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| [6] Ὁ μὲν οὖν Πεισίστρατος ἐπιγαμῶν
 ἐνηλίκοις οὖσι τοῖς υἱοῖς ἔφη καλοὺς καὶ ἀγαθοὺς ἐκείνους
 ἡγούμενος ἔτι πλειόνων ἐθέλειν τοιούτων πατὴρ γενέσθαι·
 χρηστοὶ δὲ καὶ δίκαιοι παῖδες οὐ μόνον διὰ τοὺς γονεῖς
 ἀγαπήσουσι μᾶλλον ἀλλήλους, ἀλλὰ καὶ τοὺς γονεῖς δι´
 ἀλλήλους, οὕτως ἀεὶ καὶ φρονοῦντες καὶ λέγοντες, ὅτι τοῖς
 γονεῦσιν ἀντὶ πολλῶν χάριν ὀφείλοντες μάλιστα διὰ τοὺς
 ἀδελφοὺς ὀφείλουσιν, ὡς τοῦτο δὴ κτημάτων. ἁπάντων
 τιμιώτατον καὶ ἥδιστον ἔχοντες παρ´ αὐτῶν. εὖ γέ τοι καὶ
 Ὅμηρος πεποίηκε Τηλέμαχον ἐν συμφορᾷ τἀνάδελφον
 τιθέμενον·
  ’ὧδε γὰρ ἡμετέρην γενεὴν μούνωσε Κρονίων·‘
  ὁ δ´ Ἡσίοδος οὐκ εὖ παραινεῖ ’μουνογενῆ παῖδα‘ τῶν
 πατρῴων ἐπίκληρον εἶναι, καὶ ταῦτα τῶν
 Μουσῶν γεγονὼς μαθητής, ἃς ὁμοῦ δι´ εὔνοιαν ἀεὶ καὶ
 φιλαδελφίαν οὔσας οὕτως ὠνόμαζον, μούσας.
 Πρὸς μὲν οὖν γονεῖς ἡ φιλαδελφία τοιοῦτόν ἐστιν, ὥστε
 τὸ φιλεῖν ἀδελφὸν εὐθὺς ἀπόδειξιν εἶναι τοῦ καὶ τὴν μητέρα
 φιλεῖν καὶ τὸν πατέρα, πρὸς δὲ παῖδας αὖ δίδαγμα καὶ
 παράδειγμα φιλαδελφίας οἷον οὐθὲν ἄλλο, καὶ τοὐναντίον
 αὖ πονηρὸν ὥσπερ ἐξ ἀντιγράφου πατρῴου τὴν μισαδελφίαν
 ἀναλαμβάνουσιν. | ὁ γὰρ ἐν δίκαις καὶ στάσεσι καὶ
 ἀγῶσι πρὸς ἀδελφοὺς ἐγγεγηρακὼς εἶτα τοὺς υἱοὺς ὁμονοεῖν
 παρακαλῶν, ’ἄλλων ἰατρὸς αὐτὸς ἕλκεσιν βρύων,
 ἀσθενῆ ποιεῖ τοῖς ἔργοις τὸν λόγον.
 εἰ γοῦν ὁ Θηβαῖος Ἐτεοκλῆς πρὸς τὸν ἀδελφὸν εἰρηκώς
 ’ἄστρων ἂν ἔλθοιμ´ ἡλίου πρὸς ἀνατολὰς
 καὶ γῆς ἔνερθε δυνατὸς ὢν δρᾶσαι τάδε,
 τὴν θεῶν μεγίστην ὥστ´ ἔχειν τυραννίδα‘
  τοῖς αὑτοῦ πάλιν παρεκελεύετο τέκνοις 
  ’ἰσότητα τιμᾶν, ἣ φίλους ἀεὶ φίλοις
 πόλεις τε πόλεσι συμμάχους τε συμμάχοις
 συνδεῖ· τὸ γὰρ ἴσον μόνιμον ἀνθρώποις ἔφυ,‘
  τίς οὐκ ἂν αὐτοῦ κατεφρόνησε; ποῖος δ´ ἂν ἦν ὁ Ἀτρεύς,
 εἰ τοιαῦτα δειπνίσας τὸν ἀδελφὸν ἐγνωμολόγει πρὸς τοὺς παῖδας 
 ’φίλων γε μέντοι χρῆσις ἡ πρὸς αἵματος
 μόνη κακοῦ ῥέοντος ὠφελεῖν φιλεῖ;‘
 | [6] Pisistrate se remaria quand ses fils étaient déjà grands; 
et il disait que les sachant bons et vertueux, il voulait leur 
donner encore un plus grand nombre de frères qui leur 
ressemblassent. Les enfants amis du devoir et de la justice ne 
se contenteront pas de s'aimer davantage entre eux à cause 
de leurs parents : ils en aimeront mieux leurs parents à 
cause de leurs frères mêmes. Ils penseront, ils diront constamment :
«Nous avons de bien autres obligations encore 
à nos parents : mais nous leur devons surtout de la reconnaissance 
pour les frères qu'il nous ont donnés.» Et ils 
resteront convaincus qu'ils n'ont pas reçu de leur famille 
un trésor plus précieux et plus agréable. Homère a donc 
bien fait de nous représenter Télémaque comme s'estimant 
malheureux de n'avoir pas de frère :
"Jupiter m'a donné seul fils à mes parents".
