[31] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΛΑ'.
Ἀλλ' οὐδὲ ἀφαιρούμεθα τῶν ἀνθρώπων τὸ ἀπὸ
μαντικῆς χρήσιμον, ὃ γίνεται τῷ δύνασθαί τινα καὶ
φυλάξασθαί τι, μὴ φυλαξάμενον ἂν μὴ
συμβουλεύσαντος τοῦ θεοῦ· οἱ δὲ ὑμνοῦντες τὴν
μαντικὴν καὶ κατὰ τὸν αὑτῶν λόγον μόνον σώζεσθαι
λέγοντες αὐτήν, καὶ ταύτῃ τῇ πίστει τοῦ πάντα καθ'
εἱμαρμένην γίνεσθαι χρώμενοι πρὸς τῷ μηδὲν ἀληθὲς
λέγειν προσέτι καὶ ἄτοπά τινα καὶ ἀλλότρια
παντάπασιν θεῶν πέρι αὐτῶν τολμῶσι λέγειν. Πῶς
γὰρ οὐκ ἄτοπα τὰ περὶ τούτων ὑπ' αὐτῶν λεγόμενα;
Ἀπορούντων γάρ τινων πρὸς αὐτούς, τί δήποτε, εἰ
πάντα τὰ γινόμενα ἐξ ἀνάγκης γίνεται, αἱ παρὰ τῶν
θεῶν μαντεῖαι μὲν γίγνονται συμβουλαῖς ἐοικυῖαι ὡς
δυναμένων δι' ὃ ἤκουσαν καὶ φυλάξασθαί τι καὶ
ποιῆσαι τῶν ἀκουσάντων, καὶ δὴ καὶ τὸν τῷ Λαΐῳ
δοθέντα χρησμὸν παρεχομένων, δι' οὗ λέγει πρὸς
αὐτὸν ὁ Πύθιος περὶ τοῦ μὴ δεῖν παιδοποιεῖσθαι
"Εἰ γὰρ φυτεύσεις παῖδα, ἀποκτενεῖ ς' ὁ φύς
καὶ πᾶς σὸς οἶκος βήσεται δι' αἵματος"
Οὔ φασιν, ὡς κηρύττει τὰ συγγράμματα αὐτῶν,
οὕτως αὐτὸν χρῆσαι ὡς οὐκ εἰδότα ὅτι μὴ πεισθήσεται
(παντὸς γὰρ μᾶλλον ᾔδει), ἀλλ' ὅτι μηδὲν μὲν αὐτοῦ
τοιοῦτον χρήσαντος οὐδὲν ἔμελλεν τῶν κατὰ τὴν
περιπέτειαν τὴν περὶ τὸν Λάιόν τε καὶ τὸν Οἰδίπουν
γενομένων γίνεσθαι. Οὔτε γὰρ ἂν ἐξέθηκεν ὁ Λάιος
τὸν γενόμενον αὐτῷ παῖδα, ὡς ἐξέθηκεν, οὔτ'
ἀναιρεθεὶς ὁ παῖς ὑπὸ τοῦ βουκόλου καὶ δοθεὶς πρὸς
εἰσποίησιν τῷ Κορινθίῳ Πολύβῳ, ἀνδρωθεὶς καὶ
περιτυχὼν τῷ Λαΐῳ κατὰ τὴν ὁδὸν ἀγνοῶν τε καὶ
ἀγνοούμενος ἀπέκτεινεν αὐτόν. Οὐ γὰρ ἄν ποτε ὡς
υἱὸς ἔνδον παρ' αὐτῶν τρεφόμενος ἠγνόησε τοὺς
γονεῖς, ὡς τὸν μὲν αὐτῶν ἀποκτεῖναι, τὴν δὲ
ἀγαγέσθαι πρὸς γάμον. Ὅπως οὖν πάντα ταῦτα σωθῇ
καὶ πληρωθῇ τὸ τῆς εἱμαρμένης δρᾶμα, φαντασίαν ὁ
θεὸς διὰ τοῦ χρησμοῦ τῷ Λαΐῳ παρέσχεν ὡς
δυναμένῳ φυλάξασθαι τὰ λεγόμενα, καὶ ἐπεὶ
μεθυσθεὶς ἐπαιδοποιήσατο, ἐξέθηκεν τὸ γενόμενον
παιδίον ὡς διαφθερῶν, ἥτις ἔκθεσις αἰτία τῶν
ἀνοσίων μύθων ἐγένετο. Εἶτά τις ταῦτα λέγων πῶς ἢ
σώζει μαντικήν, ἢ περὶ θεῶν εὐσεβεῖς διδάσκει
προλήψεις, ἢ χρήσιμόν τι δείκνυσιν ἔχουσαν τὴν
μαντικήν; Ἡ μὲν γὰρ μαντικὴ δοκεῖ τῶν μελλόντων
προαγόρευσις εἶναι, οἱ δὲ τὸν Ἀπόλλω ποιητὴν ὧν
προαγορεύει ποιοῦσιν. Ὃ γὰρ οὐκ ἂν οὕτως ἐγένετο
μὴ τοῦτον τὸν τρόπον χρήσαντος τοῦ θεοῦ, καὶ διὰ
