[3,46] πήξαντες σχεδίας καὶ πλείους ἀραρότως, τούτων δύο
πρὸς ἀλλήλας ζεύξαντες βιαίως ἤρεισαν ἀμφοτέρας εἰς
τὴν γῆν κατὰ τὴν ἔμβασιν τοῦ ποταμοῦ, πλάτος
ἐχούσας τὸ συναμφότερον ὡς πεντήκοντα πόδας.
ταύταις δὲ συζευγνύντες ἄλλας ἐκ τῶν ἐκτὸς προσήρμοζον,
προτείνοντες τὴν κατασκευὴν τοῦ ζεύγματος
εἰς τὸν πόρον. τὴν δ´ ἀπὸ τοῦ ῥεύματος
πλευρὰν ἠσφαλίζοντο τοῖς ἐκ τῆς γῆς ἐπιγύοις, εἰς
τὰ περὶ τὸ χεῖλος πεφυκότα τῶν δένδρων ἐνάπτοντες,
πρὸς τὸ συμμένειν καὶ μὴ παρωθεῖσθαι τὸ
ὅλον ἔργον κατὰ τοῦ ποταμοῦ. ποιήσαντες δὲ πρὸς
δύο πλέθρα τῷ μήκει τὸ πᾶν ζεῦγμα τῆς προβολῆς,
μετὰ ταῦτα δύο πεπηγυίας σχεδίας διαφερόντως
{τὰς μεγίστας} προσέβαλον ταῖς ἐσχάταις, πρὸς
αὑτὰς μὲν βιαίως δεδεμένας, πρὸς δὲ τὰς ἄλλας
οὕτως ὥστ´ εὐδιακόπους αὐτῶν εἶναι τοὺς δεσμούς.
ῥύματα δὲ καὶ πλείω ταύταις ἐνῆψαν, οἷς ἔμελλον
οἱ λέμβοι ῥυμουλκοῦντες οὐκ ἐάσειν φέρεσθαι κατὰ
ποταμοῦ, βίᾳ δὲ πρὸς τὸν ῥοῦν κατέχοντες παρακομιεῖν
καὶ περαιώσειν ἐπὶ τούτων τὰ θηρία. μετὰ
δὲ ταῦτα χοῦν ἔφερον ἐπὶ πάσας πολύν, ἕως ἐπιβάλλοντες
ἐξωμοίωσαν, ὁμαλὴν καὶ σύγχρουν ποιοῦντες
τῇ διὰ τῆς χέρσου φερούσῃ πρὸς τὴν διάβασιν
ὁδῷ. τῶν δὲ θηρίων εἰθισμένων τοῖς Ἰνδοῖς
μέχρι μὲν πρὸς τὸ ὑγρὸν ἀεὶ πειθαρχεῖν, εἰς δὲ τὸ
ὕδωρ ἐμβαίνειν οὐδαμῶς ἔτι τολμώντων, ἦγον διὰ
τοῦ χώματος δύο προθέμενοι θηλείας, πειθαρχούντων
αὐταῖς τῶν θηρίων. ἐπεὶ δ´ ἐπὶ τὰς τελευταίας
ἐπέστησαν σχεδίας, διακόψαντες τοὺς δεσμούς,
οἷς προσήρτηντο πρὸς τὰς ἄλλας, καὶ τοῖς λέμβοις
ἐπισπασάμενοι τὰ ῥύματα ταχέως ἀπέσπασαν ἀπὸ
τοῦ χώματος τά τε θηρία καὶ τὰς ὑπ´ αὐτοῖς σχεδίας.
οὗ γενομένου διαταραχθέντα τὰ ζῷα κατὰ
μὲν τὰς ἀρχὰς ἐστρέφετο καὶ κατὰ πάντα τόπον
ὥρμα· περιεχόμενα δὲ πανταχόθεν ὑπὸ τοῦ ῥεύματος
ἀπεδειλία καὶ μένειν ἠναγκάζετο κατὰ χώραν.