Mais Hésiode a tort de demander qu'un père n'ait pour 
héritier qu'un fils unique; et pourtant Hésiode était un disciple 
des Muses, lesquelles ont été ainsi appelées parce que 
leur amour et leur tendresse de soeurs les rendait inséparables.
Il y a donc des rapports si étroits entre la piété filiale et 
l'amour fraternel, que quiconque aime son frère prouve 
aussitôt par cela seul qu'il chérit son père et sa mère. Il 
ne saurait donner lui-même à ses enfants de préceptes et 
d'exemples d'amour fraternel qui vaillent ceux-là , comme
les exemples paternels, quand ils sont contraires, autorisent 
par imitation à se détester. Qu'un père ait vieilli dans 
les procès, dans les querelles, dans les luttes avec ses frères, 
et qu'il prêche ensuite l'union à ses propres fils, ce sera le 
médecin qui
"Lui-même a la gangrène, et veut guérir les autres"
et ses actes infirmeront ses paroles. Si le Thébain Étéocle 
après avoir dit à son frère :
"Je voudrais m'élancer jusqu'au plus haut des cieux, 
De la terre sonder l'abime ténébreux, 
Étre Dieu tout-puissant, et dominer en maître",
allait d'autre part recommander à ses enfants
"D'aimer l'égalité, dont les rapports faciles 
Mettent en bon accord les peuples et les villes, 
Et procurent un bien plus durable que tout";
qui n'aurait du mépris pour Étéocle? Que dirait-on d'Atrée, 
si après l'horrible festin qu'il a servi à son frère il venait 
sententieusement dire à ses propres fils :
"Rien ne doit mieux unir que les liens du sang : 
C'est contre tous les maux le seul abri puissant?"
 |  | [7]  Διὸ καὶ γονέων κακὴν γηροτρόφον οὖσαν καὶ κακίονα
 παιδοτρόφον τέκνων ἐκκαθαίρειν προσήκει τὴν
 μισαδελφίαν. ἔστι δὲ καὶ πρὸς πολίτας διάβολος καὶ κατήγορος·
 οἴονται γὰρ οὐκ ἂν ἐκ τοσῆσδε συντροφίας καὶ
 συνηθείας καὶ οἰκειότητος ἐχθροὺς καὶ πολεμίους γενέσθαι
 μὴ πολλὰ καὶ πονηρὰ συνειδότας ἀλλήλοις· μεγάλαι
 γὰρ αἰτίαι μεγάλην διαλύουσιν εὔνοιαν καὶ φιλίαν. ὅθεν
 οὐδὲ ῥᾳδίως αὖθις ἐνδέχονται διαλύσεις. ὥσπερ γὰρ τὰ
 συμπαγέντα, κἂν χαλάσῃ τὸ ἐχέκολλον, ἐνδέχεται πάλιν
 δεθῆναι καὶ συνελθεῖν, συμφυοῦς δὲ σώματος ῥαγέντος ἢ
 σχισθέντος ἔργον ἐστὶ κόλλησιν εὑρεῖν καὶ σύμφυσιν,
 οὕτως αἱ μὲν ὑπὸ χρείας συνημμέναι φιλίαι κἂν διαστῶσιν
 οὐ χαλεπῶς αὖθις ἀναλαμβάνουσιν, ἀδελφοὶ δὲ τοῦ κατὰ
 φύσιν ἐκπεσόντες οὔτε ῥᾳδίως συνέρχονται, κἂν συνέλθωσι,
 ῥυπαρὰν καὶ ὕποπτον οὐλὴν αἱ διαλύσεις ἐφέλκονται.