τοῦτο οὕτως ἔχρησεν, ὅπως γένηται τὰ ἐπ' αὐτοῖς
γενόμενα, πῶς οὐκ ἔργα τοῦ χρήσαντος, ἀλλ' οὐ
μήνυσις τῶν ἐσομένων; Ἀλλ' εἰ καὶ δεῖ πλέον τι τῶν
ἄλλων μάντεων ἔχειν τοὺς θεούς, ὡς καὶ
συμπράσσειν τοῖς ἐσομένοις πρὸς τὸ γίνεσθαι
συνεργούμενον (καὶ γὰρ οἱ ποιηταὶ τοῦτό γε περὶ
θεῶν ὑμνοῦντες διατελοῦσιν, ὅτι ἄρα εἰσὶ δωρητῆρες
ἐάων) κατά γε τὰ ὑπὸ τούτων λεγόμενα εἰς ἀγαθὸν
μὲν οὐδὲν ὁ Πύθιος τῷ Λαΐῳ συντελεῖ, ἀγωνίζεται δὲ
καὶ πάντα πράττει πρὸς τὸ μηδὲν τῶν ἀνοσιωτάτων τε
καὶ ἀσεβεστάτων παρελθεῖν τὸν οἶκον αὐτοῦ. Ὧν
ἀκούσας τίς οὐκ ἂν εὐσεβεστέραν εἴποι τὴν
λεγομένην ὑπὸ τῶν περὶ Ἐπίκουρον ἀπρονοησίαν τῆς
τοιαύτης προνοίας; Πῶς δὲ συνῳδὰ ἀλλήλοις τὸ ὁμοῦ
μὲν θεὸν λέγειν τὴν εἱμαρμένην καὶ χρῆσθαι τοῖς
οὖσίν τε καὶ γινομένοις ἐν τῷ κόσμῳ ἐπὶ σωτηρίᾳ
αὐτοῦ τε τοῦ κόσμου καὶ τῆς τῶν ἐν αὐτῷ τάξεως,
ὁμοῦ δὲ τοιαῦτα περὶ αὐτῆς λέγειν ὡς παραλαμβάνειν
πρὸς τὰς πράξεις τὰς ἀνοσιωτάτας διὰ τὴν περὶ αὐτὰ
σπουδὴν καὶ τὸν Πύθιον συνεργόν; Ἐπὶ τίνων γὰρ
σωτηρίᾳ ἐροῦσι χρῆσθαι τὴν εἱμαρμένην πατρὸς ὑπὸ
παιδὸς ἀναιρέσει καὶ γάμῳ μητρὸς καὶ παιδὸς ἀνοσίῳ
καὶ γενέσει παίδων ἀδελφῶν καὶ πατρί; Τί τῆς ἐν
κόσμῳ διοικήσεως ἐκ τούτων ἔχειν εὔλογον τὴν
σωτηρίαν, ὡς καὶ τὸν Ἀπόλλω φοβεῖσθαι μή τι
παρέλθῃ τούτων ἄπρακτον; Πότερον ἐμπόδια μὴ
γινόμενα τῇ τῶν ἀνθρώπων κατὰ πόλεις τε καὶ
νόμους οἰκήσει, ἢ τῇ τῶν στοιχείων τοῦ κόσμου
σωτηρίᾳ, ἢ τῇ τῶν θείων εὐτάκτῳ τε καὶ ἀιδίῳ
περιφορᾷ ἢ τίνι τῶν ἐξ ὧν τὸν κόσμον συνεστάναι τε
καὶ διοικεῖσθαι κατὰ λόγον συμβέβηκεν; Δῆλον δ' ὅτι,
κἂν ἄλλον τινὰ μῦθον πάλιν ἀκούσωσιν παρά τινος
τῶν τραγῳδοποιῶν, οἷς ἔργον τὰ τοιαῦτα πλάσματα,
ἢ γυναῖκά τινα διὰ ζηλοτυπίαν ἐπιβουλεύσασαν μὲν
ἀλλοτρίοις τέκνοις, ἀποκτείνασαν δὲ τὰ ἑαυτῆς, ἢ
Θυέστην τινὰ δυστυχῆ γέροντα τῶν σαρκῶν τῶν
παίδων αὐτοῦ ἐσθίοντα Ἀτρέως τινὸς ἀδελφοῦ
τοιαύτην παραθέντος αὐτῷ τράπεζαν, πιστεύουσί τε
τοῖς μύθοις ὡς γεγονόσι καὶ τὴν εἱμαρμένην τε καὶ
πρόνοιαν δι' αὐτῶν κατασκευάζουσιν, ὥσπερ ἔργον
ποιούμενοι ἃ βούλονται κατασκευάζειν δι' αὐτῶν τῶν
κατασκευῶν ἀναιρεῖν. Καίτοι μακρῷ βέλτιον ἂν ἦν
καὶ εὐγνωμονέστερον ἀναιρεῖν τὰς ὑποθέσεις διὰ τὴν
τῶν ἑπομένων αὐταῖς ἀτοπίαν, ἢ τοῖς οὕτως ἀτόποις
διὰ τὰς ὑποθέσεις παρίστασθαι. Οἱ δὲ καὶ πιστεύουσιν
