[36] Ὡς οὖν διαλύσαντες τὴν ἐκκλησίαν ἦγον εἰς τὸ
δεσμωτήριον τοὺς ἄνδρας, οἱ μὲν ἄλλοι, περιπλεκομένων τῶν
φίλων αὐτοῖς καὶ οἰκείων, ὀδυρόμενοι καὶ καταθρηνοῦντες
ἐβάδιζον, τὸ δὲ Φωκίωνος πρόσωπον οἷον ὅτε στρατηγῶν ἀπ'
ἐκκλησίας προὐπέμπετο βλέποντες, ἐθαύμαζον τὴν (2)
ἀπάθειαν καὶ μεγαλοψυχίαν τοῦ ἀνδρός. οἱ δ' ἐχθροὶ κακῶς
ἔλεγον παρατρέχοντες, εἷς δὲ καὶ προσέπτυσεν ἐξ ἐναντίας
προσελθών. ὅτε καὶ τὸν Φωκίωνα λέγεται βλέψαντα πρὸς τοὺς
ἄρχοντας εἰπεῖν· "οὐ παύσει τις (3) ἀσχημονοῦντα τοῦτον;" ἐπεὶ
δὲ Θούδιππος ἐν τῷ δεσμωτηρίῳ γενόμενος, καὶ τὸ κώνειον
ὁρῶν τριβόμενον, ἠγανάκτει καὶ κατέκλαιε τὴν συμφοράν, ὡς
οὐ προσηκόντως τῷ Φωκίωνι συναπολλύμενος, "εἶτ' οὐκ
ἀγαπᾷς" (4) εἶπεν "ὅτι μετὰ Φωκίωνος ἀποθνῄσκεις;" ἐρομένου
δέ τινος τῶν φίλων εἴ τι πρὸς Φῶκον λέγει τὸν υἱόν, "πάνυ μὲν
οὖν" ἔφη, "λέγω μὴ μνησικακεῖν (5) Ἀθηναίοις." τοῦ δὲ
Νικοκλέους, ὃς ἦν αὐτῷ πιστότατος τῶν φίλων,
παρακαλοῦντος ὅπως αὐτὸν ἐάσῃ τὸ φάρμακον πιεῖν πρότερον,
"βαρὺ μὲν" εἶπεν "ὦ Νικόκλεις ἐμοὶ τὸ αἴτημα καὶ λυπηρόν, ἐπεὶ
δ' οὐδ' ἄλλ' οὐδέποτέ σοι παρὰ τὸν βίον οὐδὲν ἠχαρίστησα,
καὶ τοῦτο συγχωρῶ." πεπωκότων δ' ἤδη πάντων, τὸ φάρμακον
ἐπέλιπε, καὶ ὁ δημόσιος οὐκ ἔφη τρίψειν (7) ἕτερον, εἰ μὴ λάβοι
δώδεκα δραχμάς, ὅσου τὴν ὁλκὴν ὠνεῖται. χρόνου δ'
<ἐγ>γενομένου καὶ διατριβῆς, ὁ Φωκίων καλέσας τινὰ τῶν
φίλων καὶ εἰπών, "εἰ μηδ' ἀποθανεῖν Ἀθήνησι δωρεὰν ἔστιν",
ἐκέλευε τῷ ἀνθρώπῳ δοῦναι τὸ κερμάτιον.
| [36] XLI. Quand on eut congédié l'assemblée, on les conduisit à la prison.
Tous les autres, attendris par leurs parents et leurs amis qui
étaient venus les embrasser pour la dernière fois, marchaient fondant en larmes, et
déploraient leur infortune : Phocion seul conservait le même air de visage que
lorsque, sortant de l'assemblée pour aller commander les troupes, il était reconduit
avec honneur par les Athéniens; ceux qui le voyaient passer ne pouvaient s'empêcher
d'admirer sa grandeur d'âme et son impassibilité. Plusieurs de ses ennemis le
suivaient, en l'accablant d'injures; l'un d'eux vint même lui cracher au visage.
Phocion se tournant vers les magistrats, leur dit d'un air tranquille : "Personne ne
réprimera-t-il l'indécence de cet homme?" Quand ils furent dans la prison, Thudippe
voyant broyer la ciguë, se mit à éclater en plaintes, à déplorer son malheur, en disant
que c'était bien à tort qu'on le faisait mourir avec Phocion. «Eh! quoi, lui dit Phocion,
n'est-ce pas une assez grande consolation pour toi que de mourir avec Phocion? »
Quelqu'un de ses amis lui ayant demandé s'il n'avait rien à faire dire à son fils
Phocus : « Sans doute, répondit-il, j'ai à lui recommander de ne conserver aucun
ressentiment de l'injustice des Athéniens. » Nicoclès, le plus fidèle de ses amis, le pria
de lui laisser boire la ciguë le premier. « Votre demande, lui dit Phocion, est bien
dure et bien triste pour moi; mais puisque je ne vous ai jamais rien refusé pendant
ma vie, je vous accorde à ma mort cette dernière satisfaction. » Quand tous les autres
eurent bu la ciguë, elle manqua pour Phocion, et l'exécuteur déclara qu'il n'en
broyerait point d'autre, à moins qu'on ne lui donnât douze drachmes, qui étaient le
prix de chaque dose. Comme cette difficulté emportait du temps et causait quelque
retard, Phocion appelant un de ses amis : "Puisqu'on ne peut pas mourir gratis à
Athènes, lui dit-il, je vous prie de donner à cet homme l'argent qu'il demande. »
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