 πᾶσα μὲν οὖν ἔχθρα πρὸς ἄνθρωπον ἀνθρώπῳ μετὰ
 τῶν μάλιστα λυπούντων ἐνδυομένη παθῶν, φιλονεικίας
 ὀργῆς φθόνου μνησικακίας, ὀδυνηρόν ἐστι καὶ ταραχῶδες·
 ἡ δὲ πρὸς ἀδελφόν, ᾧ θυσιῶν τε κοινωνεῖν ἀνάγκη καὶ
 ἱερῶν πατρῴων ὁμόταφόν τε γενέσθαι καί που σύνοικον
 ἢ γείτονα χωρίων, ἐν ὄμμασιν ἔχει τὸ λυπηρόν, ὑπομιμνήσκουσα
 καθ´ ἡμέραν τῆς ἀνοίας καὶ παραφροσύνης,
 δι´ ἣν τὸ ἥδιστον καὶ συγγενέστατον πρόσωπον ἰδεῖν
 σκυθρωπότατον ἥ τε προσφιλὴς ἐκ νέων φωνὴ καὶ συνήθης
 ἀκοῦσαι φοβερωτάτη γέγονε, πολλοὺς δὲ τῶν ἄλλων
 ἀδελφῶν ὁρῶντες οἰκίᾳ μιᾷ τε χρωμένους καὶ τραπέζῃ καὶ
 χωρίοις ἀνεμήτοις καὶ ἀνδραπόδοις αὐτοὶ καὶ φίλους
 διῄρηνται καὶ ξένους, ἐχθρὰ πάντα τὰ προσφιλῆ τοῖς
 ἀδελφοῖς νέμοντες· καὶ ταῦτα πᾶσιν ἐν μέσῳ λογίζεσθαι
 παρόντος, ὅτι ’ληιστοί‘  μέν τε φίλοι καὶ
 συμπόται ’κτητοί‘ δὲ κηδεσταὶ καὶ συνήθεις τῶν πρώτων
 ὥσπερ ὅπλων ἢ ὀργάνων διαφθαρέντων, ἀδελφοῦ δ´
 ἀντίκτησις οὐκ ἔστιν, ὥσπερ οὐδὲ χειρὸς ἀφαιρεθείσης
 οὐδ´ ὄψεως ἐκκοπείσης, ἀλλ´ ὀρθῶς ἡ Περσὶς εἶπεν, ἀντὶ
 τῶν τέκνων ἑλομένη σῶσαι τὸν ἀδελφόν, ὅτι παῖδας μὲν
 ἑτέρους κτήσασθαι δύναιτ´ ἄν, ἀδελφὸς δ´ ἄλλος αὐτῇ
 γονέων μὴ ὄντων οὐκ ἂν γένοιτο.
 
 | [7] C'est donc parce qu'elle serait un supplice pour la vieillesse 
des parents, parce qu'elle serait plus funeste encore pour 
les fils, qu'il faut se garantir de la haine contre ses frères. 
Cette haine est en outre un sujet de griefs et d'accusations 
exploité par les concitoyens. Ces derniers se figurent que 
des frères, après avoir été élevés ensemble dans les mêmes 
habitudes, dans la même familiarité, ne peuvent en être venus 
à se déclarer la guerre que parce qu'ils se savent mutuellement 
complices d'un grand nombre de mauvaises actions. 
Car il faut de puissantes raisons pour briser les liens d'une 
étroite amitié; et c'est ce qui rend les réconciliations si difficiles. 
Que des pièces qui ont été rapprochées viennent à se
décoller et à se désunir, on comprend qu'il soit possible de 
les rejoindre et de les ajuster de nouveau. Mais ce qui ne 
fait qu'un seul corps vient-il à se briser ou à se fendre; 
c'est une affaire que de le remettre sur pied et de le rétablir 
dans son ensemble. De même, si les amitiés que forma l'intérêt 
se désunissent, c'est sans peine qu'on les renouera. 
