[3,6,6] Τὴν μὲν δὴ οὐσίαν τὴν νοητὴν τὴν κατὰ τὸ εἶδος ἅπασαν τεταγμένην ὡς ἀπαθῆ δεῖ εἶναι δοκεῖν εἴρηται. Ἐπεὶ δὲ καὶ ἡ ὕλη ἕν τι τῶν ἀσωμάτων, εἰ καὶ ἄλλον τρόπον, σκεπτέον καὶ περὶ ταύτης τίνα τρόπον ἔχει, πότερα παθητή, ὡς λέγεται, καὶ κατὰ πάντα τρεπτή, ἢ καὶ ταύτην δεῖ ἀπαθῆ εἶναι οἴεσθαι, καὶ τίς ὁ τρόπος τῆς ἀπαθείας. Πρῶτον δὲ ληπτέον ἐπὶ τοῦτο στελλομένοις καὶ περὶ τῆς φύσεως αὐτῆς λέγουσιν ὁποία τις, ὡς ἡ τοῦ ὄντος φύσις καὶ ἡ οὐσία καὶ τὸ εἶναι οὐ ταύτῃ ἔχει, ὡς οἱ πολλοὶ νομίζουσιν. Ἔστι γὰρ τὸ ὄν, ὃ καὶ κατ´ ἀλήθειαν ἄν τις εἴποι ὄν, ὄντως ὄν· τοῦτο δέ ἐστιν, ὃ πάντη ἐστὶν ὄν· τοῦτο δέ, ᾧ μηδὲν ἀποστατεῖ τοῦ εἶναι. Τελέως δὲ ὂν οὐδενὸς δεῖται ἵνα σῴζοιτο καὶ ᾖ, ἀλλὰ καὶ τοῖς ἄλλοις αἴτιον τοῖς δοκοῦσιν εἶναι τοῦ δοκεῖν εἶναι. Εἰ δὴ ταῦτα ὀρθῶς λέγεται, ἀνάγκη αὐτὸ ἐν ζωῇ καὶ ἐν τελείᾳ ζωῇ εἶναι· ἢ ἐλλεῖπον οὐ μᾶλλον ὂν ἢ μὴ ὂν ἔσται. Τοῦτο δὲ νοῦς καὶ πάντη φρόνησις. Καὶ ὡρισμένον ἄρα καὶ πεπερασμένον καὶ τῇ δυνάμει οὐδὲν ὅ τι μή, οὐδὲ τοσῇδε· ἐπιλείποι γὰρ ἄν. Διὸ καὶ τὸ ἀεὶ καὶ τὸ ὡσαύτως καὶ τὸ ἄδεκτον παντὸς καὶ οὐδὲν εἰς αὐτό· εἰ γάρ τι δέχοιτο, παρ´ αὐτὸ ἄν τι δέχοιτο· τοῦτο δὲ μὴ ὄν. Δεῖ δ´ αὐτὸ πάντη ὂν εἶναι· ἥκειν οὖν δεῖ παρ´ αὐτοῦ πάντα ἔχον εἰς τὸ εἶναι· καὶ ὁμοῦ πάντα καὶ ἓν πάντα. Εἰ δὴ τούτοις ὁρίζομεν τὸ ὄν — δεῖ δέ, ἢ οὐκ ἂν ἐκ τοῦ ὄντος ἥκοι νοῦς καὶ ζωή, ἀλλὰ τῷ ὄντι ἐπακτὰ ταῦτα καὶ οὐκ (ἐξ οὐκ ὄντος) ἔσται, καὶ τὸ μὲν ὂν ἄζων καὶ ἄνουν ἔσται, ὃ δὲ μὴ ὄν ἐστιν ἀληθῶς ταῦτα ἕξει, ὡς ἐν τοῖς χείροσι δέον ταῦτα εἶναι καὶ τοῖς ὑστέροις τοῦ ὄντος· τὸ γὰρ πρὸ τοῦ ὄντος χορηγὸν μὲν τούτων εἰς τὸ ὄν, οὐ δεόμενον δὲ αὐτὸ τούτων· — εἰ οὖν τοιοῦτον τὸ ὄν, ἀνάγκη μήτε τι σῶμα αὐτὸ μήτε τὸ ὑποκείμενον τοῖς σώμασιν εἶναι, ἀλλ´ εἶναι τούτοις τὸ εἶναι τὸ μὴ οὖσιν εἶναι.
