[1,11] ιαʹ. Περὶ τοῦ κριτηρίου τῆς σκεπτικῆς.
Ὅτι δὲ τοῖς φαινομένοις προσέχομεν, δῆλον ἀπὸ τῶν λεγομένων ἡμῖν περὶ τοῦ
κριτηρίου τῆς σκεπτικῆς ἀγωγῆς. Κριτήριον δὲ λέγεται διχῶς, τό τε εἰς
πίστιν ὑπάρξεως ἢ ἀνυπαρξίας λαμβανόμενον, περὶ οὗ ἐν τῷ ἀντιρρητικῷ
λέξομεν λόγῳ, τό τε τοῦ πράσσειν, ᾧ προσέχοντες κατὰ τὸν βίον τὰ μὲν
πράσσομεν τὰ δ´ οὔ, περὶ οὗ νῦν λέγομεν. Κριτήριον τοίνυν φαμὲν εἶναι τῆς
σκεπτικῆς ἀγωγῆς τὸ φαινόμενον, δυνάμει τὴν φαντασίαν οὕτω καλοῦντες· ἐν
πείσει γὰρ καὶ ἀβουλήτῳ πάθει κειμένη ἀζήτητός ἐστιν. Διὸ περὶ μὲν τοῦ
φαίνεσθαι τοῖον ἢ τοῖον τὸ ὑποκείμενον οὐδεὶς ἴσως ἀμφισβητήσει, περὶ δὲ
τοῦ εἰ τοιοῦτον ἔστιν ὁποῖον φαίνεται ζητεῖται. Τοῖς φαινομένοις οὖν
προσέχοντες κατὰ τὴν βιωτικὴν τήρησιν ἀδοξάστως βιοῦμεν, ἐπεὶ μὴ δυνάμεθα
ἀνενέργητοι παντάπασιν εἶναι. Ἔοικε δὲ αὕτη ἡ βιωτικὴ τήρησις τετραμερὴς
εἶναι καὶ τὸ μέν τι ἔχειν ἐν ὑφηγήσει φύσεως, τὸ δὲ ἐν ἀνάγκῃ παθῶν, τὸ δὲ
ἐν παραδόσει νόμων τε καὶ ἐθῶν, τὸ δὲ ἐν διδασκαλίᾳ τεχνῶν, ὑφηγήσει μὲν
φυσικῇ καθ´ ἣν φυσικῶς αἰσθητικοὶ καὶ νοητικοί ἐσμεν, παθῶν δὲ ἀνάγκῃ καθ´
ἣν λιμὸς μὲν ἐπὶ τροφὴν ἡμᾶς ὁδηγεῖ, δίψος δ´ ἐπὶ πόμα, ἐθῶν δὲ καὶ νόμων
παραδόσει καθ´ ἣν τὸ μὲν εὐσεβεῖν παραλαμβάνομεν βιωτικῶς ὡς ἀγαθὸν τὸ δὲ
ἀσεβεῖν ὡς φαῦλον, τεχνῶν δὲ διδασκαλίᾳ καθ´ ἣν οὐκ ἀνενέργητοί ἐσμεν ἐν
αἷς παραλαμβάνομεν τέχναις. Ταῦτα δὲ πάντα φαμὲν ἀδοξάστως.
| [1,11] Chap. XI De la règle que le scepticisme suit dans ses jugements.
Ce que nous allons dire de la règle que la philosophie des sceptiques suit
dans ses jugements, fera voir clairement, que nous acquiesçons aux choses
apparentes. On peut distinguer deux sortes de règles des jugements, l'une
qui sert à faire croire certainement qu'une chose est, ou n'est pas (de
laquelle nous parlerons dans notre réfutation des dogmatiques), l'autre
par laquelle on juge des actions, à laquelle on s'attache, et suivant
laquelle on fait certaines choses, et l'on évite d'en faire quelques
autres dans la conduite ordinaire de la vie. C'est de cette règle des
jugements dont nous parlons ici. Nous disons donc que la règle des
jugements de la philosophie des sceptiques est ce qui paraît aux sens;
ou, ce qui revient à la même chose, nous disons que cette règle de nos
jugements est l'imagination, ou la perception passive que nous avons de
l'apparence d'une chose. Car comme cette perception passive consiste dans
une persuasion, et dans une disposition nécessaire et non libre de l'âme,
il n'y a point d'examen à faire à l'égard de cette perception, ou de cette
apparence. Ainsi personne ne doutera peut-être, qu'une chose ne paraisse
d'une telle manière ; mais on demande seulement si elle est telle qu'elle
paraît. Nous vivons donc de manière que nous acquiesçons et que nous
accordons notre assentiment aux choses apparentes, et que nous observons
ce qui appartient à la conduite commune de la vie (sans établir néanmoins
aucun dogme) parce que nous ne pouvons pas être absolument sans action. Or
l'observation de ce qui appartient à la conduite de la vie s'étend à
quatre choses: à l'instruction ou aux suggestions de la Nature; à
l'impulsion nécessaire de nos dispositions passives; à l'établissement des
lois et des coutumes, et à la culture des arts. Je dis, à l'instruction de
la Nature parce que naturellement nous avons des sens et une intelligence
pour nous conduire dans la vie ; à l'impulsion nécessaire de nos
dispositions passives parce que, par exemple, la faim nous oblige à manger
et la soif à boire ; à la constitution des lois et des coutumes parce que
cet établissement nous fait croire que c'est une bonne chose de se
gouverner avec piété dans la conduite de la vie, et que c'est un mal
d'agir avec impiété ; à la connaissance pratique des arts parce que nous
ne prétendons pas être inutiles et languissants dans les arts que nous
entreprenons de cultiver. Au reste, nous disons toutes ces choses, sans
établir aucun dogme.
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