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[11] Ἀποθανόντος γε μὴν πατρὸς ἐμφύεσθαι μᾶλλον ἢ
πρότερον ὀρθῶς ἔχει τῇ εὐνοίᾳ τὸν ἀδελφόν, εὐθὺς μὲν ἐν
τῷ συνδακρύειν καὶ συνάχθεσθαι κοινούμενον τὸ φιλόστοργον,
ὑπονοίας δὲ θεραπόντων καὶ διαβολὰς ἑταίρων ἑτέρως´
αὑτοὺς προσνεμόντων ἀπωθούμενον καὶ πιστεύοντα τοῖς
τ´ ἄλλοις ἃ μυθολογοῦσι περὶ τῶν Διοσκόρων τῆς φιλαδελφίας
καὶ ὅτι ὁ Πολυδεύκης τὸν καταψιθυρίζοντα τοῦ
ἀδελφοῦ πρὸς αὐτὸν κονδύλῳ παίσας ἀπέκτεινεν. ἐπὶ
δὲ τὴν νέμησιν τῶν πατρῴων μὴ καταγγείλαντας ἀλλήλοις
πόλεμον ὥσπερ οἱ πολλοί ‘κλῦθ´ Ἀλαλά, Πολέμου θύγατερ’
ἐκ παρασκευῆς ἀπαντᾶν, ἀλλὰ μάλιστα
δὴ τὴν ἡμέραν ἐκείνην φυλαττομένους, ὡς τοῖς μὲν
ἔχθρας ἀνηκέστου καὶ διαφορᾶς τοῖς δὲ φιλίας καὶ ὁμονοίας
οὖσαν ἀρχήν, μάλιστα μὲν αὐτοὺς καθ´ ἑαυτούς, εἰ
δὲ μή, φίλου κοινοῦ παρόντος ἀμφοτέροις μάρτυρος εὐγνωμονοῦντος
‘δίκης κλήροις’, ᾗ φησιν ὁ Πλάτων,
τὰ φίλα καὶ προσήκοντα λαμβάνοντας καὶ διδόντας
οἴεσθαι τὴν ἐπιμέλειαν νέμεσθαι καὶ τὴν οἰκονομίαν,
χρῆσιν δὲ καὶ κτῆσιν ἐν μέσῳ κεῖσθαι κοινὴν καὶ ἀνέμητον
ἁπάντων. οἱ δὲ καὶ τίτθας ἀποσπῶντες ἀλλήλων καὶ
συντρόφους καὶ συνήθεις παῖδας ὑπερβαλλόμενοι τοῖς
διαλογισμοῖς ἀπίασιν ἀνδραπόδου τιμῇ πλέον ἔχοντες,
τὸ δὲ μέγιστον καὶ τιμιώτατον τῶν πατρῴων, φιλίαν
ἀδελφοῦ καὶ πίστιν, ἀπολωλεκότες. ἐνίους δὲ καὶ ἀκερδῶς
φιλονεικίας ἕνεκα χρησαμένους τοῖς πατρῴοις οὐθὲν ἐπιεικέστερον
ἢ λαφύροις ἴσμεν. ὧν καὶ Χαρικλῆς καὶ Ἀντίοχος
ἦσαν οἱ Ὀπούντιοι· καὶ γὰρ ἔκπωμα διακόψαντες ἀργυροῦν
καὶ ἱμάτιον διατεμόντες ἀπῄεσαν, ὥσπερ ἐκ τραγικῆς
τινος κατάρας ‘θηκτῷ σιδήρῳ δῶμα διαλαχόντες’.
οἱ δὲ καὶ διηγοῦνται πρὸς ἑτέρους γαυριῶντες,
ὅτι τῶν ἀδελφῶν πανουργίᾳ καὶ δριμύτητι καὶ
παραλογισμῷ πλέον ἔσχον ἐν τῷ νέμεσθαι, δέον ἀγάλλεσθαι
καὶ μέγα φρονεῖν ἐπιεικείᾳ καὶ χάριτι καὶ ὑπείξει
περιγενομένους. | ὅθεν ἄξιόν ἐστιν Ἀθηνοδώρου μεμνῆσθαι,
καὶ μέμνηνταί γε πάντες παρ´ ἡμῖν. ἦν γὰρ ἀδελφὸς
αὐτῷ πρεσβύτερος ὄνομα Ξένων, καὶ πολλὰ τῆς οὐσίας
ἐπιτροπεύσας διεφόρησε· τέλος δ´ ἁρπάσας γυναῖκα καὶ
καταδικασθεὶς ἀπώλεσε τὴν οὐσίαν εἰς τὸ Καίσαρος
ταμιεῖον ἀναληφθεῖσαν. ὁ δ´ Ἀθηνόδωρος ἦν μὲν ἔτι μειράκιον
οὐδέπω γενειῶν, ἀποδοθέντος δὲ τοῦ μέρους αὐτῷ
τῶν χρημάτων οὐ περιεῖδε τὸν ἀδελφὸν ἀλλ´ εἰς μέσον
ἅπαντα καταθεὶς ἐνείματο, καὶ πολλὰ περὶ τὴν νέμησιν
ἀγνωμονούμενος οὐκ ἠγανάκτησεν οὐδὲ μετενόησεν, ἀλλὰ
πράως καὶ ἱλαρῶς ἤνεγκε τοῦ ἀδελφοῦ τὴν ἄνοιαν περιβόητον
ἐν τῇ Ἑλλάδι γενομένην.