τοῖς ἀτοπωτάτοις ῥᾳδίως καὶ τοῦ κατὰ λόγον αὐτὰ
γενέσθαι αἰτίας τινὰς λέγειν οὐκ ὀκνοῦσιν.
| [31] CHAPITRE XXXI.
Qu’on se place à notre point de vue, et on reconnaîtra
que nous n’abolissons pas davantage l’utilité qu’offre
aux hommes la divination, et qui consiste en ce qu’il est
possible de prendre des précautions qu’on n’aurait pas
prises sans les avertissements de la Divinité. Or nos
adversaires, qui exaltent la divination et qui prétendent
qu’elle ne peut être maintenue que par leurs seules
maximes, en un mot, par cette créance que tout arrive
fatalement; nos adversaires sont non seulement dans
une erreur absolue, mais en viennent à avancer
relativement aux Dieux les énonciations les plus
déplacées et d’une parfaite inconvenance. Comment, en
effet, ne pas trouver absurde ce qu’ils disent des Dieux?
Pourquoi, remarquent ceux qui refusent d’accepter leurs
doctrines, pourquoi, si tout ce qui arrive arrive
nécessairement, les oracles rendus au nom des Dieux
ressemblent-ils à des conseils, qui permettent à ceux qui
les écoutent de prendre certaines précautions et d’y
conformer leur conduite? Et que signifie, par exemple,
l’oracle rendu à Laïus, par lequel Apollon Pythien lui
apprend qu’il ne lui faut pas avoir d’enfant:
"Car si tu engendres un enfant, cet enfant t’assassinera,
Et toute ta maison sera baignée dans le sang".
Nos adversaires répondent, ainsi que l’attestent leurs
écrits, que si Apollon rendit cet oracle, ce n’est pas
qu’il ignorât qu’il ne serait point obéi (car il le savait
très bien); mais c’est qu’à moins qu’il n’eût rendu un
pareil oracle, rien ne serait arrivé de ce qui détermine la
péripétie où se trouvent enveloppés Laïus et OEdipe.
Laïus n’aurait point exposé, comme il le fit, l’enfant qui
lui naquit; l’enfant n’aurait pas été emporté par un
bouvier, puis adopté par le Corinthien Polybe; enfin,
devenu homme, il n’aurait point rencontré Laïus sur la
route, et ne le connaissant pas non plus qu’il n’en était
connu, il ne lui aurait pas donné la mort. Effectivement,
qu’on suppose OEdipe élevé comme un fils au foyer
domestique, il n’aurait pas méconnu les auteurs de ses
jours au point de tuer son père et d’épouser sa mère.
