοῦ τόπου. Ῥωμύλος μὲν οὖν τὴν καλουμένην Ῥώμην κουαδράταν (ὅπερ
ἐστὶ τετράγωνον) ἔκτισε, καὶ ἐκεῖνον ἐβούλετο πολίζειν τὸν τόπον, Ῥέμος δὲ
χωρίον τι τοῦ Ἀβεντίνου καρτερόν, ὃ δι´ ἐκεῖνον μὲν ὠνομάσθη Ῥεμωρία, νῦν δὲ
Ῥιγνάριον καλεῖται. (5) συνθεμένων δὲ τὴν ἔριν ὄρνισιν αἰσίοις βραβεῦσαι, καὶ
καθεζομένων χωρίς, ἕξ φασι τῷ Ῥέμῳ, διπλασίους δὲ τῷ Ῥωμύλῳ προφανῆναι γῦπας· οἱ
δὲ τὸν μὲν Ῥέμον ἀληθῶς ἰδεῖν, ψεύσασθαι δὲ τὸν Ῥωμύλον, ἐλθόντος δὲ τοῦ Ῥέμου,
τότε τοὺς δώδεκα τῷ Ῥωμύλῳ φανῆναι· διὸ καὶ νῦν μάλιστα χρῆσθαι γυψὶ Ῥωμαίους
οἰωνιζομένους. (6) Ἡρόδωρος δ´ ὁ Ποντικὸς ἱστορεῖ καὶ τὸν Ἡρακλέα χαίρειν γυπὸς ἐπὶ
πράξει φανέντος. ἔστι μὲν γὰρ ἀβλαβέστατον ζῴων ἁπάντων, μηδὲν ὧν σπείρουσιν ἢ
φυτεύουσιν ἢ νέμουσιν ἄνθρωποι σινόμενον, τρέφεται δ´ ἀπὸ νεκρῶν σωμάτων,
ἀποκτίννυσι δ´ οὐδὲν οὐδὲ λυμαίνεται ψυχὴν ἔχον, πτηνοῖς δὲ διὰ συγγένειαν οὐδὲ
νεκροῖς πρόσεισιν. ἀετοὶ δὲ καὶ γλαῦκες καὶ ἱέρακες ζῶντα κόπτουσι τὰ ὁμόφυλα
καὶ φονεύουσι· καίτοι κατ´ Αἰσχύλον "ὄρνιθος ὄρνις πῶς ἂν ἁγνεύοι φαγών;" (7) ἔτι
τἆλλα μὲν ἐν ὀφθαλμοῖς ὡς ἔπος εἰπεῖν ἀναστρέφεται καὶ παρέχει διὰ παντὸς
αἴσθησιν ἑαυτῶν, ὁ δὲ γὺψ σπάνιόν ἐστι θέαμα, καὶ νεοσσοῖς γυπὸς οὐ ῥᾳδίως ἴσμεν
ἐντετυχηκότες, ἀλλὰ καὶ παρέσχεν ἐνίοις ἄτοπον ὑπόνοιαν, ἔξωθεν αὐτοὺς ἀφ´
ἑτέρας τινὸς γῆς καταίρειν ἐνταῦθα, τὸ σπάνιον καὶ μὴ συνεχές, οἷον οἱ μάντεις
ἀξιοῦσιν εἶναι τὸ μὴ κατὰ φύσιν μηδ´ ἀφ´ αὑτοῦ, πομπῇ δὲ θείᾳ φαινόμενον.
| [9] (1) La mort d'Amulius, ayant rétabli le calme dans la ville, Romulus et Rémus ne
voulurent ni demeurer à Albe sans y régner, ni régner du vivant de leur aïeul. Après avoir
remis Numitor sur le trône, et rendu à leur mère les honneurs qui lui étaient dus, ils résolurent
d'aller s'établir ailleurs, et de bâtir une ville dans le lieu même où ils avaient été nourris. Ils ne
pouvaient donner un prétexte plus honorable pour quitter Albe; (2) mais peut-être était-ce
pour eux un parti nécessaire. Comme ils n'avaient autour d'eux que des troupes de bannis et
d'esclaves fugitifs, ils devaient ou perdre toute leur puissance si ces troupes venaient à se
disperser, ou bien aller habiter avec elles dans une autre ville; car les Albains n'avaient voulu
ni s'allier avec ces bannis et ces esclaves, ni les admettre au nombre des citoyens. Une
première preuve de ce refus, c'est l'enlèvement des Sabines que ces mêmes hommes ravirent
non pour satisfaire une passion brutale, mais par nécessité, et parce qu'ils ne trouvèrent pas à
contracter des mariages légitimes. Aussi eurent-ils toujours les plus grands égards pour les
femmes qu'ils avaient enlevées. (3) Une seconde preuve, c'est que leur ville commençait à
peine à se former qu'ils y bâtirent, pour les fugitifs, un lieu de refuge, qu'ils appelèrent le
sanctuaire du dieu Asile. Tout le monde y était reçu sans distinction; on ne rendait ni l'esclave
à son maître, ni le débiteur à son créancier, ni le meurtrier aux magistrats. Ils s'autorisaient,
pour établir ce droit d'asile général, d'un oracle d'Apollon. Par ce moyen, Rome, qui n'avait
pas compté d'abord plus de mille maisons, augmenta rapidement sa population. Mais je
reviendrai là-dessus. (4) Quand on fut prêt à bâtir la ville, il s'éleva une dispute entre les deux
frères sur le lieu où on la placerait. Romulus voulait la mettre à l'endroit où il avait déjà
construit ce qu'on appelait la Rome quadrata, tandis que Rémus avait désigné sur le mont
Aventin un lieu fortifié, qui prit de lui le nom de Rémorium, et qu'on appelle aujourd'hui
Rignarium. (5) Ils convinrent de s'en rapporter au vol des oiseaux, qu'on consultait
ordinairement pour les augures. Les deux frères, s'étant assis chacun séparément, six vautours,
dit-on, apparurent à Rémus, et douze à Romulus. D'autres prétendent que Rémus vit
véritablement les siens; mais que Romulus trompa son frère, et qu'il ne vit les douze vautours
qu'après que Rémus se fut approché de lui. Quoi qu'il en soit, c'est de là qu'est venu l'usage de
se servir surtout des vautours pour prendre les augures. (6) Hercule, rapporte Hérodore de
Pont, était charmé de voir un vautour lorsqu'il commençait quelque entreprise. En effet, de
tous les animaux, le vautour est le moins nuisible; il ne fait tort à rien de ce que les hommes
sèment, plantent et nourrissent; il ne vit que de cadavres, et ne tue ni ne blesse rien de ce qui
est vivant. Il ne touche même pas aux oiseaux morts, respectant en eux son espèce; il diffère
en cela des aigles, des hiboux et des éperviers, qui attaquent et déchirent les autres oiseaux.
Or, « Quel oiseau sera pur, s'il mange son semblable? » dit Eschyle. (7) De plus, les autres
oiseaux sont, pour ainsi dire, sous nos yeux, et viennent à tout moment se présenter à nous
mais il est rare de voir un vautour, et l'on trouve difficilement ses petits. Aussi cette rareté a-t-
elle fait croire faussement à bien des gens qu'ils viennent dans nos climats d'un pays très
éloigné. Mais les devins pensent que les choses très rares n'étant pas dans le cours ordinaire
de la nature, elles nous sont envoyées par les dieux pour nous instruire de l'avenir.
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