| [11] Un père vient-il à mourir; il faut que des frères s'attachent
à resserrer plus étroitement encore les liens de tendresse
qui les unissent. Tout d'abord leur piété filiale devra
se confondre dans une commune manifestation de larmes et
de douleur. Il leur faudra se tenir en garde contre les soupçons
provoqués par des valets infidèles, qui se rangent du
parti de tel frère ou du parti de tel autre. On fera son profit,
entre divers enseignements, de la tradition que nous a conservée
la Fable, à propos de l'amitié fraternelle des Dioscures.
Un homme murmurant à l'oreille de Pollux de méchant,
propos contre Castor, il frappa cet homme d'un coup de poing
et l'assomma. S'il s'agit de partager les biens de la succession,
on ne se déclarera point la guerre. On ne criera pas,
comme tant d'autres :
"Exauce-moi: marchons, ô fille des combats!"
On ne se constituera pas, de parti délibéré, en opposition
mutuelle. Il faut bien prendre garde à une telle journée : car
elle décide pour les uns d'une haine et d'une division irréconciliable,
pour les autres d'une amitié et d'un dévouement
à toute épreuve. Quand viendra le partage même, on procédera
entre soi, ou tout au plus en présence d'un ami commun
qui servira de témoin. On acceptera, en personnes sensées,
«les distributions de la justice,» comme les appelle
Platon. Tout sera respectivement pris et cédé de manière à
tenir compte des préférences et des convenances réciproques.
Ce sera surtout le soin des biens et leur administration
que l'on tiendra à partager entre soi, pour laisser indivises
et en commun la jouissance et la propriété. Que dire
de ceux qui s'arrachent mutuellement leurs nourrices, et les
enfants avec lesquels ils ont été eux-mêmes élevés et nourris?
Il peut se faire que, restant les maîtres après l'enchère, ils
se retirent avec l'esclave adjugé au plus offrant. Mais ils ont
perdu le lot le plus important et le plus précieux de la succession
paternelle, je veux dire l'amitié et le dévouement
d'un frère. Nous en savons même, qui sans y chercher leur
profit, par humeur querelleuse n'ont pas montré plus de
pudeur à se partager ce qui appartenait à leur père que s'il
se fût agi de butin fait sur des ennemis. De ce nombre furent
Chariclès et Antiochus de la ville d'Opunte. Ils brisèrent
une coupe d'argent, ils coupèrent un manteau, et s'en
allèrent comme si à la suite d'une imprécation tragique, ils avaient
"Pris leur part d'héritage au tranchant de l'épée".
D'autres vont jusqu'à raconter d'un air satisfait à des
amis comment à force d'adresse, de subtilité, d'imposture,
ils ont trouvé le moyen d'avoir dans le partage un lot meilleur
que leurs frères. Au contraire, s'il y avait lieu de se
féliciter et de se glorifier de quelque chose, ce serait de s'être
montré supérieur en courtoisie, en bonne grâce, en condescendance.
La conduite d'Athénodore est digne d'être citée,
et tout le monde parmi nous se plaît à en garder le souvenir.
Il avait un frère aîné nommé Zénon qui, chargé de
la tutelle, avait dissipé la plus grande partie de leur fortune.
Ce Zénon finit, à la suite d'une condamnation pour
crime de rapt, par perdre tous leurs biens, qui passèrent
dans le trésor de l'empereur. Athénodore n'était à cette
époque qu'un tout jeune homme, et il n'avait pas atteint l'âge
de puberté. Quand on l'eut remis en possession de sa fortune,
loin d'abandonner son frère il mit à sa disposition ce
qu'il possédait, il partagea tout avec lui. Pendant ce partage
même l'autre le traitait avec la dernière ingratitude. Sans
s'indigner, sans concevoir aucun regret, Athénodore opposa
la plus grande douceur et la plus grande sérénité à cette
démence fraternelle, qui du reste est devenue notoire dans
la Grèce entière.
