[9,588] Ἀμήχανον, ἔφη, λογισμὸν καταπεφόρηκας τῆς διαφορότητος
(588a) τοῖν ἀνδροῖν, τοῦ τε δικαίου καὶ τοῦ ἀδίκου, πρὸς ἡδονήν τε καὶ λύπην.
Καὶ μέντοι καὶ ἀληθῆ καὶ προσήκοντά γε, ἦν δ’ ἐγώ, βίοις ἀριθμόν,
εἴπερ αὐτοῖς προσήκουσιν ἡμέραι καὶ νύκτες καὶ μῆνες καὶ ἐνιαυτοί.
Ἀλλὰ μήν, ἔφη, προσήκουσιν.
Οὐκοῦν εἰ τοσοῦτον ἡδονῇ νικᾷ ὁ ἀγαθός τε καὶ δίκαιος τὸν κακόν τε
καὶ ἄδικον, ἀμηχάνῳ δὴ ὅσῳ πλείονι νικήσει εὐσχημοσύνῃ τε βίου καὶ
κάλλει καὶ ἀρετῇ;
Ἀμηχάνῳ μέντοι νὴ Δία, ἔφη.
(588b) Εἶεν δή, εἶπον· ἐπειδὴ ἐνταῦθα λόγου γεγόναμεν, ἀναλάβωμεν τὰ
πρῶτα λεχθέντα, δι’ ἃ δεῦρ’ ἥκομεν. ἦν δέ που λεγόμενον λυσιτελεῖν
ἀδικεῖν τῷ τελέως μὲν ἀδίκῳ, δοξαζομένῳ δὲ δικαίῳ· ἢ οὐχ οὕτως ἐλέχθη;
Οὕτω μὲν οὖν.
Νῦν δή, ἔφην, αὐτῷ διαλεγώμεθα, ἐπειδὴ διωμολογησάμεθα τό τε
ἀδικεῖν καὶ τὸ δίκαια πράττειν ἣν ἑκάτερον ἔχει δύναμιν.
Πῶς; ἔφη.
Εἰκόνα πλάσαντες τῆς ψυχῆς λόγῳ, ἵνα εἰδῇ ὁ ἐκεῖνα λέγων οἷα
ἔλεγεν.
(588c) Ποίαν τινά; ἦ δ’ ὅς.
Τῶν τοιούτων τινά, ἦν δ’ ἐγώ, οἷαι μυθολογοῦνται παλαιαὶ γενέσθαι
φύσεις, ἥ τε Χιμαίρας καὶ ἡ Σκύλλης καὶ Κερβέρου, καὶ ἄλλαι τινὲς συχναὶ
λέγονται συμπεφυκυῖαι ἰδέαι πολλαὶ εἰς ἓν γενέσθαι.
Λέγονται γάρ, ἔφη.
Πλάττε τοίνυν μίαν μὲν ἰδέαν θηρίου ποικίλου καὶ πολυκεφάλου,
ἡμέρων δὲ θηρίων ἔχοντος κεφαλὰς κύκλῳ καὶ ἀγρίων, καὶ δυνατοῦ
μεταβάλλειν καὶ φύειν ἐξ αὑτοῦ πάντα ταῦτα.
(588d) Δεινοῦ πλάστου, ἔφη, τὸ ἔργον· ὅμως δέ, ἐπειδὴ εὐπλαστότερον
κηροῦ καὶ τῶν τοιούτων λόγος, πεπλάσθω.
Μίαν δὴ τοίνυν ἄλλην ἰδέαν λέοντος, μίαν δὲ ἀνθρώπου· πολὺ δὲ
μέγιστον ἔστω τὸ πρῶτον καὶ δεύτερον τὸ δεύτερον.
Ταῦτα, ἔφη, ῥᾴω, καὶ πέπλασται.
Σύναπτε τοίνυν αὐτὰ εἰς ἓν τρία ὄντα, ὥστε πῃ συμπεφυκέναι
ἀλλήλοις.
Συνῆπται, ἔφη.