Mais les frères, par cela même qu'ils ont rompu avec une 
loi naturelle, ne se réconcilient pas facilement. Ou bien, s'ils 
se réconcilient il reste toujours, à la suite du rapprochement, 
une première cicatrice qui n'est jamais bien nettement, bien 
évidemment fermée. Toute haine d'un homme contre un 
homme ne pénètre dans le coeur qu'avec les passions les 
plus pénibles, avec la rivalité, la colère, la jalousie, la rancune; 
et c'est un sentiment accompagné d'amertumes et de 
troubles. Mais quand il s'agit d'un frère, avec qui on est 
obligé d'assister à des sacrifices, à des cultes de famille, 
de partager les mêmes sépultures, d'habiter parfois la même 
maison ou tout au moins une maison voisine, on a sans 
cesse sous les yeux l'objet de son tourment. Ce frère vous 
rappelle sans interruption que par suite de votre folie, de 
votre délire, le visage qui devrait vous être le plus agréable, 
l'être qui vous tient de plus près, cet être même vous 
inspire une horrible répugnance. Il vous rappelle que cette 
voix aimée par vous au berceau, à laquelle vous étiez accoutumé, 
est devenue redoutable pour votre oreille. Pendant 
que sous vos yeux beaucoup d'autres frères n'ont qu'une 
maison, qu'une table, pendant que les biens, les esclaves, 
tout est indivis chez eux, vous n'avez ni les mêmes amis, ni 
les mêmes hôtes que votre frère, parce que vous ne voyez 
qu'adversaires dans tous ceux qui lui portent de l'amitié. 
Pourtant il vous serait si facile de raisonner, si facile de vous 
dire : "Je peux me ménager des amis et des convives; je 
peux contracter des alliances par mariage et des liaisons nouvelles 
quand les premières n'existeront plus, comme on achète 
des armes ou des instruments en remplacement d'autres qui 
sont brisés; mais mon frère, je ne saurais le remplacer, pas 
plus qu'une main coupée ou un oeil crevé! Cette femme de
Perse qui avait préféré la vie de son frère à celle de ses propres 
enfants était bien fondée à dire : «qu'elle pouvait avoir 
d'autres enfants, mais que, privée des auteurs de ses jours, 
personne ne pourrait lui rendre un frère.»
 |  | [8] Τί δῆτα χρὴ ποιεῖν, φαίη τις ἄν, ὅτῳ φαῦλος ἀδελφὸς
 γένοιτο; πρῶτον ἐκεῖνο μνημονεύειν, ὅτι παντὸς ἅπτεται
 γένους φιλίας ἡ φαυλότης καὶ κατὰ τὸν Σοφοκλέα 
 ’τὰ πλεῖστα φωρῶν αἰσχρὰ φωράσεις βροτῶν.‘ οὔτε γὰρ
 τὸ συγγενικὸν οὔτε τὸ ἑταιρικὸν οὔτε τὸ ἐρωτικὸν εἱλικρινὲς
 καὶ ἀπαθὲς καὶ καθαρὸν ἔστιν εὑρεῖν κακίας. ὁ μὲν
 οὖν Λάκων μικρὰν γυναῖκα γήμας | ἔφη τὰ ἐλάχιστα δεῖν
 αἱρεῖσθαι τῶν κακῶν, ἀδελφοῖς δὲ σωφρόνως παραινέσειεν
 ἄν τις τὰ οἰκειότατα τῶν κακῶν ὑπομένειν μᾶλλον
