[1,19] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΙΘ'.
§ 1. Ἐπεὶ οὖν ἐστιν ἡ ἀνδρεία περὶ θάρρη καὶ φόβους, σκεπτέον ἂν εἴη
περὶ ποίους φόβους καὶ θάρρη. Ἆρ´ οὖν εἰ μέν τις φοβεῖται μὴ ἀποβάλλῃ τὴν
οὐσίαν, οὗτος δειλός, εἰ δέ τις θαρρεῖ περὶ ταῦτα, ἀνδρεῖος; Ἢ οὔ; Ὁμοίως
δ´ εἴ τις φοβεῖται νόσον ἢ θαρρεῖ, οὔτε δειλὸν φατέον εἶναι τὸν φοβούμενον
οὔτ´ ἀνδρεῖον τὸν μὴ φοβούμενον. Οὐκ ἄρα ἐν τοῖς τοιούτοις φόβοις καὶ
θάρρεσίν ἐστιν ἡ ἀνδρεία.
§ 2. Ἀλλὰ μὴν οὐδ´ ἐν τοῖς τοιούτοις, οἷον εἰ μή τις φοβεῖται βροντὰς ἢ
ἀστραπὰς ἢ ἄλλο τι τῶν ὑπὲρ ἄνθρωπον φοβερῶν, οὐκ ἀνδρεῖος ἀλλὰ μαινόμενός
τις. Ἐν φόβοις ἄρα καὶ θάρρεσίν ἐστιν ὁ ἀνδρεῖος τοῖς κατ´ ἀνθρώπους· λέγω
δὲ οἷον ἃ οἱ πολλοὶ φοβοῦνται ἢ οἱ πάντες, ἐν τούτοις ὁ ὢν θαρραλέος,
οὗτος ἀνδρεῖος.
§ 3. Τούτων τοίνυν διωρισμένων σκεπτέον ἂν εἴη, ἐπειδὴ κατὰ πολλά εἰσιν οἱ
ἀνδρεῖοι, ὁ ποῖος ἀνδρεῖος. Ἔστιν γὰρ καὶ κατ´ ἐμπειρίαν τις ἀνδρεῖος,
οἷον οἱ στρατιῶται. Οὗτοι γὰρ οἴδασι δι´ ἐμπειρίαν ὅτι ἐν τοιούτῳ τόπῳ ἢ
ἐν τοιούτῳ καιρῷ ἢ οὕτως ἔχοντι ἀδύνατόν τι παθεῖν. Ὁ δὲ ταῦτα εἰδὼς καὶ
διὰ ταῦτα ὑπομένων τοὺς πολεμίους οὐκ ἀνδρεῖος·
§ 4. ἐὰν γὰρ τούτων μηθὲν ὑπάρχῃ, οὐχ ὑπομένει. Διὸ τοὺς δι´ ἐμπειρίαν οὐ
φατέον ἀνδρείους. Οὐδὲ Σωκράτης δὴ ὀρθῶς ἔλεγεν ἐπιστήμην φάσκων εἶναι τὴν
ἀνδρείαν. Ἡ γὰρ ἐπιστήμη ἐξ ἔθους τὴν ἐμπειρίαν λαβοῦσα ἐπιστήμη γίνεται·
τοὺς δὲ δι´ ἐμπειρίαν ὑπομένοντας οὔ φαμεν, οὐδ´ ἐροῦσιν ἀνδρείους αὐτοὺς
εἶναι· οὐκ ἄρα ἡ ἀνδρεία ἐπιστήμη ἂν εἴη.
§ 5. Πάλιν δ´ αὖ εἰσιν ἀνδρεῖοι ἐκ τοῦ ἐναντίου τῆς ἐμπειρίας· οἱ γὰρ
ἄπειροι τῶν ἐκβησομένων οὐ φοβοῦνται διὰ τὴν ἀπειρίαν. Οὐδὲ δὴ οὐδὲ
τούτους φατέον ἀνδρείους.
