[9,577] Ἆρ’ οὖν, ἦν δ’ ἐγώ, καὶ περὶ τῶν ἀνδρῶν τὰ αὐτὰ ταῦτα (577a)
προκαλούμενος ὀρθῶς ἂν προκαλοίμην, ἀξιῶν κρίνειν περὶ αὐτῶν
ἐκεῖνον, ὃς δύναται τῇ διανοίᾳ εἰς ἀνδρὸς ἦθος ἐνδὺς διιδεῖν καὶ μὴ
καθάπερ παῖς ἔξωθεν ὁρῶν ἐκπλήττεται ὑπὸ τῆς τῶν τυραννικῶν
προστάσεως ἣν πρὸς τοὺς ἔξω σχηματίζονται, ἀλλ’ ἱκανῶς διορᾷ; εἰ οὖν
οἰοίμην δεῖν ἐκείνου πάντας ἡμᾶς ἀκούειν, τοῦ δυνατοῦ μὲν κρῖναι,
συνῳκηκότος δὲ ἐν τῷ αὐτῷ καὶ παραγεγονότος ἔν τε ταῖς κατ’ οἰκίαν
πράξεσιν, ὡς πρὸς ἑκάστους τοὺς οἰκείους ἔχει, ἐν οἷς (577b) μάλιστα γυμνὸς
ἂν ὀφθείη τῆς τραγικῆς σκευῆς, καὶ ἐν αὖ τοῖς δημοσίοις κινδύνοις, καὶ
ταῦτα πάντα ἰδόντα κελεύοιμεν ἐξαγγέλλειν πῶς ἔχει εὐδαιμονίας καὶ
ἀθλιότητος ὁ τύραννος πρὸς τοὺς ἄλλους;
Ὀρθότατ’ ἄν, ἔφη, καὶ ταῦτα προκαλοῖο.
Βούλει οὖν, ἦν δ’ ἐγώ, προσποιησώμεθα ἡμεῖς εἶναι τῶν δυνατῶν ἂν
κρῖναι καὶ ἤδη ἐντυχόντων τοιούτοις, ἵνα ἔχωμεν ὅστις ἀποκρινεῖται ἃ
ἐρωτῶμεν;
Πάνυ γε.
(577c) Ἴθι δή μοι, ἔφην, ὧδε σκόπει. τὴν ὁμοιότητα ἀναμιμνῃσκόμενος
τῆς τε πόλεως καὶ τοῦ ἀνδρός, οὕτω καθ’ ἕκαστον ἐν μέρει ἀθρῶν, τὰ
παθήματα ἑκατέρου λέγε.
Τὰ ποῖα; ἔφη.
Πρῶτον μέν, ἦν δ’ ἐγώ, ὡς πόλιν εἰπεῖν, ἐλευθέραν ἢ δούλην τὴν
τυραννουμένην ἐρεῖς;
῾Ως οἷόν τ’, ἔφη, μάλιστα δούλην.
Καὶ μὴν ὁρᾷς γε ἐν αὐτῇ δεσπότας καὶ ἐλευθέρους.
Ὁρῶ, ἔφη, σμικρόν γέ τι τοῦτο· τὸ δὲ ὅλον, ὡς ἔπος εἰπεῖν, ἐν αὐτῇ
καὶ τὸ ἐπιεικέστατον ἀτίμως τε καὶ ἀθλίως δοῦλον.
(577d) Εἰ οὖν, εἶπον, ὅμοιος ἀνὴρ τῇ πόλει, οὐ καὶ ἐν ἐκείνῳ ἀνάγκη τὴν
αὐτὴν τάξιν ἐνεῖναι, καὶ πολλῆς μὲν δουλείας τε καὶ ἀνελευθερίας γέμειν
τὴν ψυχὴν αὐτοῦ, καὶ ταῦτα αὐτῆς τὰ μέρη δουλεύειν, ἅπερ ἦν
ἐπιεικέστατα, μικρὸν δὲ καὶ τὸ μοχθηρότατον καὶ μανικώτατον δεσπόζειν;
Ἀνάγκη, ἔφη.