| [12] Ὁ μὲν οὖν Σόλων ἀποφηνάμενος περὶ πολιτείας, ὡς
ἰσότης στάσιν οὐ ποιεῖ, λίαν ἔδοξεν ὀχλικῶς ἀριθμητικὴν
καὶ δημοκρατικὴν ἐπεισάγειν ἀναλογίαν ἀντὶ τῆς καλῆς
γεωμετρικῆς· ὁ δ´ ἐν οἰκίᾳ παραινῶν ἀδελφοῖς μάλιστα
μὲν ὡς ὁ Πλάτων παρῄνει τοῖς πολίταις ‘τὸ
ἐμόν’ ἐξαιρεῖν ‘καὶ τὸ οὐκ ἐμόν,’ εἰ δὲ μή, τὴν ἴσην ἀγαπᾶν
καὶ τῆς ἴσης περιέχεσθαι, καλὴν κρηπῖδα καὶ μόνιμον
ὁμονοίας καὶ εἰρήνης καταβαλλόμενος ἀεί. χρήσθω δὲ
καὶ παραδείγμασιν ἐνδόξοις οἷόν ἐστι καὶ τὸ τοῦ Πιττακοῦ
πρὸς τὸν βασιλέα Λυδῶν πυνθανόμενον εἰ χρήματ´ ἔστιν
αὐτῷ, ‘διπλάσι´’ εἶπεν ‘ἢ ἐβουλόμην, τοῦ ἀδελφοῦ τεθνηκότος.’
ἐπεὶ δ´ οὐ μόνον ἐν χρημάτων κτήσει καὶ μειώσει
τῷ πλέονι πολέμιον καθίσταται τοὔλασσον,
ἀλλ´ ἁπλῶς, ᾗ φησιν ὁ Πλάτων ἐν μὲν
ἀνωμαλίᾳ κίνησιν ἐν δ´ ὁμαλότητι στάσιν ἐγγίνεσθαι καὶ
μονήν, οὕτως πᾶσα μὲν ἀνισότης ἐπισφαλής ἐστι πρὸς
διαφορὰν ἀδελφῶν, ἐν πᾶσι δ´ ἴσους γενέσθαι καὶ ὁμαλοὺς
ἀδύνατον (τὰ μὲν γὰρ αἱ φύσεις εὐθὺς ἀνίσως νέμουσι, τὰ
δ´ ὕστερον αἱ τύχαι φθόνους ἐμποιοῦσαι καὶ ζηλοτυπίας,
αἴσχιστα νοσήματα καὶ κῆρας οὐκ οἰκίαις μόνον ἀλλὰ καὶ
πόλεσιν ὀλεθρίους), δεῖ καὶ ταῦτα φυλάττεσθαι καὶ θεραπεύειν,
ἂν ἐγγένηται. τῷ μὲν οὖν ὑπερέχοντι παραινέσειεν
ἄν τις, πρῶτον μὲν ἐν οἷς δοκεῖ διαφέρειν, ταῦτα κοινὰ
ποιεῖν τοῖς ἀδελφοῖς, συνεπικοσμοῦντα τῇ δόξῃ καὶ συνεισποιοῦντα
ταῖς φιλίαις, κἂν λέγειν δεινότερος ᾖ, χρῆσθαι
παρέχοντα τὴν δύναμιν ὡς ἐκείνων μηθὲν ἧττον οὖσαν·
ἔπειτα μήτ´ ὄγκον ἐμφαίνειν τινὰ μήθ´ ὑπεροψίαν, ἀλλὰ
μᾶλλον ἐνδιδόντα καὶ συγκαθιέντα τῷ ἤθει τὴν ὑπεροχὴν
ἀνεπίφθονον ποιεῖν καὶ τὴν τῆς τύχης ἀνωμαλίαν ἐπανισοῦν,
ὡς ἀνυστόν ἐστι, τῇ μετριότητι τοῦ φρονήματος.
ὁ μὲν οὖν Λεύκολλος οὐκ ἠξίωσε τοῦ ἀδελφοῦ πρότερος
τὴν ἀρχὴν λαβεῖν πρεσβύτερος ὤν, ἀλλὰ τὸν αὑτοῦ παρεὶς
καιρὸν τὸν ἐκείνου περιέμεινεν, ὁ δὲ Πολυδεύκης οὐδὲ
θεὸς ἠθέλησε μόνος ἀλλὰ μᾶλλον ἡμίθεος σὺν τῷ ἀδελφῷ
γενέσθαι καὶ τῆς θνητῆς μερίδος μετασχεῖν ἐπὶ τῷ μεταδοῦναι
τῆς ἀθανασίας ἐκείνῳ· ‘σοὶ δέ’, φαίη τις ἄν, ‘ὦ
μακάριε, μηθὲν ἐλαττοῦντι τῶν προσόντων ἀγαθῶν ὑπάρχει
συνεξομοιοῦν καὶ συνεπικοσμεῖν ὥσπερ αὐγῆς ἀπολαύοντα
τῆς περὶ σὲ δόξης ἢ ἀρετῆς ἢ εὐτυχίας’. ὥσπερ
Πλάτων τοὺς ἀδελφοὺς εἰς τὰ κάλλιστα τῶν αὑτοῦ συγγραμμάτων
θέμενος ὀνομαστοὺς ἐποίησε, Γλαύκωνα μὲν
καὶ Ἀδείμαντον εἰς τὴν Πολιτείαν, Ἀντιφῶντα δὲ τὸν
νεώτατον εἰς τὸν Παρμενίδην.