§ 6. Εἰσὶν δ´ αὖ ἄλλοι δοκοῦντες ἀνδρεῖοι εἶναι διὰ τὰ πάθη, οἷον οἱ
ἐρῶντες ἢ οἱ ἐνθουσιάζοντες. Οὐδὲ δὴ τούτους φατέον ἀνδρείους εἶναι· ἐὰν
γὰρ αὐτῶν τὸ πάθος ἀφαιρεθῇ, οὐκέτι εἰσὶν ἀνδρεῖοι, δεῖ δὲ τὸν ἀνδρεῖον
ἀεὶ εἶναι ἀνδρεῖον.
§ 7. Διὸ οὐδὲ τὰ θηρία οἷον τοὺς σῦς οὐκ ἄν τις εἴποι ἀνδρείους διὰ τὸ
ἀμύνεσθαι, ἐπειδὰν πληγέντες λυπηθῶσιν, οὐδὲ δεῖ τὸν ἀνδρεῖον διὰ {τὸ}
πάθος εἶναι ἀνδρεῖον.
§ 8. Πάλιν ἔστιν ἄλλη ἀνδρεία πολιτικὴ δοκοῦσα εἶναι, οἷον εἰ δι´ αἰσχύνην
τὴν πρὸς τοὺς πολίτας ὑπομένουσι τοὺς κινδύνους καὶ δοκοῦσιν ἀνδρεῖοι
εἶναι. Σημεῖον δὲ τούτου· καὶ γὰρ Ὅμηρος πεποίηκε τὸν Ἕκτορα λέγοντα
Πουλυδάμας μοι πρῶτος ἐλεγχείην ἀναθήσει,
διὸ οἴεται δεῖν μάχεσθαι. Οὐδὲ δὴ τὴν τοιαύτην φατέον εἶναι· ὁ γὰρ αὐτὸς
ἐφ´ ἑκάστῳ τούτων διορισμὸς ἁρμόσει. Οὗ γὰρ ἀφαιρουμένου μὴ διαμένει ἡ
ἀνδρεία, οὐκ ἂν εἴη ἔτι ἀνδρεῖος· ἂν οὖν τὴν αἰσχύνην περιέλω δι´ ἣν ἦν
ἀνδρεῖος, οὐκέτι ἔσται ἀνδρεῖος.
§ 9. Ἔτι καὶ ἄλλως εἰσὶν ἀνδρεῖοι δοκοῦντες εἶναι οἱ δι´ ἐλπίδα καὶ
προσδοκίαν ἀγαθοῦ. Οὐδὲ δὴ τούτους φατέον εἶναι ἀνδρείους, ἐπειδὴ τοὺς
τοιούτους καὶ ἐν τοῖς τοιούτοις ἀνδρείους λέγειν ἄτοπον φαίνεται. Οὐδένα
οὖν τῶν τοιούτων ἀνδρεῖον θετέον εἶναι·
§ 10. τὸν {ὁ} ποῖον οὖν ἀνδρεῖον, καὶ τίς ὁ ἀνδρεῖος σκεπτέον. Ὡς ἁπλῶς
μὲν εἰπεῖν, ὁ διὰ μηθὲν τῶν προειρημένων ἀνδρεῖος ὤν, ἀλλὰ διὰ τὸ νομίζειν
αὐτὸ εἶναι καλόν, καὶ τοῦτο ποιῶν κἂν παρῇ τις κἂν μὴ παρῇ. Οὐδὲ δὴ
παντελῶς ἄνευ πάθους καὶ ὁρμῆς ἐγγίγνεται ἡ ἀνδρεία. Δεῖ δὲ τὴν ὁρμὴν
γίνεσθαι ἀπὸ τοῦ λόγου διὰ τὸ καλόν. Ὁ δὴ ὁρμῶν διὰ λόγον ἕνεκεν τοῦ καλοῦ
ἐπὶ τὸ κινδυνεύειν, ἄφοβος ὢν περὶ ταῦτα, οὗτος ἀνδρεῖος, καὶ ἡ ἀνδρεία
περὶ ταῦτα.
