[29] (1) Συμβάντος δὲ
τοῖς τε Λακεδαιμονίοις πταίσματος ἀπροσδοκήτου καὶ τοῖς Θηβαίοις παρὰ δόξαν
εὐτυχήματος οἷον οὐ γέγονεν ἄλλοις ῞Ελλησι πρὸς ῞Ελληνας ἀγωνισαμένοις, οὐδὲν ἄν
τις ἧττον ἐζήλωσε τῆς ἀρετῆς καὶ ἠγάσθη τὴν ἡττημένην πόλιν ἢ τὴν νικῶσαν. (2)nὁ μὲν
γὰρ Ξενοφῶν φησι τῶν ἀγαθῶν ἀνδρῶν ἔχειν τι καὶ τὰς ἐν οἴνῳ καὶ παιδιᾷ φωνὰς καὶ
διατριβὰς ἀξιομνημόνευτον, ὀρθῶς λέγων· ἔστι δὲ οὐχ ἧττον, ἀλλὰ καὶ μᾶλλον ἄξιον
κατανοεῖν καὶ θεᾶσθαι τῶν ἀγαθῶν ἃ παρὰ τὰς τύχας πράττουσι καὶ λέγουσι
διευσχημονοῦντες. (3) ἔτυχε μὲν γὰρ ἡ πόλις ἑορτὴν ἄγουσα καὶ ξένων οὖσα μεστή·
γυμνοπαιδίαι γὰρ ἦσαν ἀγωνιζομένων χορῶν ἐν τῷ θεάτρῳ· παρῆσαν δ’ ἀπὸ Λεύκτρων
οἱ τὴν συμφορὰν ἀπαγγέλλοντες. (4) οἱ δὲ ἔφοροι, καίπερ εὐθὺς ὄντος καταφανοῦς ὅτι
διέφθαρται τὰ πράγματα καὶ τὴν ἀρχὴν ἀπολωλέκασιν, οὔτε χορὸν ἐξελθεῖν εἴασαν
οὔτε τὸ σχῆμα τῆς ἑορτῆς μεταβαλεῖν τὴν πόλιν, ἀλλὰ κατ’ οἰκίαν τῶν τεθνεώτων
τοῖς προσήκουσι τὰ ὀνόματα πέμψαντες, αὐτοὶ τὰ περὶ τὴν θέαν καὶ τὸν ἀγῶνα τῶν
χορῶν ἔπραττον. (5) ἅμα δὲ ἡμέρᾳ φανερῶν ἤδη γεγονότων πᾶσι τῶν τε σωζομένων καὶ τῶν
τεθνεώτων, οἱ μὲν τῶν τεθνεώτων πατέρες καὶ κηδεσταὶ καὶ οἰκεῖοι καταβαίνοντες
εἰς ἀγορὰν ἀλλήλους ἐδεξιοῦντο λιπαροὶ τὰ πρόσωπα, φρονήματος μεστοὶ καὶ γήθους,
(6) οἱ δὲ τῶν σωζομένων, ὥσπερ ἐπὶ πένθει, μετὰ τῶν γυναικῶν οἴκοι διέτριβον, εἰ δέ
τις ὑπ’ ἀνάγκης προέλθοι, καὶ σχήματι καὶ φωνῇ καὶ βλέμματι ταπεινὸς ἐφαίνετο
καὶ συνεσταλμένος. (7) ἔτι δὲ μᾶλλον τῶν γυναικῶν ἰδεῖν ἦν καὶ πυθέσθαι τὴν μὲν
ζῶντα προσδεχομένην υἱὸν ἀπὸ τῆς μάχης κατηφῆ καὶ σιωπηλήν, τὰς δὲ τῶν
πεπτωκέναι λεγομένων ἔν τε τοῖς ἱεροῖς εὐθὺς ἀναστρεφομένας, καὶ πρὸς ἀλλήλας
ἱλαρῶς καὶ φιλοτίμως βαδιζούσας.
| [29] (1) Après cet échec inattendu des Lacédémoniens, qui fut pour les Thébains
un bonheur incroyable, tel que n'en avaient jamais connu des Grecs aux prises
avec d'autres Grecs, on n'aurait cependant pas eu moins d'envie et d'admiration,
à cause de son courage, pour la ville vaincue que pour la ville victorieuse. (2)
Car, si Xénophon a bien raison de dire que les propos des honnêtes gens, même
quand ils boivent et s'amusent, et leurs passe-temps, ont quelque chose de
mémorable, il vaut tout autant, et même plus encore, la peine de saisir et de
contempler la parfaite dignité de leur attitude et de leurs paroles dans le
malheur. (3) Car la ville se trouvait en fête et pleine d'étrangers (c'étaient
les gymnopédies, et les choeurs d'enfants nus concouraient au théâtre), quand
arriva de Leuctres la nouvelle de la catastrophe. (4) Les éphores comprirent
tout de suite que c'en était fait et que Sparte avait perdu son empire. Ils ne
laissèrent cependant pas les choeurs sortir de la scène, ni la ville quitter son
air de fête. Ils envoyèrent, maison par maison, indiquer les noms des morts à
leurs parents; et quant à eux, ils continuèrent de veiller à la bonne tenue du
spectacle et à la régularité du concours. (5) Au lever du jour suivant, comme
tout le monde connaissait désormais les survivants et les morts, les pères, les
beaux-pères et les proches des morts descendirent sur l'Agora. Ils se serraient
la main d'un air radieux, pleins de fierté et de satisfaction; (6) mais les
parents des survivants restaient chez eux avec leurs femmes, comme s'ils étaient
en deuil. Si l'un d'eux était obligé de sortir, son attitude, sa voix, son
regard montraient son humiliation, et il se faisait aussi petit que possible.
(7) C'était pis encore pour les femmes. On pouvait reconnaître que l'une
attendait le retour de son fils, échappé au désastre, en la voyant abattue et
silencieuse; quant aux mères des soldats tombés au champ d'honneur, elles se
rendaient aussitôt aux temples et s'abordaient avec joie et orgueil.
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