| [12] Solon déclare que dans un gouvernement l'égalité
ne saurait donner lieu à des séditions. C'est là un principe
trop favorable à la multitude, attendu qu'il substitue la
proportion arithmétique, base de la démocratie, à la belle
proportion géométrique. Mais dans les familles celui qui conseillerait
à des frères, comme Platon le faisait à ses concitoyens,
de bannir autant que possible du milieu d'eux le Tien
et le Mien, ou du moins de chérir l'égalité, de s'y attacher,
celui-là leur offrirait une base solide et durable de paix et
de concorde. On pourrait citer, à ce propos, des exemples
illustres : celui de Pittacus entre autres. Le roi de Lydie
lui demandait s'il avait de l'argent : "Deux fois plus que je
n'en voudrais, répondit Pittacus : car mon frère est mort".
Ce n'est pas seulement dans la possession des richesses et
dans leur amoindrissement que le plus se constitue l'ennemi
du moins. En général, comme le dit Platon, l'inégalité produit
l'agitation. L'égalité, au contraire, est un gage de stabilité
et de permanence. Ainsi toute inégalité entre frères
est une pente qui peut les mener à la discorde. Il est vrai
que leur position respective ne saurait être en tout égale et
identique : c'est chose impossible. La nature, à l'instant où
des frères viennent au monde, et plus tard la Fortune, rendent
les partages inégaux. De là ces rivalités, ces haines, plaies
honteuses et fatales, qui ruinent non seulement les familles,
mais encore les cités. Il faut prévenir de tels maux, et y
remédier s'ils se produisent. Je conseillerai donc tout d'abord
à celui qui sera plus favorisé, de partager avec ses
frères les avantages qui semblent le placer au-dessus d'eux,
de les illustrer ainsi de sa gloire, de les associer à ses amitiés,
de mettre son talent de parole à leur disposition comme
si ce talent leur appartenait autant qu'à lui. Je lui conseillerai
ensuite de ne jamais montrer ni faste ni dédain, d'affecter
bien plutôt une grande condescendance de caractère, de
s'abaisser, pour ne pas rendre sa supériorité insupportable,
et de compenser autant que possible l'inégalité des positions
par la modestie de sa conduite. Lucullus, quoiqu'il fût l'aîné,
ne jugea pas convenable d'entrer en charge avant son frère;
et il laissa passer le moment oü il pouvait être élu pour attendre
que ce frère le pût être également. Pollux ne voulut
pas être dieu tout seul. Il préféra n'être que demi-dieu en
compagnie de son frère et participer avec lui de la condition
mortelle pour lui faire partager son immortalité. Mais vous,
cher ami, pourrait vous dire quelqu'un, il vous est facile,
sans rien diminuer des biens que vous avez, d'élever votre
frère au même niveau que vous et de reporter une partie de
votre éclat sur lui, en l'associant à votre gloire, à votre
mérite ou à vos prospérités. Ainsi Platon, en faisant figurer
ses frères dans les plus beaux dialogues qu'il ait composés,
Glaucon et Adimante dans la République, Antiphon, le plus
jeune de tous, dans son Parménide, a rendu leurs noms
immortels.
| [13] Ἔτι τοίνυν ὥσπερ ἐγγίνονται ταῖς φύσεσι καὶ ταῖς τύχαις τῶν ἀδελφῶν
ἀνισότητες, οὕτως ἐν πᾶσι καὶ πάντως ὑπερέχειν τὸν ἕτερον
ἀδύνατόν ἐστι. τὰ μὲν γὰρ στοιχεῖά φασιν ἐκ μιᾶς ὕλης
γεγονέναι τὰς ἐναντιωτάτας ἔχοντα δυνάμεις· | δυεῖν δ´
ἀδελφῶν ἐκ μιᾶς μητρὸς καὶ πατρὸς ταὐτοῦ γεγονότων
οὐθεὶς ἑώρακε τὸν μὲν, 〈ὡς τὸν〉 ἐκ τῆς Στοᾶς σοφόν,
ὁμοῦ καλὸν εὔχαριν ἐλευθέριον ἔντιμον πλούσιον δεινὸν
εἰπεῖν πολυμαθῆ φιλάνθρωπον, τὸν δ´ ἕτερον αἰσχρὸν
ἄχαριν ἀνελεύθερον ἄτιμον ἄπορον ἀσθενῆ περὶ λόγον
ἀμαθῆ μισάνθρωπον· ἀλλ´ ἔνεστιν ἁμωσγέπως καὶ τοῖς
ἀδοξοτέροις καὶ ταπεινοτέροις μοῖρά τις χάριτος ἢ δυνάμεως
ἢ πρός τι καλὸν εὐφυΐας,
‘ὡς ἀν´ ἐχινόποδας καὶ ἀνὰ τρηχεῖαν ὄνωνιν
φύονται μαλακῶν ἄνθεα λευκοΐων’.