καὶ τοιούτῳ δὴ τρόπῳ προσαρμοζομένων ἀεὶ σχεδιῶν
δυεῖν, τὰ πλεῖστα τῶν θηρίων ἐπὶ τούτων
διεκομίσθη, τινὰ δὲ κατὰ μέσον τὸν πόρον ἀπέρριψεν
εἰς τὸν ποταμὸν αὑτὰ διὰ τὸν φόβον· ὧν
τοὺς μὲν Ἰνδοὺς ἀπολέσθαι συνέβη πάντας, τοὺς
δ´ ἐλέφαντας διασωθῆναι. διὰ γὰρ τὴν δύναμιν
καὶ τὸ μέγεθος τῶν προβοσκίδων ἐξαίροντες ταύτας
ὑπὲρ τὸ ὑγρὸν καὶ διαπνέοντες, ἅμα δ´ ἐκφυσῶντες
πᾶν τὸ παρεμπῖπτον ἀντέσχον, τὸ πολὺ καθ´ ὕδατος
ὀρθοὶ ποιούμενοι τὴν πορείαν.
| [3,46] On construisit un certain nombre de solides radeaux,
dont deux furent liés ensemble, ce qui faisait un appareil
d'environ cinquante pieds de largeur, que l'on fixa fortement
à terre à l'endroit de l'embarcadère. Au bout qui était hors de l'eau,
on ajusta et on attacha encore deux autres radeaux, si
bien que l'ensemble constituait une sorte de jetée se
prolongeant sur le fleuve. Le côté qui supportait le
choc du courant fut retenu par des câbles noués aux
arbres qui bordaient le rivage ; on voulait éviter ainsi
que tout l'ouvrage fût emporté par le flot. Quand
la partie de la jetée qui avançait sur l'eau eut atteint
une longueur de deux plèthres, on fit encore deux radeaux,
dont la construction fut très soignée; on les plaça
contre les derniers, puis on les attacha l'un à l'autre
solidement, et aux autres de telle façon qu'il ne fût
pas difficile de couper leurs amarres. On avait également
attaché beaucoup de cordages à ces radeaux
pour pouvoir les faire remorquer par des barques, les
empêcher d'aller à la dérive et les amener, malgré
le courant, jusqu'au bord opposé avec les éléphants
qui y seraient embarqués. Ensuite on couvrit de terre
tous les radeaux, de façon à en faire un chemin aussi
uni et de même couleur que celui par où on descendait,
sur la terre ferme, vers le lieu de l'embarquement. Les
éléphants ont bien l'habitude d'obéir à leurs conducteurs
indiens tant qu'ils sont sur un terrain solide; mais ils
craignent de se mettre à l'eau; c'est pour cela qu'on les
faisait passer sur cette espèce de digue ; deux femelles
venaient en tête et les mâles les suivaient. Quand ils
eurent pris place sur les derniers radeaux, on coupa les
câbles qui les liaient aux autres; les barques les remorquèrent
et eurent bientôt emporté loin de la digue
les éléphants avec le plancher qui les soutenait. Ces
animaux, inquiets, commencèrent alors par tourner
en tous sens et par se précipiter de tous les côtés ; mais
en se voyant complètement entourés d'eau, ils eurent
peur et furent obligés de rester en place. C'est en répétant
plusieurs fois la même manoeuvre avec des radeaux
liés deux par deux qu'Hannibal fit passer le
fleuve à la plupart de ses éléphants ; quelques-uns
seulement, affolés, se jetèrent dans le fleuve au milieu
de la traversée ; tous leurs conducteurs indiens se
noyèrent, mais les animaux eux-mêmes purent se
sauver, grâce à la force et à la longueur de leur trompe :
ils élevaient cet appendice au-dessus de l'eau, ce qui
leur permettait à la fois de respirer et d'expulser toute
l'eau qu'ils avalaient ; ils purent ainsi faire toute la
traversée sans presque jamais se laisser entraîner ni
renverser par le courant.
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