Περίπλασον δὴ αὐτοῖς ἔξωθεν ἑνὸς εἰκόνα, τὴν τοῦ ἀνθρώπου, ὥστε
τῷ μὴ δυναμένῳ τὰ ἐντὸς ὁρᾶν, ἀλλὰ τὸ (588e) ἔξω μόνον ἔλυτρον ὁρῶντι, ἓν
ζῷον φαίνεσθαι, ἄνθρωπον.
Περιπέπλασται, ἔφη.
Λέγωμεν δὴ τῷ λέγοντι ὡς λυσιτελεῖ τούτῳ ἀδικεῖν τῷ ἀνθρώπῳ,
δίκαια δὲ πράττειν οὐ συμφέρει, ὅτι οὐδὲν ἄλλο φησὶν ἢ λυσιτελεῖν αὐτῷ
τὸ παντοδαπὸν θηρίον εὐωχοῦντι ποιεῖν ἰσχυρὸν καὶ τὸν λέοντα καὶ τὰ
περὶ τὸν λέοντα,
| [9,588] Quel extraordinaire calcul nous fais-tu là de la (588a)
différence de ces deux hommes, le juste et l'injuste, sous le
rapport du plaisir et de la douleur !
Et cependant le chiffre est exact et s'applique à leur vie, si
l'on tient compte des jours, des nuits, des mois et des années.
Mais on en tient compte.
Or donc, si l'homme bon et juste l'emporte tellement en
plaisir sur l'homme méchant et injuste, ne l'emportera-t-il
pas infiniment plus en décence, en beauté et en vertu?
Infiniment plus, par Zeus ! dit-il.
Bien. Maintenant, puisque nous sommes parvenus à (588b)
ce point de la discussion, reprenons ce qui a été dit au
début et qui nous a menés jusqu'ici. On disait, ce me
semble, que l'injustice était avantageuse au parfait scélérat
pourvu qu'il passât pour juste. N'est-ce pas ainsi qu'on
s'est exprimé?
Si, certes.
Engageons donc la conversation avec l'homme qui a parlé
de la sorte, puisque nous sommes d'accord sur les
effets d'une conduite injuste et d'une conduite juste.
Comment? demanda-t-il.
Formons par la pensée une image de l'âme pour que
l'auteur de cette assertion en connaisse la portée.
Quelle image?
(588c) Une image à la ressemblance de ces créatures
antiques dont parle la fable - la Chimère, Scylla, Cerbère
et une foule d'autres - qui, dit-on, réunissaient des
formes multiples en un seul corps.
On le dit, en effet.
Façonne donc une espèce de bête multiforme et
polycéphale, ayant, disposées en cercle, des têtes
d'animaux dociles et d'animaux féroces, et capable de
changer et de tirer d'elle-même tout cela.
Un pareil ouvrage, observa-t-il, demande un habile
modeleur; mais comme la pensée est plus facile à modeler
(588d) que la cire ou toute autre matière semblable, voilà
qui est fait.
Façonne maintenant deux autres figures, l'une d'un lion,
l'autre d'un homme; mais que la première soit de beaucoup
la plus grande des trois, et que la seconde ait, en grandeur,
le second rang.
Ceci est plus aisé, dit-il; la chose est déjà faite.
Joins ces trois formes en une seule, de telle sorte que, les
unes avec les autres, elles ne fassent qu'un tout.
Elles sont jointes.
Enfin, recouvre-les extérieurement de la forme d'un seul
être, la forme humaine, de manière qu'aux yeux de (588e)
celui qui ne pourrait voir l'intérieur et n'apercevrait que
l'enveloppe, l'ensemble paraisse un seul être, un homme.
C'est recouvert.
Disons maintenant à celui qui prétend qu'il est avantageux
à cet homme d'être injuste, et qu'il ne lui sert de rien de
pratiquer la justice, que cela revient à prétendre qu'il lui est
avantageux de nourrir avec soin, d'une part, la bête
multiforme, le lion et sa suite, et de les fortifier,
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