 ἢ πειρᾶσθαι τῶν ἀλλοτρίων· τοῦτο γὰρ ἀνέγκλητον ὡς
 ἀναγκαῖον, ἐκεῖνο δὲ ψεκτὸν ὡς αὐθαίρετον. οὐ γὰρ ὁ συμπότης
 οὐδ´ ὁ συνέφηβος οὐδ´ ὁ ξένος ’αἰδοῦς ἀχαλκεύτοισιν
 ἔζευκται πέδαις‘, ἀλλ´ ὁ σύναιμος καὶ
 σύντροφος καὶ ὁμοπάτωρ καὶ ὁμομήτωρ. ᾧ καὶ τὴν
 ἀρχὴν εἰκός ἐστιν ἐπιχωρεῖν ἔνια καὶ παρείκειν λέγοντι
 πρὸς ἀδελφὸν ἐξαμαρτάνοντα 
  ’τοὔνεκά ς´ οὐ δύναμαι προλιπεῖν δύστηνον ἐόντα‘
  καὶ φαῦλον καὶ ἀνόητον, μὴ καὶ λάθω τι πατρῷον ἢ μητρῷον
 ἐνεσταγμένον ἀπὸ σπέρματος νόσημα χαλεπῶς καὶ
 πικρῶς τῷ μισεῖν ἐν σοὶ κολάζων’. τοὺς μὲν γὰρ ἀλλοτρίους,
 ὡς ἔλεγε Θεόφραστος, οὐ φιλοῦντα δεῖ
 κρίνειν ἀλλὰ κρίναντα φιλεῖν· ὅπου δ´ ἡ φύσις ἡγεμονίαν
 τῇ κρίσει πρὸς εὔνοιαν οὐ δίδωσιν οὐδ´ ἀναμένει τὸν
 θρυλούμενον τῶν ἁλῶν μέδιμνον ἀλλὰ συγγεγέννηκε τὴν
 ἀρχὴν τῆς φιλίας, ἐνταῦθα δεῖ μὴ πικροὺς εἶναι μηδ´
 ἀκριβεῖς τῶν ἁμαρτημάτων ἐξεταστάς. νυνὶ δὲ τί ἂν λέγοις,
 εἰ ξένων ἀνθρώπων καὶ ἀλλοτρίων ἐκ πότου τινὸς
 ἢ παιδιᾶς ἢ παλαίστρας προσφθαρέντων ἁμαρτήματα
 ῥᾳδίως ἔνιοι φέροντες καὶ ἡδόμενοι δύσκολοι καὶ ἀπαραίτητοι
 πρὸς τοὺς ἀδελφούς εἰσιν; ὅπου καὶ κύνας χαλεποὺς
 καὶ ἵππους, πολλοὶ δὲ λύγκας αἰλούρους πιθήκους λέοντας
 τρέφοντες καὶ ἀγαπῶντες ἀδελφῶν οὐχ ὑπομένουσιν
 ὀργὰς ἢ ἀγνοίας ἢ φιλοτιμίας, ἕτεροι δὲ παλλακίσι καὶ
 πόρναις οἰκίας καὶ ἀγροὺς καταγράφοντες ὑπὲρ οἰκοπέδου
 καὶ γωνίας πρὸς ἀδελφοὺς διαμονομαχοῦσιν, εἶτα τῷ
 μισαδέλφῳ μισοπονηρίαν ὄνομα θέμενοι περινοστοῦσιν ἐν
 τοῖς ἀδελφοῖς τὴν κακίαν προβαλλόμενοι καὶ λοιδοροῦντες,
 ἐν δὲ τοῖς ἄλλοις μὴ δυσχεραίνοντες ἀλλὰ χρώμενοι πολλῇ
 καὶ συνόντες.
 | [8] Pourtant, dira quelqu'un, comment agir lorsque l'on 
a un mauvais frère? D'abord il faut se rappeler ceci, que 
toute espèce d'amitié est entachée d'imperfection. Comme l'a 
dit Sophocle :
"A pénétrer au fond des choses de ce monde 
On y voit dominer le hideux et l'immonde".
Liaisons de parenté, liaisons de camarades, liaisons d'amour, 
on n'en saurait trouver aucunes qui soient sincères et 
pures de passion et de vice. C'est pourquoi le Lacédémonien 
qui avait épousé une petite femme disait : «qu'entre les 
maux il faut choisir les moindres.» A des frères il serait 
parfaitement sage de conseiller de s'en tenir à leurs maux 
domestiques plutôt que d'aller chercher des maux au dehors. 
Car on ne saurait nous reprocher les premiers puisque la 
nécessité nous les impose, et l'on a le droit de nous blâmer 
à cause des seconds puisque nous nous en sommes chargés 
volontairement. L'amitié d'un camarade de table, d'un compagnon 
de jeunesse, d'un hôte,
"N'est pas lien de fer, et se brise sans honte".