Afin donc que tous ces événements restassent assurés et
que le drame de la destinée s’accomplit, le Dieu fit par
son oracle que Laïus s’imagina qu’il pourrait se garantir
de ce qui lui avait été prédit. En conséquence celui-ci,
après avoir procréé un fils dans un moment d’ivresse,
exposa l’enfant qui lui était né, parce qu’il vit en lui un
meurtrier futur, et cette exposition devint la cause de
fables abominables. Or, comment accorder que tenir un
pareil langage, ce soit ou bien défendre la divination, ou
inculquer envers les Dieux des principes de piété, ou
montrer que l’art divinatoire a quelque utilité? il semble
que la divination soit simplement la prédiction de ce qui
doit advenir; nos adversaires, au contraire, font Apollon
auteur de ce qu’il prédit. Comment, en effet, ce qui ne
serait pas arrivé si le Dieu n’avait point rendu un tel
oracle, et ce qu’il a annoncé par un oracle uniquement
pour que ce qui est arrivé ensuite arrivât; comment ne
point considérer cela comme l’œuvre du Dieu qui a
rendu l’oracle, plutôt que comme une prédiction de
l’avenir? S’il faut d’ailleurs que les Dieux aient plus de
puissance que les autres devins, en ce sens qu’ils
concourent à la production de ce qui doit advenir, et
c’est ce que les poètes ne cessent de célébrer à la
louange des Dieux en répétant que ce sont eux qui
donnent les biens; en quoi, je le demande, si l’on s’en
tient aux assertions de nos adversaires, en quoi Apollon
Pythien a-t-il été pour Laïus d’un utile concours? Le
Dieu fait effectivement tous ses efforts et dispose toutes
choses de telle sorte que la maison de Laïus n’échappe
à rien de ce qu’il y a de plus impie et de plus impur. A
entendre de semblables récits, il n’y a certainement
personne qui ne déclarât que l’insouciance qu’Épicure
attribue aux Dieux inspire bien plus de piété qu’une
pareille providence. Cependant, comment concilier
entre elles ces affirmations qui consistent à dire à la
fois, d’une part, que la divinité est le destin, et qu’elle
se sert de ce qui est et de ce qui se produit dans le
monde pour la conservation même du monde et de
l’ordre qui est dans le monde; d’autre part, que le destin
emploie pour l’accomplissement des actions les plus
détestables, à cause de l’intérêt qu’il prend à ces
actions, le concours même d’Apollon Pythien? Que nos
adversaires nous apprennent, en effet, ce que le destin
se proposait de conserver à l’aide du meurtre du père
par le fils, du mariage impur de la mère et de l’enfant,
d’une génération où le père est le frère de ceux qu’il
engendre? En quoi est-il raisonnable de penser que de
tels faits importaient à la conservation de l’ordre du
monde, à ce point qu’Apollon dût craindre qu’un de ces
faits ne manquât de s’accomplir? Ou encore, en quoi,
s’ils ne se fussent pas accomplis, ces faits eussent-ils
été des empêchements à l’existence des hommes et
dans les villes et dans les champs, ou à la conservation
des éléments du monde, ou au cours réglé et éternel des
corps divins, ou à quoi que ce soit enfin de ce qui fonde
la constitution de l’univers et son arrangement?
Évidemment, si nos adversaires viennent à entendre
exposer quelque autre fable de ce genre par un de ces
tragiques qui font métier d’imaginer ces sortes de
fictions; si on leur parle, par exemple, d’une femme
qui, éperdue de jalousie, dresse des embûches à des
enfants étrangers et égorge ses propres enfants; ou d’un
Thyeste, vieillard infortuné, qui se nourrit de la chair de
ses propres fils, qu’un Atrée son frère lui sert dans un
affreux festin; évidemment nos adversaires tiendront
ces fables pour autant de réalités, et en prendront
occasion d’établir le destin et la providence tels qu’ils
se les figurent, comme s’ils se proposaient de ruiner ce
qu’ils veulent établir, par cela même qu’ils emploient
pour l’établir. Il serait sans contredit de beaucoup
préférable et infiniment plus sensé de répudier ces
fables à cause de l’absurdité de leurs conséquences, que
de chercher à soutenir, à cause de ces fables, de
flagrantes absurdités. Mais nos adversaires ajoutent
aisément foi aux inepties les plus grossières, et
n’hésitent point à invoquer des motifs pour prouver que
la raison voulait que ces absurdités eussent lieu.
|