§ 11. Ἀφοβος δὲ οὐχ ὅταν οὕτω συμπέσῃ τῷ ἀνδρείῳ ὥστε ὅλως μὴ φοβεῖσθαι. Ὁ
μὲν γὰρ τοιοῦτος οὐκ ἀνδρεῖος, ᾧ ὅλως μηθέν ἐστι φοβερόν· οὕτω μὲν γὰρ
ἂν ὁ λίθος εἴη καὶ τἆλλα ἄψυχα ἀνδρεῖα· ἀλλὰ δεῖ φοβεῖσθαι μέν,
ὑπομένειν δέ· εἰ γὰρ αὖ μὴ φοβούμενος ὑπομένει, οὐκ ἂν εἴη ἀνδρεῖος.
§ 12. — Ἔτι δὲ καὶ ὥσπερ ἐπάνω διειλόμεθα, περὶ φόβους καὶ κινδύνους οὐ
πάντας ἀλλὰ τοὺς ἀναιρετικοὺς τῆς οὐσίας. — Ἔτι δὲ οὐδ´ ἐν τῷ τυχόντι καὶ
παντὶ χρόνῳ, ἀλλ´ ἐν ᾧ οἱ φόβοι καὶ οἱ κίνδυνοι πλησίον εἰσίν. Εἰ γάρ τις
τὸν εἰς δέκατον ἔτος κίνδυνον μὴ φοβεῖται, οὔπω ἀνδρεῖος· ἔνιοι γὰρ
θαρροῦσιν διὰ τὸ μακρὰν ἀπέχειν, ἂν δὲ πλησίον γένωνται, ἀποθνήσκουσιν τῷ
δέει.
| [1,19] CHAPITRE XIX.
§ 1. D'abord, le courage se rapportant au sang-froid et à la peur, il est
bon de savoir à quelles espèces de peur et à quelles espèces de sang-froid
il se rapporte. Quelqu'un qui craint de perdre sa fortune, est-il un lâche
pour cela seul ? Et pour garder toute sa fermeté dans une perte d'argent,
est-il un homme de courage? Ou bien, ne l'est-il pas ? Et de même encore :
Suffit-il que l'on ait peur ou qu'on soit plein de fermeté en ce qui
regarde la maladie, pour dire que dans un cas on soit lâche, et que dans
l'autre on soit courageux? On le sent donc : le courage ne consiste, ni
dans les craintes, ni dans les sang-froid de ce genre.
§ 2. Il ne consiste pas davantage à braver le tonnerre et les éclairs, et
tous les autres phénomènes redoutables qui sont au-dessus de la puissance
humaine. Les braver, ce n'est pas être courageux ; c'est être fou. Ainsi,
le vrai courage ne se manifeste que relativement aux choses dans
lesquelles la peur ou le sang-froid sont permis à l'homme; et j'entends
par là les choses que la plupart des hommes ou tous les hommes redoutent;
et celui qui reste ferme dans ces rencontres, est un homme de courage.
§ 3. Ceci étant posé, comme on peut être courageux d'une foule de
manières, il faut savoir d'abord ce que c'est au juste que d'être
courageux. Il y a des gens courageux par habitude, comme le sont les
soldats ; car les soldats savent par expérience que dans tel lieu, dans
tel moment, dans telle situation, il n'y a absolument aucun danger à
courir. L'homme qui sait qu'il a toutes ces garanties, et qui, par ce
motif, attend les ennemis de pied ferme, n'est pas courageux pour cela;
car si toutes les conditions requises ne se réunissent point, il n'est
plus capable d'attendre l'ennemi.
§ 4. Il ne faut donc pas appeler courageux ceux qui ne le sont que par
habitude et par expérience. Aussi Socrate n'a-t-il pas eu raison de dire
que le courage est une science ; car la science ne devient science qu'en
acquérant l'expérience par l'habitude. Mais, pour nous, nous n'appelons
pas courageux ceux qui ne supportent les périls que par suite de leur
expérience ; et eux-mêmes ne se donneraient pas non plus ce titre. Par
conséquent, le courage n'est pas une science.
§ 5. On peut encore être courageux précisément par le contraire de
l'expérience. Quand on ne sait point par expérience personnelle ce qui
peut arriver, on demeure à l'abri de la crainte, à cause de son
inexpérience. Certainement, on ne peut pas davantage prendre ces gens-là
pour des gens courageux.