Il en est autrement de nos rapports avec l'être qui est du 
même sang que nous, qui a été élevé avec nous, qui a le 
même père, la même mère que nous. C'est à celui-là qu'il 
est juste de pardonner quelques erreurs. C'est à un frère, quand il a 
failli, qu'il est bon de montrer de l'indulgence en lui disant
"Puis-je t'abandonner, te voyant malheureux",
te voyant vicieux, te voyant privé de raison ? Si je t'accable 
de ma haine, ne serai-je pas trop sévère et trop cruel? Ne
punirai-je pas en toi, à mon insu, quelque maladie de notre 
père ou de notre mère, maladie qu'ils nous auront transmise 
avec leur sang?»
Ceux qui nous sont étrangers, disait Théophraste, il faut, 
non pas nous attacher à eux avant de les avoir éprouvés, 
mais les éprouver avant de nous attacher à eux. Au contraire 
lorsque la nature ne nous autorise pas à faire précéder 
notre amitié par des réflexions, lorsque nous n'avons 
pas le temps d'attendre que «le fameux boisseau de sel» 
soit consommé, lorsque c'est la naissance qui a été le principe 
de l'attachement, c'est alors qu'il ne faut pas apporter 
trop de sévérité et d'attention dans l'examen des fautes commises. 
Que direz-vous donc de ceux qui, s'étant liés de façon 
assez honteuse avec des hôtes, avec des étrangers, à la suite 
d'un festin, d'une partie de plaisir, d'exercices de gymnase, 
tolèrent facilement les désordres de ces gens-là, y prennent 
plaisir, tandis qu'ils se montrent exigeants et inflexibles à 
l'égard de leurs frères? Il y en a qui ont des chiens et des 
chevaux vicieux; plusieurs élèvent des loups cerviers, des 
chats, des singes, des lions, et les aiment ; mais de leurs frères 
ils ne supportent ni la colère, ni l'ignorance, ni l'ambition. 
Il y en a qui aliènent des propriétés de ville et des propriétés 
de campagne en faveur de leurs maîtresses et de femmes 
de mauvaise vie, et qui disputent obstinément à des frères 
un terrain de construction ou un coin de pré. Puis, couvrant 
leur inimitié du nom de haine contre les méchants, ils 
vont partout publier et condamner les défauts fraternels, 
tandis qu'ils ne songent pas à se scandaliser de ceux des 
étrangers. Souvent même ils en profitent et s'y associent.
 |  | [9] Ταυτὶ μὲν οὖν ἔστω προοίμια τοῦ λόγου παντός.
 ἀρχὴν δὲ τῆς διδασκαλίας μὴ τὴν νέμησιν τῶν πατρῴων,
 ὥσπερ ἕτεροι, λάβωμεν, ἀλλὰ τὴν ἔτι ζώντων ἁμαρτανομένην
 τῶν γονέων ἅμιλλαν καὶ ζηλοτυπίαν. οἱ μὲν γὰρ
 ἔφοροι, τοῦ Ἀγησιλάου τῶν ἀποδεικνυμένων ἀεὶ γερόντων
 ἑκάστῳ βοῦν ἀριστεῖον πέμποντος, ἐζημίωσαν αὐτὸν
 αἰτίαν ὑπειπόντες ὅτι τοὺς κοινοὺς ἰδίους κτᾶται δημαγωγῶν
 καὶ χαριζόμενος· υἱῷ δ´ ἄν τις παραινέσειε θεραπεύειν
 γονεῖς μὴ κτώμενον ἑαυτῷ μόνῳ μηδ´ εἰς ἑαυτὸν ἀποστρέφοντα
 τὴν εὔνοιαν. ᾧ τρόπῳ πολλοὶ καταδημαγωγοῦσι
 τοὺς ἀδελφούς, εὐπρεπῆ πρόφασιν οὐ δικαίαν δὲ τῆς
 πλεονεξίας ταύτης ἔχοντες. τὸ γὰρ μέγιστον τῶν πατρῴων
 καὶ κάλλιστον ἀποστεροῦσιν αὐτούς, τὴν εὔνοιαν, ἀνελευθέρως
 καὶ πανούργως ὑποτρέχοντες, ἐν καιρῷ ταῖς
 ἐκείνων ἀσχολίαις καὶ ἀγνοίαις ἐπιτιθέμενοι καὶ μάλιστα
 παρέχοντες εὐτάκτους καὶ κατηκόους αὑτοὺς καὶ σώφρονας,
 ἐν οἷς ἐκείνους ἁμαρτάνοντας ἢ δοκοῦντας ὁρῶσι. δεῖ
