[23] Ὡς δὲ φέρων ἐνέσεισεν ὁ Λεωσθένης τὴν πόλιν εἰς τὸν
Ἑλληνικὸν πόλεμον, καὶ τοῦ Φωκίωνος δυσχεραίνοντος ἠρώτα
καταγελῶν, τί πεποίηκεν ἀγαθὸν τὴν πόλιν ἔτη τοσαῦτα
στρατηγῶν, "οὐ μικρόν" ἔφη, "τὸ (2) τοὺς πολίτας ἐν τοῖς ἰδίοις
μνήμασι θάπτεσθαι." πολλὰ δὲ θρασυνομένου καὶ
κομπάζοντος ἐν τῷ δήμῳ τοῦ Λεωσθένους, ὁ Φωκίων "οἱ λόγοι
σου" εἶπεν "ὦ μειράκιον ἐοίκασι κυπαρίττοις· μεγάλοι γὰρ
ὄντες καὶ ὑψηλοί, (3) καρποὺς οὐ φέρουσιν." ὡς δ' ἐπαναστὰς ὁ
Ὑπερείδης ἠρώτησε· "πότ' οὖν ὦ Φωκίων συμβουλεύσεις
πολεμεῖν Ἀθηναίοις;" "ὅταν" εἶπε "τοὺς μὲν νέους ἴδω τὴν τάξιν
βουλομένους φυλάττειν, τοὺς δὲ πλουσίους εἰσφέρειν, τοὺς
δὲ ῥήτορας ἀπέχεσθαι τοῦ κλέπτειν τὰ δημόσια." θαυμαζόντων
δὲ πολλῶν τὴν ὑπὸ τοῦ Λεωσθένους συνηγμένην δύναμιν καὶ
τοῦ Φωκίωνος πυνθανομένων, πῶς τι παρεσκευάσθαι δοκοῦσιν
αὐτῷ, "καλῶς" ἔφη "πρὸς τὸ στάδιον· τὸν δὲ δόλιχον τοῦ
πολέμου φοβοῦμαι, μήτε χρή(5)ματα τῆς πόλεως ἕτερα μήτε
ναῦς μήθ' ὁπλίτας ἐχούσης." ἐμαρτύρει δ' αὐτῷ καὶ τὰ ἔργα.
πρῶτον μὲν γὰρ ὁ Λεωσθένης λαμπρὸς ἤρθη ταῖς πράξεσι, τῶν
τε Βοιωτῶν μάχῃ κρατήσας καὶ τὸν Ἀντίπατρον εἰς Λαμίαν (6)
συνελάσας· ὅτε καί φασι τὴν μὲν πόλιν ἐλπίδος μεγάλης
γενομένην ἑορτάζειν εὐαγγέλια συνεχῶς καὶ θύειν τοῖς θεοῖς,
τὸν δὲ Φωκίωνα πρὸς τοὺς ἐλέγχειν αὐτὸν οἰομένους καὶ
πυνθανομένους, εἰ ταῦτ' οὐκ ἂν ἤθελεν αὑτῷ πεπρᾶχθαι,
"πάνυ μὲν οὖν" φάναι, "βεβουλεῦσθαι δ' ἐκεῖνα"· (7) καὶ πάλιν
ἄλλων ἐπ' ἄλλοις εὐαγγελίων γραφομένων καὶ φερομένων ἀπὸ
τοῦ στρατοπέδου, "πότ' ἄρα" φάναι "παυσόμεθα νικῶντες;"
| [23] Léosthène, qui par ses intrigues avait jeté la ville dans la guerre Lamiaque,
voyant la peine qu'en ressentait Phocion, lui demanda d'un ton moqueur quel bien il
avait fait à la ville pendant tant d'années qu'il avait commandé. « En est-ce donc un si
petit, lui répondit Phocion, que les citoyens morts durant ce temps-là aient été
enterrés dans les tombeaux de leurs pères? » Léosthène n'en continua pas moins de
parler avec autant d'audace que de vanité. « Jeune homme, lui dit Phocion, tes
discours ressemblent aux cyprès qui sont grands et hauts, mais qui ne portent pas de
fruit. Alors Hypéride s'étant levé : « Quand est-ce donc, demanda-t-il à Phocion, que
vous conseillerez aux Athéniens de faire la guerre? -- Ce sera, repartit Phocion,
quand je verrai les jeunes gens déterminés à garder leurs rangs, les riches à
contribuer aux frais de la guerre, et les orateurs à s'abstenir de voler le trésor public. »
XXVI. Tout le monde admirait la belle armée que Léosthène avait mise sur pied ; et
quelqu'un ayant demandé à Phocion comment il la trouvait : "Très-belle pour le stade,
répondit-il; mais je crains le retour, parce qu'Athènes n'a plus le moyen d'avoir
de l'argent, des vaisseaux et des troupes. » L'événement justifia ses craintes : à la vérité,
Léosthène eut le début le plus brillant; il défit les Béotiens en bataille rangée, et força
Antipater de se renfermer dans la ville de Lamia. Les Athéniens, transportés de joie à
ces heureuses nouvelles, et se livrant aux plus flatteuses espérances, ne cessaient de
faire des sacrifices et de célébrer des fêtes. Quelqu'un, qui crut confondre Phocion, lui
demanda s'il ne voudrait pas avoir fait tous ces exploits. « Assurément, répondit-il, je
voudrais les avoir faits; mais je ne me repens pas des conseils que j'ai donnés". Et
comme l'on apprenait chaque jour du camp quelque nouveau succès : « Quand donc,
s'écria-t-il, cesserons-nous de vaincre? »
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