[12] ἑτέραν προσθήσω μαρτυρίαν παρὰ τοῦ φιλοσόφου λαβών, ἐξ ἧς ἔτι μᾶλλον
ἔσται φανερόν, ὅτι μετὰ τὸν πόλεμον τὸν συμβάντα τοῖς Ἀθηναίοις πρὸς
Φίλιππον αἱ ῥητορικαὶ συνετάχθησαν ὑπ´ αὐτοῦ τέχναι, Δημοσθένους
ἀκμάζοντος ἤδη κατὰ τὴν πολιτείαν καὶ πάντας εἰρηκότος τούς τε δημηγορικοὺς
καὶ τοὺς δικανικοὺς λόγους, ὧν ὀλίγῳ πρότερον ἐμνήσθην. διεξιὼν γὰρ τοὺς
τόπους τῶν ἐνθυμημάτων ὁ φιλόσοφος καὶ τὸν ἐκ τῆς αἰτίας τίθησι· παρέξομαι
δὲ τὴν ἐκείνου λέξιν· ‘ἄλλος παρὰ τὸ ἀναίτιον ὡς αἴτιον, οἷον τῷ ἅμα ἢ μετὰ
τοῦτο γεγονέναι. τὸ γὰρ μετὰ τοῦτο ὡς διὰ τοῦτο λαμβάνουσι, καὶ μάλιστα ἐν
ταῖς πολιτείαις· ὡς ὁ Δημάδης τὴν Δημοσθένους πολιτείαν πάντων τῶν κακῶν
αἰτίαν· μετ´ ἐκεῖνο γὰρ - - -’. Ποίους οὖν ὁ Δημοσθένης κατεσκεύασεν ἀγῶνας
ταῖς Ἀριστοτελείοις τέχναις ὁδηγοῖς χρησάμενος, εἰ πάντες οἱ δημόσιοι λόγοι, δι´
οὓς ἐπαινεῖταί τε καὶ θαυμάζεται, πρὸ τοῦ πολέμου γεγόνασιν, ὡς πρότερον
ἐπέδειξα, πλὴν ἑνὸς τοῦ περὶ τοῦ στεφάνου; οὗτος γὰρ μόνος εἰς δικαστήριον
εἰσελήλυθεν μετὰ τὸν πόλεμον ἐπ´ Ἀριστοφῶντος ἄρχοντος ὀγδόῳ μὲν ἐνιαυτῷ
μετὰ τὴν ἐν Χαιρωνείᾳ μάχην, ἕκτῳ δὲ μετὰ τὴν Φιλίππου τελευτήν, καθ´ ὃν
χρόνον Ἀλέξανδρος τὴν ἐν Ἀρβήλοις ἐνίκα μάχην. Εἰ δέ τις ἐρεῖ τῶν πρὸς
ἅπαντα φιλονεικούντων, ὅτι τοῦτον ἴσως ἔγραψε τὸν λόγον ταῖς Ἀριστοτέλους
ἐντετευχὼς τέχναις, τὸν κράτιστον ἁπάντων τῶν λόγων, πολλὰ πρὸς αὐτὸν
εἰπεῖν ἔχων, ἵνα μὴ μακρότερος τοῦ δέοντος ὁ λόγος γένηταί μοι, καὶ τοῦτον
ἐπιδείξειν ὑπισχνοῦμαι τὸν ἀγῶνα πρὸ τῶν Ἀριστοτέλους τεχνῶν
ἐπιτετελεσμένον αὐτῷ χρησάμενος τῷ φιλοσόφῳ μάρτυρι. προθεὶς γὰρ τόπον
ἐνθυμημάτων τὸν ἐκ τῶν πρὸς ἄλληλα, ταῦτα κατὰ λέξιν γράφει· ‘ἄλλος ἐκ τῶν
πρὸς ἄλληλα· εἰ γὰρ θατέρῳ ὑπάρχει τὸ καλῶς ἢ δικαίως ποιῆσαι, θατέρῳ τὸ