ταῦτα τοίνυν ὁ δοκῶν πλέον ἔχειν ἐν ἄλλοις ἂν μὴ κολούῃ
μηδ´ ἐπικρύπτῃ μηδὲ πάντων ὥσπερ ἐν ἀγῶνι τὸν
ἀδελφὸν ἐξωθῇ τῶν πρωτείων, ἀλλ´ ἀνθυπείκῃ καὶ ἀποφαίνῃ
πρὸς πολλὰ βελτίω καὶ χρησιμώτερον ἐκεῖνον,
ὑφαιρῶν ἀεὶ τοῦ φθόνου τὴν πρόφασιν ὥσπερ ὕλην τοῦ
πυρὸς ἀποσβέσει μᾶλλον δ´ ὅλως οὐκ ἐάσει λαβεῖν γένεσιν
οὐδὲ σύστασιν. ὁ δὲ καὶ συνεργόν, ἐν οἷς δοκεῖ κρείττων
αὐτὸς εἶναι, ποιούμενος τὸν ἀδελφὸν ἀεὶ καὶ σύμβουλον,
οἷον ἐν δίκαις ῥητορικὸς ὤν, ἐν ἀρχαῖς πολιτευόμενος, ἐν
πράξεσι φιλικαῖς, συνελόντι δ´ εἰπεῖν, μηδενὸς ἀξιολόγου
καὶ τιμὴν φέροντος ἔργου περιορῶν ἀπολειπόμενον, ἀλλὰ
τῶν καλῶν πάντων κοινωνὸν ἀποφαίνων καὶ χρώμενος
παρόντι καὶ περιμένων ἀπόντα, καὶ ὅλως συνεμφαίνων
ὅτι πρακτικὸς μὲν οὐχ ἧττον αὐτοῦ παραχωρητικὸς δὲ
μᾶλλόν ἐστι δόξης καὶ δυνάμεως, οὐθὲν ἑαυτοῦ παραιρούμενος
ἐκείνῳ μεγάλα προστίθησι.
| [13] Autre chose encore. De même que la nature et la
fortune constituent des inégalités entre les frères, de
même il est impossible qu'un d'eux soit absolument et sous
tous les rapports supérieur à ses autres frères. Les éléments,
qui se composent, à ce que l'on dit, d'une seule et même
matière, ont des qualités et des forces tout opposées. Mais
de deux fils nés du même père et de la même mère, on n'a
jamais vu que l'un ait été sage comme le sage des Stoïciens,
et qu'en même temps il ait été beau, gracieux, libéral, honoré,
riche, éloquent, instruit, compatissant, tandis que
l'autre était laid, désagréable, méprisé, pauvre, mauvais
orateur, ennemi de l'étude, ennemi de ses semblables. Il y
a, jusqu'à un certain point, dans les plus obscurs et les plus
humbles un certain partage de grâce, de force ou d'aptitude
naturelle pour ce qui est bien.
"Ainsi près du chardon, de la ronce étoilée,
Brille ta douce fleur, ô blanche giroflée".
Si celui qui semble le mieux partagé ne rabaisse et n'efface
pas son frère, s'il n'écarte pas de ce frère toutes les
couronnes comme dans un de ces jeux où l'on se dispute les
prix, et qu'au contraire il lui en cède quelques-unes, s'attachant
à montrer que ce frère est souvent meilleur et de plus
utile service que lui-même, un tel soin pour enlever tout
prétexte à la haine comme on refuse un aliment au feu, ne
tardera pas à la faire disparaître, ou plutôt empêchera
qu'elle ne naisse et ne se développe.
Associez-vous votre frère, même dans les choses où vous
semblerez lui être supérieur. Prenez ses conseils pour vos
plaidoiries si vous êtes orateur, pour l'exercice de votre
charge si vous êtes magistrat, et pareillement pour vos relations
si vous avez beaucoup d'amis. Bref, ne souffrez point
qu'il reste en dehors d'aucun acte important et propre à lui
donner du relief. Ménagez-lui une place dans tout ce que
vous ferez de bien. S'il est présent, utilisez ses services; s'il
est absent, attendez-le. Mettez-le constamment en lumière.
Prouvez qu'il n'est pas moins habile que vous-même. Faites
voir que seulement il cède avec plus de facilité que vous quand
il s'agit d'acquérir de la gloire et de la puissance. De cette
manière, sans rien diminuer de votre propre mérite vous
ajouterez beaucoup à l'estime qu'on lui accordera.
