[9,579] (579a) Οὐκοῦν ἀναγκάζοιτο ἄν τινας ἤδη θωπεύειν αὐτῶν τῶν
δούλων καὶ ὑπισχνεῖσθαι πολλὰ καὶ ἐλευθεροῦν οὐδὲν δεόμενος, καὶ
κόλαξ αὐτὸς ἂν θεραπόντων ἀναφανείη;
Πολλὴ ἀνάγκη, ἔφη, αὐτῷ, ἢ ἀπολωλέναι.
Τί δ’, εἰ καὶ ἄλλους, ἦν δ’ ἐγώ, ὁ θεὸς κύκλῳ κατοικίσειεν γείτονας
πολλοὺς αὐτῷ, οἳ μὴ ἀνέχοιντο εἴ τις ἄλλος ἄλλου δεσπόζειν ἀξιοῖ, ἀλλ’ εἴ
πού τινα τοιοῦτον λαμβάνοιεν, ταῖς ἐσχάταις τιμωροῖντο τιμωρίαις;
(579b) ῎Ετι ἄν, ἔφη, οἶμαι, μᾶλλον ἐν παντὶ κακοῦ εἴη, κύκλῳ
φρουρούμενος ὑπὸ πάντων πολεμίων.
Ἆρ’ οὖν οὐκ ἐν τοιούτῳ μὲν δεσμωτηρίῳ δέδεται ὁ τύραννος, φύσει
ὢν οἷον διεληλύθαμεν, πολλῶν καὶ παντοδαπῶν φόβων καὶ ἐρώτων
μεστός· λίχνῳ δὲ ὄντι αὐτῷ τὴν ψυχὴν μόνῳ τῶν ἐν τῇ πόλει οὔτε
ἀποδημῆσαι ἔξεστιν οὐδαμόσε, οὔτε θεωρῆσαι ὅσων δὴ καὶ οἱ ἄλλοι
ἐλεύθεροι ἐπιθυμηταί εἰσιν, καταδεδυκὼς δὲ ἐν τῇ οἰκίᾳ τὰ πολλὰ ὡς γυνὴ
ζῇ, (579c) φθονῶν καὶ τοῖς ἄλλοις πολίταις, ἐάν τις ἔξω ἀποδημῇ καί τι
ἀγαθὸν ὁρᾷ;
Παντάπασιν μὲν οὖν, ἔφη.
Οὐκοῦν τοῖς τοιούτοις κακοῖς πλείω καρποῦται ἀνὴρ ὃς ἂν κακῶς ἐν
ἑαυτῷ πολιτευόμενος, ὃν νυνδὴ σὺ ἀθλιώτατον ἔκρινας, τὸν τυραννικόν,
ὡς μὴ ἰδιώτης καταβιῷ, ἀλλὰ ἀναγκασθῇ ὑπό τινος τύχης τυραννεῦσαι
καὶ ἑαυτοῦ ὢν ἀκράτωρ ἄλλων ἐπιχειρήσῃ ἄρχειν, ὥσπερ εἴ τις κάμνοντι
σώματι καὶ ἀκράτορι ἑαυτοῦ μὴ ἰδιωτεύων ἀλλ’ ἀγωνιζόμενος (579d) πρὸς
ἄλλα σώματα καὶ μαχόμενος ἀναγκάζοιτο διάγειν τὸν βίον.
Παντάπασιν, ἔφη, ὁμοιότατά τε καὶ ἀληθέστατα λέγεις, ὦ Σώκρατες.
Οὐκοῦν, ἦν δ’ ἐγώ, ὦ φίλε Γλαύκων, παντελῶς τὸ πάθος ἄθλιον, καὶ
τοῦ ὑπὸ σοῦ κριθέντος χαλεπώτατα ζῆν χαλεπώτερον ἔτι ζῇ ὁ τυραννῶν;
Κομιδῇ γ’, ἔφη.