Καὶ πῶς ἡ τῶν σωμάτων φύσις μὴ οὖσα, πῶς δὲ ἡ ὕλη ἐφ´ ἧς ταῦτα, ὄρη καὶ πέτραι καὶ πᾶσα γῆ στερεὰ καὶ πάντα ἀντίτυπα καὶ ταῖς πληγαῖς βιαζόμενα τὰ πληττόμενα ὁμολογεῖν αὐτῶν τὴν οὐσίαν; Εἰ οὖν τις λέγοι· πῶς δὲ τὰ μὴ θλίβοντα καὶ μὴ βιαζόμενα μηδὲ ἀντίτυπα μηδ´ ὅλως ὁρώμενα, ψυχὴ καὶ νοῦς, ὄντα καὶ ὄντως ὄντα; καὶ δὴ καὶ ἐπὶ τῶν σωμάτων μᾶλλον γῆς ἑστώσης τὸ μᾶλλον κινούμενον καὶ ἐμβριθὲς ἧττον, καὶ τούτου τὸ ἄνω; καὶ δὴ καὶ τὸ πῦρ φεῦγον ἤδη τὴν σώματος φύσιν; Ἀλλ´ οἶμαι, τὰ μὲν αὐταρκέστερα αὐτοῖς ἧττον ἐνοχλεῖ τὰ ἄλλα καὶ ἀλυπότερα τοῖς ἄλλοις, τὰ δὲ βαρύτερα καὶ γεωδέστερα, ὅσῳ ἐλλιπῆ καὶ πίπτοντα καὶ αἴρειν αὐτὰ οὐ δυνάμενα, ταῦτα πίπτοντα ὑπὸ ἀσθενείας τῇ καταφορᾷ καὶ νωθείᾳ πληγὰς ἔχει. Ἐπεὶ καὶ τὰ νεκρὰ τῶν σωμάτων ἀηδέστερα προσπεσεῖν, καὶ τὸ σφόδρα τῆς πληγῆς καὶ τὸ βλάπτειν ἔχει· τὰ δ´ ἔμψυχα μετέχοντα τοῦ ὄντος, ὅσῳ τούτου μέτεστιν αὐτοῖς, εὐχαριτώτερα τοῖς πέλας. Ἡ δὲ κίνησις ὥσπερ τις ζωὴ οὖσα ἐν τοῖς σώμασιν ἦν· καὶ μίμησιν ἔχουσα ταύτης μᾶλλόν ἐστι τοῖς ἧττον σώματος ἔχουσιν,
ὡς τῆς ἀπολείψεως τοῦ ὄντος ὃ καταλείπει μᾶλλον τοῦτο σῶμα ποιούσης. Καὶ ἐκ τῶν δὲ λεγομένων παθημάτων μᾶλλον ἄν τις ἴδοι τὸ μᾶλλον σῶμα μᾶλλον παθητὸν ὄν, γῆν ἢ τὰ ἄλλα, καὶ τὰ ἄλλα κατὰ τὸν αὐτὸν λόγον· τὰ μὲν γὰρ ἄλλα σύνεισι διαιρούμενα μὴ κωλύοντος μηδενὸς εἰς ἓν πάλιν, τμηθὲν δὲ γεηρὸν ἅπαν χωρὶς ἑκάτερον ἀεί· ὥσπερ τὰ ἀπαγορεύοντα τῇ φύσει, ἃ δὴ μικρᾶς πληγῆς γενομένης οὕτως ἔχει ὡς πέπληκται καὶ ἐφθάρη, οὕτω καὶ τὸ μάλιστα σῶμα γενόμενον ὡς μάλιστα εἰς τὸ μὴ ὂν ἧκον ἀναλαβεῖν αὑτὸ εἰς τὸ ἓν ἀσθενεῖ. Πτῶμα οὖν αἱ βαρεῖαι καὶ σφοδραὶ πληγαί, ἀλλὰ ποιεῖν εἰς ἄλληλα· ἀσθενὲς δὲ ἀσθενεῖ προσπῖπτον ἰσχυρόν ἐστι πρὸς ἐκεῖνο καὶ μὴ ὂν μὴ ὄντι.