 δὲ τοὐναντίον, ὅπου μὲν ὀργή, συνεκδέχεσθαι καὶ συνυποδύεσθαι
 καθάπερ τῷ συνεργεῖν ποιοῦντα κουφοτέραν,
 ὑπουργίαις δὲ καὶ χάρισι συνεισποιεῖν ἁμωσγέπως τὸν
 ἀδελφόν· ἐλλείποντος δέ που, καιρὸν ἢ πρᾶξιν ἑτέραν 〈ἢ〉
 τὴν φύσιν αἰτιᾶσθαι, πρὸς ἄλλα χρησιμωτέραν καὶ σεμνοτέραν
 οὖσαν· εὖ δ´ ἔχει καὶ τὸ τοῦ Ἀγαμέμνονος, ὡς
 ‘οὔτ´ ὄκνῳ εἴκων οὔτ´ ἀφραδίῃσι νόοιο,
 ἀλλ´ ἐμέ τ´ εἰσορόων’
 κἀμοὶ τοῦτο παραδοὺς τὸ καθῆκον. ἡδέως δὲ καὶ | τῶν
 ὀνομάτων τὰς μεταθέσεις οἱ πατέρες προσδέχονται καὶ
 πιστεύουσι τοῖς υἱοῖς ἁπλότητα μὲν τὴν ῥᾳθυμίαν τῶν
 ἀδελφῶν ὀνομάζουσιν ὀρθότητα δὲ τὴν σκαιότητα, τὸ δὲ
 φιλόνεικον ἀκαταφρόνητον· ὥστε τῷ διαλλάσσοντι περίεστι
 τὴν πρὸς τὸν ἀδελφὸν ὀργὴν ἐλαττοῦν ἅμα καὶ τὴν
 πρὸς ἑαυτὸν εὔνοιαν αὔξειν τοῦ πατρός. 
 | [9] Les considérations précédentes servant de préambule 
à tout ce discours, nous ferons commencer notre enseignement, 
non pas comme les autres moralistes, au partage 
des biens paternels, mais aux manoeuvres de jalousie et de rivalité 
que les frères pratiquent du vivant même des auteurs 
de leurs jours. Les Éphores ayant su qu'Agésilas offrait toujours 
un bœuf, en hommage d'estime, à chacun de ceux 
qui avaient été désignés sénateurs, le condamnèrent à l'amende. 
Ils donnèrent en même temps pour raison, qu'en 
s'attirant la popularité et en cherchant à plaire, Agésilas 
rendait dévoués à sa propre personne ceux dont le dévouement 
appartenait à tous. De même on peut recommander à 
un fils de se ménager l'affection de ses parents, mais sans 
permettre qu'il veuille obtenir tout pour lui seul et qu'il détourne 
leur tendresse à son profit. Plusieurs, en vrais démagogues, 
supplantent ainsi leurs frères, colorant cette avidité 
d'un prétexte spécieux, mais injuste. Ils les privent de 
leur plus précieux, de leur plus beau patrimoine, qui est la 
tendresse paternelle. Ils procèdent par basses manoeuvres 
et par intrigues, en profitant des occupations ou de l'ignorance 
de leurs frères, en se présentant eux-mêmes comme 
des modèles de bonne conduite, de docilité, de sagesse, là 
où ils voient ces mêmes frères commettre, ou du moins 
sembler commettre des fautes. Ils devraient au contraire, 
quand le père est irrité, accepter et subir une partie de son 
courroux, en alléger le poids, comme s'il s'agissait d'un 
travail à partager, et mettre leurs frères de moitié dans les 
complaisances et les attentions qu'ils prodiguent eux-mêmes. 
Si leur frère est en défaut dans une occasion, ils devraient 
alléguer qu'il avait une autre affaire, que par son aptitude 
naturelle il sera plus utile et réussira mieux pour autre 
chose. Voyez combien, par exemple, il y a de convenance 
dans ces paroles d'Agamemnon, lorsqu'il dit de son frère :
"Ce n'est pas ineptie ou bien lâche indolence : 
Mais il comptait sur moi, sachant ma vigilance";
et c'est moi qu'il avait chargé de l'accomplissement de ce 
devoir. Les parents, de leur côté, acceptent avec bonheur 
ces changements dans les mots. Ils croiront très-volontiers 
le fils qui appellera simplicité la nonchalance d'un frère, 
qui donnera à la gaucherie le nom de simplicité de coeur, à
l'opiniâtreté querelleuse le nom de bonne et droite conscience. 
