[9,578] (578a) Καὶ ψυχὴν ἄρα τυραννικὴν πενιχρὰν καὶ ἄπληστον ἀνάγκη
ἀεὶ εἶναι.
Οὕτως, ἦ δ’ ὅς.
Τί δέ; φόβου γέμειν ἆρ’ οὐκ ἀνάγκη τήν τε τοιαύτην πόλιν τόν τε
τοιοῦτον ἄνδρα;
Πολλή γε.
Ὀδυρμούς τε καὶ στεναγμοὺς καὶ θρήνους καὶ ἀλγηδόνας οἴει ἔν τινι
ἄλλῃ πλείους εὑρήσειν;
Οὐδαμῶς.
Ἐν ἀνδρὶ δὲ ἡγῇ τὰ τοιαῦτα ἐν ἄλλῳ τινὶ πλείω εἶναι ἢ ἐν τῷ
μαινομένῳ ὑπὸ ἐπιθυμιῶν τε καὶ ἐρώτων τούτῳ τῷ τυραννικῷ;
Πῶς γὰρ ἄν; ἔφη.
(578b) Εἰς πάντα δὴ οἶμαι ταῦτά τε καὶ ἄλλα τοιαῦτα ἀποβλέψας τήν τε
πόλιν τῶν πόλεων ἀθλιωτάτην ἔκρινας—
Οὐκοῦν ὀρθῶς; ἔφη.
Καὶ μάλα, ἦν δ’ ἐγώ. ἀλλὰ περὶ τοῦ ἀνδρὸς αὖ τοῦ τυραννικοῦ τί
λέγεις εἰς ταὐτὰ ταῦτα ἀποβλέπων;
Μακρῷ, ἔφη, ἀθλιώτατον εἶναι τῶν ἄλλων ἁπάντων.
Τοῦτο, ἦν δ’ ἐγώ, οὐκέτ’ ὀρθῶς λέγεις.
Πῶς; ἦ δ’ ὅς.
Οὔπω, ἔφην, οἶμαι, οὗτός ἐστιν ὁ τοιοῦτος μάλιστα.
Ἀλλὰ τίς μήν;
Ὅδε ἴσως σοι ἔτι δόξει εἶναι τούτου ἀθλιώτερος.
Ποῖος;
(578c) ῝Ος ἄν, ἦν δ’ ἐγώ, τυραννικὸς ὢν μὴ ἰδιώτην βίον καταβιῷ, ἀλλὰ
δυστυχὴς ᾖ καὶ αὐτῷ ὑπό τινος συμφορᾶς ἐκπορισθῇ ὥστε τυράννῳ
γενέσθαι.
Τεκμαίρομαί σε, ἔφη, ἐκ τῶν προειρημένων ἀληθῆ λέγειν.
Ναί, ἦν δ’ ἐγώ, ἀλλ’ οὐκ οἴεσθαι χρὴ τὰ τοιαῦτα, ἀλλ’ εὖ μάλα τῷ
τοιούτῳ λόγῳ σκοπεῖν· περὶ γάρ τοι τοῦ μεγίστου ἡ σκέψις, ἀγαθοῦ τε βίου
καὶ κακοῦ.
Ὀρθότατα, ἦ δ’ ὅς.
Σκόπει δὴ εἰ ἄρα τι λέγω. δοκεῖ γάρ μοι δεῖν ἐννοῆσαι (578d) ἐκ τῶνδε
περὶ αὐτοῦ σκοποῦντας.
Ἐκ τίνων;
Ἐξ ἑνὸς ἑκάστου τῶν ἰδιωτῶν, ὅσοι πλούσιοι ἐν πόλεσιν ἀνδράποδα
πολλὰ κέκτηνται. οὗτοι γὰρ τοῦτό γε προσόμοιον ἔχουσιν τοῖς τυράννοις,
τὸ πολλῶν ἄρχειν· διαφέρει δὲ τὸ ἐκείνου πλῆθος.
Διαφέρει γάρ.
Οἶσθ’ οὖν ὅτι οὗτοι ἀδεῶς ἔχουσιν καὶ οὐ φοβοῦνται τοὺς οἰκέτας;
Τί γὰρ ἂν φοβοῖντο;
Οὐδέν, εἶπον· ἀλλὰ τὸ αἴτιον ἐννοεῖς;
Ναί, ὅτι γε πᾶσα ἡ πόλις ἑνὶ ἑκάστῳ βοηθεῖ τῶν ἰδιωτῶν.