Ταῦτα μὲν οὖν εἴρηται πρὸς τοὺς ἐν τοῖς σώμασι τιθεμένους τὰ ὄντα τῇ τῶν ὠθισμῶν μαρτυρίᾳ καὶ τοῖς διὰ τῆς αἰσθήσεως φαντάσμασι πίστιν τῆς ἀληθείας λαμβάνοντας, οἳ παραπλήσιον τοῖς ὀνειρώττουσι ποιοῦσι ταῦτα ἐνεργεῖν νομίζουσιν, ἃ ὁρῶσιν εἶναι ἐνύπνια ὄντα. Καὶ γὰρ τὸ τῆς αἰσθήσεως ψυχῆς ἐστιν εὑδούσης· ὅσον γὰρ ἐν σώματι ψυχῆς, τοῦτο εὕδει· ἡ δ´ ἀληθινὴ ἐγρήγορσις ἀληθινὴ ἀπὸ σώματος, οὐ μετὰ σώματος, ἀνάστασις. Ἡ μὲν γὰρ μετὰ σώματος μετάστασίς ἐστιν ἐξ ἄλλου εἰς ἄλλον ὕπνον, οἷον ἐξ ἑτέρων δεμνίων· ἡ δ´ ἀληθὴς ὅλως ἀπὸ τῶν σωμάτων, ἃ τῆς φύσεως ὄντα τῆς ἐναντίας ψυχῇ τὸ ἐναντίον εἰς οὐσίαν ἔχει. Μαρτυρεῖ δὲ καὶ ἡ γένεσις αὐτῶν καὶ ἡ ῥοὴ καὶ ἡ φθορὰ οὐ τῆς τοῦ ὄντος φύσεως οὖσα.
| [3,6,6] Nous avons suffisamment démontré l'impassibilité de l'Essence intelligible, qui est tout entière comprise dans le genre de la Forme. Mais, comme la Matière est aussi une chose incorporelle, quoiqu'elle le soit d'une autre façon, nous devons également examiner quelle nature elle a, chercher si elle peut pâtir et subir toute espèce de modification, comme on le pense communément, ou bien si elle est au contraire impassible, et, dans ce cas, en quoi consiste son impassibilité.
Puisque nous sommes ainsi conduits à traiter de la nature de la matière, nous devons d'abord établir que la nature, l'essence, et l'existence de l'Être ne sont pas ce que croit le vulgaire. En effet, l'Être est; il est, dans l'acception véritable de ce mot, c'est-à-dire il est essentiellement; il est d'une manière absolue, c'est-à-dire il ne lui manque rien de l'être ; étant pleinement l'être, il n'a besoin d'aucune autre chose pour être et se conserver ; bien plus, si d'autres choses paraissent être, c'est à lui qu'elles le doivent. Si ce que nous avançons est vrai, l'Être doit posséder la vie, la vie parfaite (sans cela, il ne serait pas plus l'être que le non-être) ; or la vie parfaite, c'est l'intelligence, c'est la sagesse parfaite. L'Être est donc déterminé et défini. Il n'est en puissance aucune chose qui ne se trouve déjà en lui ; sans cela il ne se suffirait pas pleinement à lui-même. Il est donc éternel, immuable, incapable de rien recevoir, de rien s'adjoindre : car ce qu'il recevrait devrait lui, être étranger, être par conséquent le non-être. L'Être doit donc posséder en lui-même toutes choses pour exister par lui-même, être toutes choses à la fois, être un et tout en même temps, puisque c'est en cela que nous faisons consister l'Être ; sinon, l'intelligence et la vie, au lieu d'émaner de l'Être, seraient des choses adventices pour lui. Elles ne sauraient cependant provenir du non-être, et l'Être, de son côté, ne saurait être privé de l'intelligence et de la vie. Le véritable non-être n'aura donc l'intelligence et la vie que de la manière dont elles doivent se trouver dans les objets inférieurs et postérieurs à l'Être. Quant au principe supérieur à l'Être {l'Un}, il donne à l'Être l'intelligence et la vie sans avoir lui-même besoin de les posséder.