C'est ainsi qu'en plaidant la cause fraternelle, tout 
à la fois on calmera un père irrité et on acquerra plus de 
titres encore à sa tendresse.
 |  | [10] Οὕτω δ´ ἀπολογησάμενον ἤδη πρὸς ἐκεῖνον δεῖ τρέπεσθαι καὶ
 καθάπτεσθαι σφοδρότερον, τὸ ἁμάρτημα καὶ τὸ ἔλλειμμα
 μετὰ παρρησίας ἐνδεικνύμενον. οὔτε γὰρ ἐφιέναι δεῖ τοῖς
 ἀδελφοῖς οὔτ´ αὖ πάλιν ἐπεμβαίνειν ἁμαρτάνουσιν αὐτοῖς
 (τὸ μὲν γὰρ ἐπιχαίροντός ἐστιν ἐκεῖνο δὲ συνεξαμαρτάνοντος),
 ἀλλὰ κηδομένῳ καὶ συναχθομένῳ χρῆσθαι τῷ
 νουθετοῦντι. γίνεται δὲ κατήγορος ἀδελφοῦ σφοδρότατος
 πρὸς αὐτὸν ὁ προθυμότατος ὑπὲρ αὐτοῦ συνήγορος πρὸς
 τοὺς γονεῖς γενόμενος. ἂν δὲ μηδὲν ἁμαρτάνων ἀδελφὸς
 ἐν αἰτίᾳ γένηται, τἄλλα μὲν ὑπουργεῖν γονεῦσι καὶ φέρειν
 ὀργήν τε πᾶσαν αὐτῶν καὶ δυσχέρειαν ἐπιεικές, αἱ δ´
 ὑπὲρ ἀδελφοῦ παρ´ ἀξίαν κακῶς ἀκούοντος ἢ πάσχοντος
 ἀντιδικίαι καὶ δικαιολογίαι πρὸς αὐτοὺς ἄμεμπτοι καὶ
 καλαί· καὶ οὐ φοβητέον ἀκοῦσαι τὸ Σοφόκλειον 
  ‘ὦ παῖ κάκιστε, διὰ δίκης ἰὼν πατρί;’
  παρρησιαζόμενον ὑπὲρ ἀδελφοῦ δοκοῦντος ἀγνωμονεῖσθαι·
 καὶ γὰρ αὐτοῖς ἡ τοιαύτη δίκη τοῖς ἐλεγχομένοις ποιεῖ τὴν
 ἧτταν ἡδίω τῆς νίκης.
 | [10] Il est vrai qu'après avoir ainsi justifié son frère on 
doit ensuite le prendre à part, lui reprocher sévèrement sa 
faute, et lui montrer franchement en quoi il a manqué. Car 
on n'a pas plus le droit de passer sur les erreurs d'un frère, 
que l'on n'a droit de l'accabler quand il les a commises. Ce 
serait ou en être bien aise d'un côté, ou de l'autre s'en rendre 
le complice. Mais il faut, en le réprimandant, lui faire voir 
qu'on est soi-même affligé et honteux; et les reproches seront 
d'autant plus sévères, que l'on se sera montré défenseur 
plus zélé en présence de la famille. Que si ce frère a été 
accusé sans être coupable, dans d'autres circonstances il 
conviendrait de soutenir les parents et de mettre à leur service 
tout ce que l'on a de colère et d'indignation. Mais 
du moment qu'il s'agit d'un frère soupçonné à tort ou injustement 
puni, la résistance et les réclamations, loin d'être 
inconvenantes, sont parfaitement honorables, et il ne faut 
pas craindre de s'entendre dire, comme dans Sophocle :
"Fils ingrat! Quoi! traîner en justice ton père !"
Oui, toute franchise est autorisée en faveur d'un frère 
dont l'innocence est méconnue. II y a mieux : de semblables 
débats rendent la défaite plus douce aux vaincus que ne 
leur eût été la victoire et le gain de cause.
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