§ 6. Il en est d'autres aussi qui paraissent courageux par l'effet de la
passion qui les anime ; et, par exemple, les amoureux, les enthousiastes,
etc. Ce ne sont pas là non plus des gens de courage ; qu'on leur enlève en
effet la passion dont ils sont dominés, et ils cessent sur le champ d'être
courageux. Mais l'homme de vrai courage doit être toujours courageux.
§ 7. C'est là ce qui fait qu'on ne peut pas attribuer le courage aux
animaux ; et, par exemple, qu'on ne peut pas dire que les sangliers sont
courageux, parce qu'ils se défendent sous les coups qui les excitent en
les blessant. L'homme courageux ne doit pas non plus être courageux sous
le coup de la passion.
§ 8. Il est une autre espèce de courage qu'on pourrait appeler social et
politique. On voit bien des gens affronter les dangers pour n'avoir point
à rougir devant leurs concitoyens, et ils nous font ainsi l'effet d'avoir
du courage. Je puis invoquer le témoignage d' Homère, quand il fait dire à
Hector : « Polydamas d'abord m'accablera d'injures. »
Et le brave Hector voit là dedans un motif pour combattre. Ce n'est pas
encore là pour nous le courage véritable; et la même définition ne
conviendrait pas pour chacun de ces genres de courage. Toutes les fois
qu'en supprimant un certain motif qui fait agir, le courage ne subsiste
plus, on ne peut pas dire que celui qui agit par ce motif soit courageux
réellement ; et, par exemple, retranchez le respect humain, qui fait que le
guerrier combat courageusement, il cesse à l'instant d'être courageux.
§ 9. Enfin, d'autres gens semblent avoir du courage par l'espérance et
l'attente de quelque bien à venir; ceux-là ne sont pas courageux non plus,
puisqu'il serait absurde d'appeler courageux des gens qui ne le seraient
que d'une certaine façon et dans certains cas donnés. Donc, rien de tout
cela n'est précisément le courage.
§ 10. Quel est donc l'homme vraiment courageux d'une manière générale? Et
quel caractère doit-il avoir ? Pour le dire en un mot, l'homme courageux
est celui qui ne l'est pour aucun des motifs qu'on vient de citer, mais
qui l'est parce qu'il est bien de l'être, et qui est courageux toujours,
soit que quelqu'un le regarde, soit que personne ne le voie. Ceci ne veut
pas dire que le courage se produise absolument sans passion et sans motif
; mais il faut que l'impulsion vienne de la raison: qui montre que c'est
là le bien et le devoir. Ainsi, l'homme qui, par raison et pour remplir
son devoir, marche au danger, sans rien craindre de ce danger, celui-là
est courageux ; et le courage exige précisément ces conditions.
§ 11. Mais on ne doit pas comprendre que l'homme courageux est sans
crainte, en ce sens qu'il serait accidentellement hors d'état de sentir la
moindre émotion de peur. Ce n'est pas être courageux que de ne craindre
absolument rien du tout, puisqu'à ce compte on irait jusqu'à trouver que
la pierre et les choses inanimées sont courageuses. Pour avoir vraiment du
courage, il faut savoir craindre le danger et savoir le supporter ; car si
on le supporte sans le craindre, ce n'est plus là être courageux.
§ 12. En outre, ainsi que nous l'avons établi plus haut, en divisant les
espèces de courage, le courage ne s'applique pas à toutes les craintes, à
tous les dangers : il ne s'applique directement qu'à ceux qui peuvent
menacer la vie. De plus, ce n'est pas dans un temps quelconque, ni dans un
cas quelconque, que peut se produire le vrai courage ; c'est dans ceux où
les craintes et les dangers sont proches. Est-on courageux, par exemple,
pour ne pas redouter un danger qui ne doit venir que dans dix ans ? Trop
souvent on est plein d'assurance, parce qu'on est loin du péril ; et l'on
se meurt de peur, quand on en est tout près. Telle est l'idée que nous
nous faisons du courage et de l'homme vraiment courageux.
|