(578e) Καλῶς, ἦν δ’ ἐγώ, λέγεις. τί δέ; εἴ τις θεῶν ἄνδρα ἕνα, ὅτῳ ἔστιν
ἀνδράποδα πεντήκοντα ἢ καὶ πλείω, ἄρας ἐκ τῆς πόλεως αὐτόν τε καὶ
γυναῖκα καὶ παῖδας θείη εἰς ἐρημίαν μετὰ τῆς ἄλλης οὐσίας τε καὶ τῶν
οἰκετῶν, ὅπου αὐτῷ μηδεὶς τῶν ἐλευθέρων μέλλοι βοηθήσειν, ἐν ποίῳ ἄν
τινι καὶ ὁπόσῳ φόβῳ οἴει γενέσθαι αὐτὸν περί τε αὑτοῦ καὶ παίδων καὶ
γυναικός, μὴ ἀπόλοιντο ὑπὸ τῶν οἰκετῶν;
Ἐν παντί, ἦ δ’ ὅς, ἔγωγε.
| [9,578] 578 Il est donc nécessaire aussi que l'âme tyrannique soit
toujours pauvre et irrassasiée.
Oui, dit-il.
Mais quoi? n'est-ce pas encore une nécessité qu une
pareille cité et un pareil homme soient emplis de crainte?
Si fait.
Crois-tu pouvoir trouver dans quelque autre État plus de
lamentations, de gémissements, de plaintes et de douleurs?
Nullement.
Et dans tout autre individu plus que dans cet homme
tyrannique, que l'amour et les autres désirs rendent furieux?
Je ne le crois pas.
Or, c'est en jetant les yeux sur tous ces maux et sur (578b)
d'autres semblables que tu as jugé que cette cité était la
plus malheureuse de toutes.
N'ai-je pas eu raison? demanda-t-il.
Si fait, répondis-je; mais pour ce qui est de l'individu
tyrannique, que dis-tu en voyant en lui les mêmes maux?
Qu'il est de beaucoup le plus malheureux de tous les hommes.
Sur ce point tu n'as plus raison.
Comment?
Selon moi, il n'est pas encore aussi malheureux qu'on peut
l'être.
Qui le sera donc?
Celui-ci te paraîtra peut-être encore plus malheureux.
Lequel?
Celui qui, né tyrannique, ne passe point sa vie dans (578c)
une condition privée, mais est assez malchanceux pour
qu'un hasard funeste le fasse tyran d'une cité.
Je conjecture, d'après nos précédents propos, que tu dis vrai.
Oui, seulement il ne faut pas se contenter de conjectures
en pareille matière, mais bien examiner, à la lumière de la
raison, les deux individus qui nous occupent l'enquête en
effet porte sur le sujet le plus important qui soit : le
bonheur et le malheur de la vie.
C'est très exact, dit-il.
Examine par conséquent si j'ai raison. A mon avis (578d) il
faut se faire une idée de la situation du tyran d'après ceci.
D'après quoi?
D'après la situation d'un de ces riches particuliers qui, dans
certaines cités, possèdent beaucoup d'esclaves; ils ont ce
point de ressemblance avec les tyrans qu'ils commandent à
beaucoup de monde; la différence n'est que dans le nombre.
C'est vrai.
Tu sais donc que ces particuliers vivent en sécurité et qu'ils
ne craignent point leurs serviteurs.
Qu'en auraient-ils à craindre?
Rien. Mais en vois-tu la raison?
Oui, c'est que la cité tout entière prête assistance à chacun
de ces particuliers.
(578e) Bien dit. Mais quoi ! si quelque dieu, enlevant de la cité
un de ces hommes qui ont cinquante esclaves et davantage,
le transportait, avec sa femme, ses enfants, ses
biens et ses serviteurs, dans un désert, où il n'aurait de
secours à attendre d'aucun homme libre, ne crois-tu pas
qu'il vivrait dans une extrême et continuelle appréhension
de périr de la main de ses esclaves, lui, ses enfants et sa femme?
Oui, son appréhension serait extrême.
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