Τί οὖν; δούλην ἢ ἐλευθέραν τὴν τοιαύτην φήσεις εἶναι ψυχήν;
Δούλην δήπου ἔγωγε.
Οὐκοῦν ἥ γε αὖ δούλη καὶ τυραννουμένη πόλις ἥκιστα ποιεῖ ἃ
βούλεται;
Πολύ γε.
(577e) Καὶ ἡ τυραννουμένη ἄρα ψυχὴ ἥκιστα ποιήσει ἃ ἂν βουληθῇ, ὡς
περὶ ὅλης εἰπεῖν ψυχῆς· ὑπὸ δὲ οἴστρου ἀεὶ ἑλκομένη βίᾳ ταραχῆς καὶ
μεταμελείας μεστὴ ἔσται.
Πῶς γὰρ οὔ;
Πλουσίαν δὲ ἢ πενομένην ἀνάγκη τὴν τυραννουμένην πόλιν εἶναι;
Πενομένην.
| [9,577] Aurai-je tort de demander les mêmes précautions
(577a) pour l'examen des individus, et de n'accorder le droit de les
juger qu'à celui qui peut, par la pensée, entrer dans le
caractère d'un homme et voir clair en lui, qui ne se laisse
point éblouir par les apparences - la pompe que le tyran
déploie pour les profanes - mais sait discerner le fond
des choses? Si donc je prétendais que nous devons tous
écouter celui qui, d'abord, serait capable de juger, qui, de
plus, aurait vécu sous le même toit que le tyran, témoin
des actes de sa vie domestique et des rapports qu'il
entretient avec ses familiers - c'est surtout parmi (577b) eux
qu'on peut le voir dépouillé de son appareil de théâtre - et
aussi de sa conduite dans les dangers publics, si
j'engageais celui qui a vu tout cela à prononcer sur le bonheur
ou le malheur du tyran relativement aux autres hommes ...
Ici encore, dit-il, tu ne demanderais rien que de très juste.
Veux-tu donc, repris-je, que nous nous supposions du
nombre de ceux qui sont capables de juger, et qui se sont
rencontrés avec des tyrans, afin d'avoir quelqu'un qui
puisse répondre à nos questions?
Certainement.
(577c) Or çà ! dis-je, suis-moi dans cet examen. Rappelle-toi
la ressemblance de l'État et de l'individu, et, les considérant
point par point, chacun à son tour, dis-moi ce qui arrive à
l'un et à l'autre.
Que leur arrive-t-il?
Pour commencer par la cité, diras-tu de celle qui est
gouvernée par un tyran qu'elle est libre ou esclave?
Elle est esclave autant qu'on peut l'être, répondit-il.
Et cependant tu y vois des maîtres et des hommes libres.
J'en vois, mais en petit nombre; presque tous les citoyens,
et les plus honnêtes, y sont réduits à une indigne et
misérable servitude.
(577d) Si donc l'individu ressemble à la cité, n'est-il pas inévitable
qu'on retrouve en lui le même état de choses, que son âme
soit remplie de servitude et de bassesse, que les parties les
plus honnêtes de cette âme soient réduites en esclavage, et
qu'une minorité, formée de la partie la plus méchante et la
plus furieuse, y soit maîtresse?
C'est inévitable.
Mais quoi? diras-tu d'une âme en cet état qu'elle est
esclave ou qu'elle est libre?
Je dirai, certes, qu'elle est esclave.
Or, la cité esclave et dominée par un tyran ne fait pas le
moins du monde ce qu'elle veut.
Non, assurément.
(577e) Par conséquent l'âme tyrannisée ne fera pas du tout ce
qu'elle veut - je parle de ce que veut l'âme tout entière;
sans cesse et violemment entraînée par un désir furieux,
elle sera pleine de trouble et de remords.
Comment non?
Mais la cité gouvernée par un tyran est-elle nécessairement
riche ou pauvre?
Pauvre.
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