Si telle est la nature de l'Être, il ne saurait être ni les corps, ni la substance des corps ; l'être des corps est le non-être. — Mais (dira-t-on), comment ne pas donner le nom d'être à la substance des corps, à la matière qui compose ces montagnes, ces rochers, toute la terre solide, en un mot, tous les objets impénétrables? Quand on est frappé, n'est-on pas obligé par le choc que l'on reçoit de reconnaître que ces objets existent ? Comment des objets qui ne sont pas impénétrables, qui ne peuvent ni en choquer d'autres ni en être choqués, qui sont complètement invisibles, comme l'âme et l'intelligence, sont-ils des êtres, des êtres véritables. — Voici notre réponse : La terre, qui possède la nature corporelle au plus haut degré, est inerte ; l'élément qui est moins grossier {l'air} est déjà plus mobile et occupe une région élevée ; le feu s'éloigne encore plus de la nature corporelle. Les choses qui se suffisent le mieux à elles-mêmes agitent et troublent moins les autres ; celles qui sont plus pesantes et plus terrestres, par cela même qu'elles sont incomplètes, sujettes à des chutes, incapables de s'élever, tombent par faiblesse, et choquent les autres en vertu de leur inertie et de leur pesanteur : c'est ainsi que les corps inanimés tombent plus lourdement, choquent et blessent avec plus de force ; au contraire, les corps animés, par cela même qu'ils participent plus à l'être, frappent avec moins de raideur. C'est pourquoi le mouvement, qui est une espèce de vie, ou du moins une image de la vie, se trouve à un degré plus élevé dans les choses qui sont moins corporelles.
Il semble donc que ce soit l'éclipse de l'être qui rende un objet plus corporel. Si l'on examine les faits qu'on nomme passions, on voit que plus un objet est corporel, plus il est sujet à pâtir : la terre l'est plus que les autres éléments, et ainsi de suite. En effet, quand les autres éléments sont divisés, ils réunissent aussitôt leurs parties, si rien ne s'y oppose; mais, quand on sépare des parties de terre, elles ne se rapprochent pas les unes des autres ; elles semblent ainsi n'avoir aucune force naturelle, puisque, après un léger coup, elles restent dans l'état où elles ont été mises quand elles ont été frappées et brisées. Donc, plus une chose est corporelle, plus elle se rapproche du non-être, puisqu'elle ne peut revenir à l'unité. Les chocs lourds et violents par lesquels des corps agissent les uns sur les autres sont suivis de destruction. Quand une chose même faible vient tomber sur une chose faible, elle est relativement puissante ; c'est le non-être qui rencontre le non-être.
Voilà les objections que nous avions à faire à ceux qui regardent tous les êtres comme corporels, qui ne veulent juger de leur existence que par les impressions qu'ils en reçoivent, et qui essaient de fonder la certitude de la vérité sur les images de la sensation. Ils ressemblent à des hommes endormis qui prennent pour des réalités les visions qu'ils ont dans leurs rêves. La sensation est le rêve de l'âme : tant que l'âme est dans le corps, elle rêve ; le véritable réveil de l'âme consiste à se séparer véritablement du corps, et non à se lever avec lui. Se lever avec le corps, c'est passer du sommeil à une autre espèce de sommeil, d'un lit à un autre ; s'éveiller véritablement, c'est se séparer complètement des corps. Ceux-ci, ayant une nature contraire à celle de l'âme, ont par suite une nature contraire à celle de l'essence. On en a pour preuves leur génération, leur flux, leur destruction, toutes choses contraires à la nature de l'être.
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