| [14] Τῷ μὲν οὖν ὑπερέχοντι τοιαῦτά τις ἂν παραινέσειε·
τῷ δὲ λειπομένῳ πάλιν ἐνθυμητέον, ὡς οὐχ εἷς οὐδὲ μόνος
αὐτοῦ πλουσιώτερος ἢ λογιώτερος ἢ λαμπρότερος εἰς
δόξαν ὁ ἀδελφός ἐστιν, ἀλλὰ πολλάκις πολλῶν ἀπολείπεται
καὶ μυριάκις μυρίων,
‘εὐρυεδοῦς ὅσοι καρπὸν αἰνύμεθα χθονός·’
εἴτε δὴ πᾶσι περινοστεῖ φθονῶν εἴτε μόνος αὐτὸν ἐν
τοσούτοις εὐτυχοῦσιν ὁ φίλτατος ἀνιᾷ καὶ συγγενέστατος,
ὑπερβολὴν ἑτέρῳ κακοδαιμονίας οὐ λέλοιπεν. ὥσπερ οὖν
Μέτελλος ᾤετο δεῖν Ῥωμαίους τοῖς θεοῖς χάριν ἔχειν, ὅτι
Σκιπίων ἐν ἑτέρᾳ πόλει τοιοῦτος ὢν οὐκ ἐγεννήθη, οὕτως
ἕκαστος εὐχέσθω μάλιστα μὲν αὐτὸς εὐπραξίᾳ διαφέρειν,
εἰ δὲ μή, τὸν ἀδελφὸν αὐτοῦ τὴν ζηλουμένην ἔχειν ὑπεροχὴν
καὶ δύναμιν. οἱ δ´ οὕτω πεφύκασιν ἀτυχῶς πρὸς τὸ
καλόν, ὥστε φίλοις μὲν ἐνδόξοις ἀγάλλεσθαι καὶ μέγα
φρονεῖν, ἂν ξένους ἡγεμονικοὺς καὶ πλουσίους ἔχωσι, τὰς
δὲ τῶν ἀδελφῶν λαμπρότητας αὑτῶν ἀμαυρώσεις νομίζειν,
καὶ πατέρων μὲν εὐτυχίαις ἐπαίρεσθαι καὶ στρατηγίαις
προπάππων λεγομέναις, ὧν οὐδὲν ἀπέλαυσαν οὐδὲ
μετέσχον, ἀδελφῶν δὲ κληρονομίαις καὶ ἀρχαῖς καὶ γάμοις
ἐνδόξοις ἀθυμεῖν καὶ ταπεινοῦσθαι. καίτοι μάλιστα μὲν
ἔδει μηδ´ ἄλλῳ φθονεῖν, εἰ δὲ μή, τρέπειν ἔξω καὶ πρὸς
ἑτέρους ἀποχετεύειν τὸ βάσκανον, ὥσπερ οἱ τὰς στάσεις
θύραζε τοῖς πολέμοις περισπῶντες· ‘πολλοὶ μὲν γὰρ ἐμοὶ
Τρῶες κλειτοί τ´ ἐπίκουροι, πολλοὶ δ´ αὖ σοὶ Ἀχαιοί’
φθονεῖν πεφύκασι καὶ ζηλοτυπεῖν·
| [14] Voilà de quelle façon je conseillerai celui qui sera
supérieur à son frère. Mais à celui qui aura le dessous je
dirai : «Réfléchissez que votre frère n'est pas seul et unique
à l'emporter sur vous en richesse, en réputation glorieuse.
Il y en a bien d'autres qui le laissent derrière eux, et on les
compterait par millions
"Entre ceux que nourrit la terre, notre mère."
Or, soit que vous portiez envie au sort de tous les autres,
soit qu'ayant occasion de voir tant de gens heureux,
vous vous affligiez seulement des succès de l'homme que
vous devriez le plus aimer et qui vous est uni le plus étroitement,
je ne sache personne au monde qui soit plus à
plaindre que vous.» Comme Métellus pensait que Rome
devait remercier les Dieux de ce qu'ils n'avaient pas fait
naître ailleurs que dans cette ville un aussi grand citoyen
que Scipion, de même chacun doit souhaiter d'obtenir personnellement
un bonheur plus grand que les autres. Mais
si un pareil voeu ne se peut accomplir, on doit désirer pour
son frère cette supériorité et cette puissance désirées par soi-même.
Malheureusement il est bien des hommes qui sont
partagés d'une manière fâcheuse sous le rapport des nobles
sentiments. Ils seront fiers de la gloire de leurs amis; ils
seront orgueilleux de compter des magistrats et des richards
parmi leurs hôtes. Au contraire, l'éclat dont brillent leurs
frères est à leurs yeux un voile sous lequel ils se figurent
qu'eux-mêmes disparaissent. Ils sont heureux des prosperités
de leurs pères, ils se glorifient des exploits guerriers de
leurs aïeux, exploits dont ils n'ont jamais retiré de profit,
auxquels ils ne se sont jamais associés. Mais que leurs frères
recueillent des héritages, occupent des charges publiques,
fassent des mariages glorieux, les voilà découragés et humiliés.
Cependant, bien que le mieux soit de ne porter envie a
personne, au moins faudrait-il tourner ce sentiment contre
ceux qui ne sont pas de notre famille. Ce serait sur des
étrangers que nous devrions diriger les traits de notre jalousie,
comme font ceux qui, mettant les séditions hors des remparts,
les transportent de leur ville dans celle des ennemis.