῎Εστιν ἄρα τῇ ἀληθείᾳ, κἂν εἰ μή τῳ δοκεῖ, ὁ τῷ ὄντι τύραννος τῷ ὄντι
δοῦλος τὰς μεγίστας θωπείας καὶ δουλείας (579e) καὶ κόλαξ τῶν
πονηροτάτων, καὶ τὰς ἐπιθυμίας οὐδ’ ὁπωστιοῦν ἀποπιμπλάς, ἀλλὰ
πλείστων ἐπιδεέστατος καὶ πένης τῇ ἀληθείᾳ φαίνεται, ἐάν τις ὅλην
ψυχὴν ἐπίστηται θεάσασθαι, καὶ φόβου γέμων διὰ παντὸς τοῦ βίου,
σφαδᾳσμῶν τε καὶ ὀδυνῶν πλήρης, εἴπερ τῇ τῆς πόλεως διαθέσει ἧς ἄρχει
ἔοικεν. ἔοικεν δέ· ἦ γάρ;
Καὶ μάλα, ἔφη.
| [9,579] (579a) Ne serait-il pas réduit à faire sa cour à certains d'entre
eux, à les gagner par des promesses, à les affranchir sans
nécessité, enfin à devenir le flatteur de ses esclaves?
Il serait bien forcé d'en passer par là, dit-il, ou de périr.
Que serait-ce donc si le dieu établissait autour de sa
demeure des voisins en grand nombre, décidés à ne
pas souffrir qu'un homme prétende commander en maître à
un autre, et à punir du dernier supplice ceux qu'ils
surprendraient en pareil cas?
(579b) Je crois que sa triste situation s'aggraverait encore,
s'il était ainsi environné et surveillé par des gens qui
seraient tous ses ennemis.
Or, avec ce naturel que nous avons décrit, plein de craintes
et de désirs de toute espèce, n'est-ce pas dans une prison
semblable qu'est enchaîné le tyran? Bien que son
âme soit gourmande, il est le seul dans la cité qui ne puisse
voyager nulle part, ni aller voir ce qui excite la curiosité des
hommes libres. Il vit la plupart du temps enfermé
dans sa maison comme une femme, enviant les citoyens qui
voyagent au dehors et vont voir (579c) quelque belle chose.
Oui vraiment.
Ainsi donc, il récolte en surplus de tels maux, l'homme mal
gouverné en lui-même, celui que tantôt tu jugeais le plus
malheureux de tous, le tyrannique, lorsqu'il ne passe point
sa vie dans une condition privée, mais se trouve contraint
par quelque coup du sort d'exercer une tyrannie, et que,
tout impuissant qu'il est à se maîtriser lui-même, il
entreprend de commander aux autres : semblable à un
malade n'ayant point la maîtrise de son corps qui, au lieu
de mener une existence retirée, serait (579d) forcé de
passer sa vie à se mesurer avec les autres et à lutter dans
les concours publics.
Ta comparaison est d'une exactitude frappante, Socrate.
Or donc, mon cher Glaucon, n'est-ce pas là le comble du
malheur? et celui qui exerce une tyrannie ne mène-t-il pas
une vie plus pénible encore que celui qui, à ton jugement,
menait la vie la plus pénible?
Si, certainement.
Ainsi, en vérité, et quoi qu'en pensent certaines gens, le
véritable tyran est un véritable esclave, condamné à une
bassesse et à une servitude extrêmes, et le flatteur (579e)
des hommes les plus pervers; ne pouvant, d'aucune façon,
satisfaire ses désirs, il apparaît dépourvu d'une foule de
choses, et pauvre, en vérité, à celui qui sait voir le
fond de son âme; il passe sa vie dans une frayeur
continuelle, en proie à des convulsions et à des douleurs,
s'il est vrai que sa condition ressemble à celle de la
cité qu'il gouverne. Mais elle y ressemble, n'est-ce pas?
Et beaucoup, dit-il.
|