πεπονθέναι, καὶ εἰ κελεῦσαι, καὶ τὸ πεποιηκέναι· οἷον ὡς ὁ τελώνης ὁ Διομέδων·
εἰ γὰρ μηδ´ ὑμῖν αἰσχρὸν τὸ πωλεῖν, οὐδὲ ἡμῖν τὸ ὠνεῖσθαι. καὶ εἰ τῷ πεπονθότι
τὸ καλῶς καὶ δικαίως ὑπάρχει, τῷ πεπραγμένῳ ὑπάρξει καὶ τῷ ποιήσαντι ἢ
ποιοῦντι. ἔστι δὲ τοῦτο παραλογίσασθαι· οὐ γὰρ εἰ δικαίως ἔπαθεν, ἅμα καὶ
δικαίως ὑπὸ τούτου πέπονθε. διὸ δεῖ σκοπεῖν χωρίς, εἰ ἄξιος ὁ παθὼν παθεῖν καὶ
ὁ ποιήσας ποιῆσαι, εἶτα χρῆσθαι ὁποτέρως ἂν ἁρμόττῃ. ἐνίοτε γὰρ διαφωνεῖ τὸ
τοιοῦτον, ὥςπερ ἐν τῷ Ἀλκμαίωνι τῷ Θεοδέκτου ... καὶ οἷον ἡ περὶ Δημοσθένους
δίκη καὶ τῶν ἀποκτεινάντων Νικάνορα.’ Τίς οὖν ἐστιν ἡ Δημοσθένους δίκη {καὶ
τῶν ἀποκτεινάντων Νικάνορα} περὶ ἧς ὁ φιλόσοφος γέγραφεν, ἐν ᾗ τὸ
κυριώτατον τῆς ἀμφισβητήσεως κεφάλαιον ἦν ἐκ τοῦ πρὸς ἄλληλα τόπου; ἡ
πρὸς Αἰσχίνην ὑπὲρ Κτησιφῶντος τοῦ παρασχόντος Δημοσθένει τὸ περὶ τοῦ
στεφάνου ψήφισμα καὶ τὴν τῶν παρανόμων φεύγοντος γραφήν· ἐν ταύτῃ γὰρ τὸ
ζητούμενον ἦν οὐ τὸ κοινόν, εἰ τιμῶν καὶ στεφάνων ἄξιος ἦν Δημοσθένης
ἐπιδοὺς ἐκ τῶν ἰδίων κτημάτων τὴν εἰς τὰ τείχη δαπάνην, ἀλλ´ εἰ καθ´ ὃν χρόνον
ὑπεύθυνος ἦν, κωλύοντος τοῦ νόμου τοὺς ὑπευθύνους στεφανοῦν. τὸ γὰρ ἐκ τῶν
πρὸς ἄλληλα τοῦτ´ ἔστιν, εἰ ὥσπερ τῷ δήμῳ τὸ δοῦναι, οὕτως καὶ τῷ ὑπευθύνῳ
τὸ λαβεῖν τὸν στέφανον ἐξῆν. ἐγὼ μὲν οὖν ταύτης οἴομαι τῆς δίκης μεμνῆσθαι
τὸν Ἀριστοτέλη. εἰ δέ τις ἐρεῖ, ὅτι περὶ τῆς τῶν δώρων, ἣν ἐπ´ Ἀντικλέους
ἄρχοντος ἀπελογήσατο περὶ τὴν Ἀλεξάνδρου τελευτήν, πολλῷ νεωτέρας ἔτι
ποιήσει τὰς Ἀριστοτέλους τέχνας τῶν Δημοσθένους ἀγώνων. Ἀλλὰ γὰρ ὅτι μὲν
οὐχ ὁ ῥήτωρ παρὰ τοῦ φιλοσόφου τὰς τέχνας παρέλαβεν αἷς τοὺς θαυμαστοὺς
ἐκείνους κατεσκεύασε λόγους, ἀλλὰ τοὐναντίον τὰ Δημοσθένους καὶ τὰ τῶν
ἄλλων ῥητόρων ἔργα παραθέμενος Ἀριστοτέλης ταύτας ἔγραψε τὰς τέχνας,
ἱκανῶς ἀποδεδεῖχθαι νομίζω.
