[7] (1) ᾿Επεὶ δὲ ἧκεν εἰς ῎Εφεσον, εὐθὺς ἀξίωμα μέγα καὶ δύναμις ἦν
ἐπαχθὴς καὶ βαρεῖα περὶ τὸν Λύσανδρον, ὄχλου φοιτῶντος ἐπὶ τὰς θύρας ἑκάστοτε
καὶ πάντων παρακολουθούντων καὶ θεραπευόντων ἐκεῖνον, ὡς ὄνομα μὲν καὶ σχῆμα τῆς
στρατηγίας τὸν ᾿Αγησίλαον ἔχοντα, διὰ τὸν νόμον, ἔργῳ δὲ κύριον ὄντα ἁπάντων καὶ
δυνάμενον καὶ πράττοντα πάντα τὸν Λύσανδρον. (2) οὐδεὶς γὰρ δεινότερος οὐδὲ
φοβερώτερος ἐκείνου τῶν εἰς τὴν ᾿Ασίαν ἀποσταλέντων ἐγένετο στρατηγῶν, οὐδὲ
μείζονα τοὺς φίλους ἀνὴρ ἄλλος εὐεργέτησεν οὐδὲ κακὰ τηλικαῦτα τοὺς ἐχθροὺς
ἐποίησεν. (3) ὧν ἔτι προσφάτων ὄντων οἱ ἄνθρωποι μνημονεύοντες, ἄλλως δὲ τὸν μὲν
᾿Αγησίλαον ἀφελῆ καὶ λιτὸν ἐν ταῖς ὁμιλίαις καὶ δημοτικὸν ὁρῶντες, ἐκείνῳ δὲ τὴν
αὐτὴν ὁμοίως σφοδρότητα καὶ τραχύτητα καὶ βραχυλογίαν παροῦσαν, ὑπέπιπτον αὐτῷ
παντάπασι καὶ μόνῳ προσεῖχον. (4) ἐκ δὲ τούτου πρῶτον μὲν οἱ λοιποὶ Σπαρτιᾶται
χαλεπῶς ἔφερον ὑπηρέται Λυσάνδρου μᾶλλον ἢ σύμβουλοι βασιλέως ὄντες· ἔπειτα δ’
αὐτὸς ὁ ᾿Αγησίλαος, εἰ καὶ μὴ φθονερὸς ἦν μηδὲ ἤχθετο τοῖς τιμωμένοις, ἀλλὰ
φιλότιμος ὢν σφόδρα καὶ φιλόνεικος, ἐφοβεῖτο μή, κἂν ἐνέγκωσί τι λαμπρὸν αἱ
πράξεις, τοῦτο Λυσάνδρου γένηται διὰ τὴν δόξαν. (5) οὕτως οὖν ἐποίει. Πρῶτον
ἀντέκρουε ταῖς συμβουλίαις αὐτοῦ, καὶ πρὸς ἃς ἐκεῖνος ἐσπουδάκει μάλιστα πράξεις
ἐῶν χαίρειν καὶ παραμελῶν, ἕτερα πρὸ ἐκείνων ἔπραττεν· (6) ἔπειτα τῶν ἐντυγχανόντων
καὶ δεομένων οὓς αἴσθοιτο Λυσάνδρῳ μάλιστα πεποιθότας, ἀπράκτους ἀπέπεμπε· (7) καὶ
περὶ τὰς κρίσεις ὁμοίως οἷς ἐκεῖνος ἐπηρεάζοι, τούτους ἔδει πλέον ἔχοντας
ἀπελθεῖν, καὶ τοὐναντίον οὓς φανερὸς γένοιτο προθυμούμενος ὠφελεῖν, χαλεπὸν ἦν
μὴ καὶ ζημιωθῆναι. (8) γινομένων δὲ τούτων οὐ κατὰ τύχην, ἀλλ’ οἷον ἐκ παρασκευῆς
καὶ ὁμαλῶς, αἰσθόμενος τὴν αἰτίαν ὁ Λύσανδρος οὐκ ἀπεκρύπτετο πρὸς τοὺς φίλους,
ἀλλ’ ἔλεγεν ὡς δι’ αὐτὸν ἀτιμάζοιντο, καὶ παρεκάλει θεραπεύειν ἰόντας τὸν
βασιλέα καὶ τοὺς μᾶλλον αὐτοῦ δυναμένους.
| [7] (1) Dès qu'il fut arrivé à Éphèse, il y trouva Lysandre en possession d'un
grand prestige et d'une influence incommode et gênante pour lui. La foule se
pressait constamment aux portes de Lysandre; tout le monde lui faisait cortège
et le courtisait, comme si, la dignité nominale et l'appareil extérieur du
commandement revenant légalement à Agésilas, Lysandre était en fait maître de
tout, pouvait tout, faisait tout. (2) Car, entre tous les généraux envoyés en
Asie, nul n'avait jamais été plus glorieux, ni plus redoutable que ce grand
homme; personne au monde n'avait fait plus de bien à ses amis, autant de mal à
ses ennemis. (3) Les souvenirs de sa première expédition étaient encore frais et
se représentaient à toutes les mémoires. En outre, comme on voyait Agésilas
simple et modeste dans le cours de la vie, affable et populaire, mais qu'on
trouvait chez l'autre la même rigueur, la même rudesse et la même brièveté
impérieuse qu'autrefois, on se soumettait absolument à ses ordres et on n'avait
d'yeux que pour lui. (4) Cette situation choqua d'abord les autres Spartiates,
qui se sentaient plutôt les serviteurs de Lysandre que les conseillers du roi,
et ensuite Agésilas lui-même. Il avait beau n'être pas envieux et ne pas
s'affliger de voir honorer les autres; il était, en revanche, fort ambitieux;
et, dans son désir de remporter la victoire, il craignait que, même si ses
exploits lui valaient un succès, l'opinion ne l'attribuât à Lysandre pour
augmenter la gloire de ce héros. (5) Voici donc ce qu'il fit. D'abord il
s'opposait à ses conseils; et les entreprises que Lysandre proposait avec le
plus d'enthousiasme étaient celles qu'il écartait ou négligeait; il en avait
toujours de plus urgentes à mettre en train. (6) Ensuite, parmi les solliciteurs
qui se présentaient à son audience, il renvoyait toujours les mains vides ceux
qu'il connaissait pour les plus dévoués à Lysandre. (7) Il en allait de même
dans les procès: les gens que Lysandre cherchait à desservir avaient toujours
forcément gain de cause; et, au contraire, ceux qu'on le voyait soutenir avec
zèle échappaient difficilement à la condamnation. (8) Ce n'était pas l'effet du
hasard, mais l'exécution d'un plan arrêté et systématique. Lysandre comprenait
la raison de cette conduite et ne s'en cachait pas à ses amis; il se
reconnaissait, au contraire, responsable de leur discrédit, et il les exhortait
à le délaisser pour faire leur cour au roi et à ses favoris.
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