[38] (1) Ἀθηναῖοι δὲ χαλεπῶς μὲν ἔφερον τῆς ἡγεμονίας
ἀποστερηθέντες· ἐπεὶ δὲ καὶ τὴν ἐλευθερίαν ἀφελόμενος
αὐτῶν ὁ Λύσανδρος ἀνδράσι τριάκοντα παρέδωκε τὴν
πόλιν, οἷς οὐκ ἐχρήσαντο σῴζεσθαι δυνάμενοι λογισμοῖς
ἀπολωλότων ἤδη τῶν πραγμάτων συνίεσαν, ὀλοφυρόμενοι
καὶ διεξιόντες τὰς ἁμαρτίας ἑαυτῶν καὶ ἀγνοίας, ὧν
μεγίστην ἐποιοῦντο τὴν δευτέραν πρὸς Ἀλκιβιάδην ὀργήν.
(2) ἀπερρίφη γὰρ οὐδὲν ἀδικῶν αὐτός, ἀλλ´ ὑπηρέτῃ χαλεπήναντες
ὀλίγας ἀποβαλόντι ναῦς αἰσχρῶς, αἴσχιον αὐτοὶ
τὸν κράτιστον καὶ πολεμικώτατον ἀφείλοντο τῆς πόλεως
στρατηγόν. (3) ἔτι δ´ οὖν ὅμως ἐκ τῶν παρόντων ἀνέφερέ τις
ἐλπὶς ἀμυδρά, μὴ παντάπασιν ἔρρειν τὰ πράγματα τῶν
Ἀθηναίων Ἀλκιβιάδου περιόντος· οὔτε γὰρ πρότερον
ἠγάπησε φεύγων ἀπραγμόνως ζῆν καὶ μεθ´ ἡσυχίας, οὔτε
νῦν, εἰ τὰ κατ´ αὐτὸν ἱκανῶς ἔχει, περιόψεται Λακεδαιμονίους
ὑβρίζοντας καὶ τοὺς τριάκοντα παροινοῦντας.
(4) ταῦτα δ´ οὐκ ἦν ἄλογον οὕτως ὀνειροπολεῖν τοὺς πολλούς,
ὁπότε καὶ τοῖς τριάκοντα φροντίζειν ἐπῄει καὶ διαπυνθάνεσθαι
καὶ λόγον ἔχειν πλεῖστον ὧν ἐκεῖνος ἔπραττε
καὶ διενοεῖτο. (5) τέλος δὲ Κριτίας ἐδίδασκε Λύσανδρον, ὡς
Ἀθηναίων οὐκ ἔσται δημοκρατουμένων ἀσφαλῶς ἄρχειν
Λακεδαιμονίοις τῆς Ἑλλάδος· Ἀθηναίους δέ, κἂν πρᾴως
πάνυ καὶ καλῶς πρὸς ὀλιγαρχίαν ἔχωσιν, οὐκ ἐάσει ζῶν
Ἀλκιβιάδης ἀτρεμεῖν ἐπὶ τῶν καθεστώτων. (6) οὐ μὴν ἐπείσθη
γε πρότερον τούτοις ὁ Λύσανδρος ἢ παρὰ τῶν οἴκοι τελῶν
σκυτάλην ἐλθεῖν κελεύουσαν ἐκποδὼν ποιήσασθαι τὸν
Ἀλκιβιάδην, εἴτε κἀκείνων φοβηθέντων τὴν ὀξύτητα καὶ
μεγαλοπραγμοσύνην τοῦ ἀνδρός, εἴτε τῷ Ἄγιδι χαριζομένων.
| [38] (1) Les Athéniens supportaient difficilement d'être
privés de leur hégémonie. Mais lorsque Lysandre, allant
jusqu'à leur enlever la liberté, eut livré la cité aux
Trente, ils commencèrent à tenir (au moment où leurs
affaires étaient désormais perdues!) des raisonnements
qu'ils n'avaient pas faits alors qu'ils pouvaient se sauver;
ils se lamentaient et passaient en revue leurs propres
fautes et leurs ignorances, dont la pire, à leurs yeux,
était leur seconde colère contre Alcibiade. (2) En somme, il
avait été rejeté sans avoir lui-même aucun tort; parce
qu'ils étaient irrités contre un sous-ordre qui leur avait
vilainement perdu un petit nombre de vaisseaux, eux-mêmes,
plus vilainement encore, venaient d'enlever à la cité son
meilleur, son plus valeureux stratège. (3) Néanmoins, un
obscur espoir surgissait encore des circonstances présentes:
les affaires athéniennes n'étaient pas définitivement
perdues puisque Alcibiade était en vie... Pas plus que cet
homme-là ne s'était contenté par le passé de vivre un exil
sans souci, bien tranquille, pas davantage à présent, s'il
dispose de moyens suffisants, il ne verra d'un oeil
indifférent l'insolence des Lacédémoniens et les excès des
Trente. (4) Il n'était pas absurde que la plupart des
Athéniens rêvent ainsi, alors qu'il venait aussi à l'esprit
des Trente de se préoccuper, de s'informer et de tenir le
plus grand compte de ce que faisait et méditait Alcibiade.
(5) Finalement, Critias expliqua à Lysandre que, si les
Athéniens vivaient en démocratie, il ne serait pas possible
aux Lacédémoniens de gouverner tranquillement la Grèce; et
même si les Athéniens sont parfaitement calmes et bien
disposés vis-à-vis de l'oligarchie, jamais Alcibiade, de son
vivant, ne les laissera rester inertes en présence de
l'ordre établi. (6) Mais en fait, Lysandre ne fut point
convaincu par ces conseils, jusqu'à ce que lui parvienne, de
la part des magistrats en fonction dans sa cité, une scytale
lui ordonnant de se débarrasser d'Alcibiade - soit parce que
les Spartiates redoutaient eux aussi la finesse et le
dynamisme de cet homme-là, soit parce qu'ils voulaient faire
plaisir à Agis.
|