| [12] XII. J'ajouterai une autre preuve tirée de ce philosophe même, et qui
montrera plus clairement encore que sa Rhétorique, a été écrite après la
guerre des Athéniens contre Philippe; lorsque déjà Démosthène jouait un
grand rôle dans la république, et avait prononcé à la tribune et au
barreau tous les discours dont j'ai parlé. Ce rhéteur, donnant les divers
lieux d'enthymèmes, parle du lieu tiré de la cause. Voici ses propres
paroles : « Un autre lieu consiste à regarder comme cause ce qui ne l'est
pas. Par exemple, ce qui s'est fait en même temps, ou immédiatement après
; car ce qui suit paraît être l'effet de ce qui précède, surtout dans les
affaires politiques. C'est ainsi que Démade attribuait à l'administration
de Démosthène tous les maux de l'état, parce qu'elle fut suivie de la
guerre. » Quels sont donc les discours que Démosthène a composés, en
prenant pour guides les traités d'Aristote, s'il est vrai que ceux qui ont
fait sa gloire et lui ont attiré l'admiration, sont antérieurs à cette
guerre, comme je viens de le démontrer ; à l'exception du discours sur la
couronne, le seul qui lui soit postérieur, et qui ait été prononcé pendant
l'archontat d'Aristophon, huit ans après la bataille de Chéronée, et six
après la mort de Philippe, vers l'époque où Alexandre fut vainqueur à
Arbèles ? Mais, dira peut-être un de ces hommes disposés à disputer sur
tout, Démosthène a du moins composé, d'après la Rhétorique d'Aristote, ce
discours le plus beau qui soit sorti de sa plume. J'aurais plusieurs
moyens de répondre à cette objection ; mais pour que cette lettre ne
franchisse pas les limites convenables, je me borne à prouver que ce
discours est plus ancien que l'ouvrage d'Aristote. Je m'appuierai encore
ici sur ce qu'il dit lui-même, à l'endroit où il parle du lieu commun des
enthymèmes tirés des relatifs, il s'exprime en ces termes: «Un autre lieu
est fondé sur les relatifs : par exemple, si une chose a été juste et
glorieuse pour celui qui l'a faite, elle ne le sera pas moins pour celui
qui l'a soufferte. Il faut en dire autant de celui qui a donné des ordres,
et de celui qui les a exécutés. Ainsi, Diomédon et les autres fermiers
disaient à leurs accusateurs : Si vous avez pu sans honte nous vendre le
droit de percevoir les revenus publics, il ne peut être honteux pour nous
de l'avoir acheté. Il en est de même de ce raisonnement : s'il est juste
et glorieux pour quelqu'un d'avoir reçu certains dommages, il l'est
pareillement de les avoir causés. Réciproquement, si celui qui les a
causés en a retiré de la gloire et ne s'est pas écarté de la justice, on
doit en dire autant de celui qui les a éprouvés. Les raisonnements de
cette nature ont quelque chose de faux ; car, il est possible qu'une
personne ait péri justement, et que celui qui lui a donné la mort n'eût
pas dû le faire. Il faudra donc examiner en particulier, si celui qui a
été puni méritait la peine, et si celui qui l'a infligée en avait le
droit. On procédera ensuite de la manière la plus favorable à sa cause.
Souvent ces diverses circonstances sont séparées, comme dans l'Alcméon de
Théodecte, ou dans la cause de Démosthène et des meurtriers de Nicanor. »
Que peut être cette cause de Démosthène et des meurtriers de Nicanor,
dont parle Aristote dans une discussion sur les relatifs, si ce n'est le
procès d'Eschine contre Ctésiphon, qui avait fait décerner une couronne
d'or à Démosthène, et fut accusé d'avoir enfreint les lois. Dans cette
affaire, il ne s'agissait pas de savoir, en général, si Démosthène
méritait une couronne pour avoir contribué de ses biens à la construction
des remparts, mais s'il devait la recevoir, malgré les lois qui le
défendaient, à l'époque où il était sommé de rendre ses comptes. Ici le
raisonnement est fondé sur les relatifs : « Si le peuple a pu décerner une
couronne, l'accusé sommé de rendre ses comptes a le droit de la recevoir.»
Je pense qu'Aristote a voulu parler de ce procès. On objectera peut-être
qu'il a eu en vue l'affaire concernant les récompenses, et qui fut agitée
pendant l'archontat d'Anticlès, vers l'époque de la mort d'Alexandre;
mais, dans cette hypothèse, la Rhétorique d'Aristote serait bien moins
ancienne que les discours de Démosthène. Ce n'est donc pas d'après cet
ouvrage que Démosthène a composé ses admirables harangues : au contraire,
c'est après un examen réfléchi des discours de Démosthène et des autres
orateurs, qu'Aristote a écrit sa Rhétorique : je crois du moins l'avoir
suffisamment démontré.
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