"Assez d'autres Troyens et d'alliés illustres,
Assez de Grecs aussi"
offrent naturellement matière à notre jalousie et à nos rivalités.
| [15] Ἀδελφῷ δὲ χρὴ μὴ καθάπερ πλάστιγγα ῥέπειν ἐπὶ τοὐναντίον,
ὑψουμένου ταπεινούμενον αὐτόν, ἀλλ´, ὥσπερ τῶν ἀριθμῶν
οἱ ἐλάττονες τοὺς μείζονας πολλαπλασιάζοντες καὶ πολλαπλασιαζόμενοι,
συναύξειν ἅμα καὶ συναύξεσθαι τοῖς
ἀγαθοῖς. οὐδὲ γὰρ τῶν δακτύλων ἔλαττον ἔχει τοῦ γράφοντος
ἢ ψάλλοντος ὁ μὴ δυνάμενος τοῦτο ποιεῖν μηδὲ
πεφυκώς, ἀλλὰ συγκινοῦνται καὶ συνεργοῦσιν ἅπαντες
ἁμωσγέπως ἀλλήλοις, | ὥσπερ ἐπίτηδες ἄνισοι γεγονότες
καὶ τὸ συλληπτικὸν ἐξ ἀντιθέσεως πρὸς τὸν μέγιστον καὶ
ῥωμαλεώτατον ἔχοντες. οὕτω καὶ Κρατερὸς Ἀντιγόνου
βασιλεύοντος ἀδελφὸς ὢν καὶ Κασάνδρου Περίλαος ἐπὶ τὸ
στρατηγεῖν καὶ οἰκουρεῖν ἔταττον αὑτούς· Ἀντίοχοι δὲ καὶ
Σέλευκοι καὶ πάλιν Γρυποὶ καὶ Κυζικηνοὶ τὰ δεύτερα
λέγειν οὐ μαθόντες ἀδελφοῖς ἀλλὰ πορφύρας καὶ διαδήματος
ὀρεγόμενοι πολλῶν μὲν αὑτοὺς κακῶν καὶ ἀλλήλους
πολλῶν δὲ τὴν Ἀσίαν ἐνέπλησαν.
Ἐπεὶ δὲ τοῖς φιλοτίμοις μάλιστα τῶν ἠθῶν ἐμφύονται
φθόνοι καὶ ζηλοτυπίαι πρὸς τοὺς πλέον ἔχοντας ἐν δόξῃ καὶ
τιμῇ, χρησιμώτατόν ἐστι πρὸς τοῦτο τοῖς ἀδελφοῖς τὸ μὴ
κτᾶσθαι μήτε τὰς τιμὰς μήτε τὰς δυνάμεις ἀπὸ τῶν αὐτῶν,
ἀλλ´ ἕτερον ἀφ´ ἑτέρου. καὶ γὰρ τῶν θηρίων πόλεμός ἐστι
πρὸς ἄλληλα τοῖς ἀπὸ τῶν αὐτῶν τρεφομένοις, καὶ τῶν ἀθλητῶν
οἱ πρὸς ἓν ἄθλημα κάμνοντες ἀνταγωνισταί, πύκται δὲ
παγκρατιασταῖς φίλιοι καὶ δολιχοδρόμοι παλαισταῖς εὐμενεῖς
εἰσι καὶ συναγωνιῶσι καὶ σπουδάζουσιν ὑπὲρ ἀλλήλων.
διὸ καὶ τῶν Τυνδαριδῶν πὺξ μὲν ὁ Πολυδεύκης ἐνίκα δρόμον
δ´ ὁ Κάστωρ· εὖ δὲ καὶ τὸν Τεῦκρον Ὅμηρος πεποίηκεν ἀπὸ
τοξικῆς εὐδοκιμοῦντα τοῦ ἀδελφοῦ πρωτεύοντος ἐν τοῖς
ὁπλίταις· ‘ὁ δέ μιν σάκεϊ κρύπτασκε φαεινῷ’.
καὶ τῶν πολιτευομένων οἱ στρατηγοῦντες τοῖς δημαγωγοῦσιν
οὐ πάνυ φθονοῦσιν, οὐδέ γε τῶν ῥητόρων οἱ δικολόγοι
τοῖς σοφιστεύουσιν οὐδὲ τῶν ἰατρῶν οἱ περὶ δίαιταν
τοῖς χειρουργοῖς ἀλλὰ καὶ συμπαραλαμβάνουσι καὶ συνεπιμαρτυροῦσι.
τὸ δ´ ἀπὸ τῆς αὐτῆς τέχνης ἢ δυνάμεως
ζητεῖν ἔνδοξον εἶναι καὶ περίβλεπτον οὐδὲν ἐν φαύλοις
διαφέρει τοῦ μιᾶς ἐρῶντας ἀμφοτέρους βούλεσθαι πλέον
ἔχειν καὶ μᾶλλον εὐδοκιμεῖν τοῦ ἑτέρου τὸν ἕτερον. οἱ
μὲν οὖν καθ´ ἑτέρας ὁδοὺς βαδίζοντες οὐθὲν ἀλλήλους
ὠφελοῦσιν, οἱ δὲ βίοις χρώμενοι διαφόροις τόν τε φθόνον
ἐκτρέπονται καὶ συνεργοῦσιν ἀλλήλοις μᾶλλον, ὡς Δημοσθένης
καὶ Χάρης, καὶ πάλιν Αἰσχίνης καὶ Εὔβουλος,
καὶ Ὑπερείδης καὶ Λεωσθένης, οἱ μὲν λέγοντες ἐν τῷ
δήμῳ καὶ γράφοντες οἱ δὲ στρατηγοῦντες καὶ πράττοντες.
ὅθεν ἀπωτάτω δεῖ ταῖς ἐπιθυμίαις τρέπεσθαι καὶ ταῖς
φιλοτιμίαις τῶν ἀδελφῶν τοὺς ἀφθόνως δόξης καὶ δυνάμεως
κοινωνεῖν μὴ πεφυκότας, ὅπως εὐφραίνωσιν εὐημεροῦντες
ἀλλήλους ἀλλὰ μὴ λυπῶσι.
| [15] Il n'en doit pas être de deux frères comme des plateaux
d'une balance qui se meuvent en sens contraire, l'un
s'abaissant lorsque l'autre s'élève. Il doit en être plutôt
d'eux comme des nombres, où les plus petits multiplient
les plus grands et sont multipliés par eux. Il faudrait qu'un
frère s'accrût des biens fraternels. Parmi les doigts de la
main, celui qui tient la plume ou qui fait vibrer la lyre ne
passe pas pour avoir la supériorité sur les doigts qui ne
peuvent remplir cet office et qui en sont naturellement incapables.
Cependant tous les doigts se meuvent, tous, jusqu'à
un certain point, agissent ensemble. Il semble que ce
soit à dessein qu'ils ont été faits inégaux, pour que, placés
autour du plus grand et du plus fort, ils puissent avoir solidement
prise. Ainsi Cratère, qui était le frère du roi Antigone,
Périlaüs, qui était le frère de Cassandre, s'imposaient
auprès de ces princes les fonctions de lieutenants, et prenaient
soin de leurs communes affaires domestiques. Au
contraire les Antiochus, les Séleucus, et pareillement les
Grypus et les Cyzicénus, qui, ne voulant pas se résigner à
un rôle secondaire, aspiraient à la pourpre et au diadème,
se firent mutuellement beaucoup de mal, et remplirent de
calamités l'Asie entière.
Ce sont principalement les esprits ambitieux dans lesquels
naissent les haines et les jalousies contre ceux qui ont plus
de gloire et d'honneurs. A ce point de vue, il sera très utile
que des frères ne cherchent pas tous d'une manière analogue
à conquérir les distinctions et le pouvoir, mais qu'ils y tendent
par des voies différentes. Il y a guerre entre les bêtes farouches
qui se nourrissent de même pâture. Les athlètes qui
s'exercent dans des combats semblables sont ennemis les uns
des autres. Au contraire vous verrez les pugiles être liés
avec les pancratiastes, et les coureurs du stade se montrer
bienveillants pour les lutteurs : ils s'aident et se favorisent
mutuellement. Ainsi, des deux fils de Tyndare, Pollux excellait
au pugilat, Castor, à la course. C'est avec un esprit
judicieux que le chantre de l'IIiade fait de Teucer un illustre
archer, tandis que son frère est le premier dans les combats
de pied ferme:
"Et de son bouclier Ajax couvre Teucer".
Dans les gouvernements les généraux ne vont pas, non
plus, s'aviser de porter envie aux orateurs populaires.
Eu matière d'éloquence les avocats ne sont pas jaloux des
philosophes. S'il s'agit de l'art de guérir, les médecins ne le
sont pas des chirurgiens. Tous au contraire s'aident mutuellement
de leur assistance et de leur témoignage réciproques.
Si les gens qui veulent atteindre par la même profession ou
par la même faculté à la réputation et à la gloire ont l'âme
vicieuse, ils ne diffèrent en rien de ces amants qui, passionnés
pour la même maîtresse, veulent obtenir de préférence
ses faveurs et l'emporter auprès d'elle sur leurs rivaux.
Sans doute, quand on suit des routes différentes, on ne
saurait s'entr'aider; mais quand l'un a choisi un état,
l'autre un autre, on se défend à la fois de la jalousie et
l'on travaille mutuellement pour soi. Ainsi faisaient Démosthène
et Charès, Eschine et Eubule, Hypéride et Léosthène :
les uns à la tribune et en proposant des décrets, les
autres à la tête des armées et en agissant. Il faut donc
que les désirs et les ambitions de frères s'exercent dans
des voies très éloignées les unes des autres, s'ils ne se sentent
pas nés pour partager sans jalousie la gloire et la puissance.
C'est ainsi que, loin de se nuira, ils éprouveront du
bonheur à se rendre heureux mutuellement.
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