[3,3,10] (10) Ἔτι δ' ὁρῶν ὅτι φιλοτίμως ἔχοντες ἐν οἷς
ἀντηγωνίζοντο πολλοὶ καὶ ἐπιφθόνως εἶχον πρὸς ἀλλήλους
τῶν στρατιωτῶν, καὶ τούτων ἕνεκα ἐξάγειν αὐτοὺς
ἐβούλετο εἰς τὴν πολεμίαν ὡς τάχιστα, εἰδὼς ὅτι
οἱ κοινοὶ κίνδυνοι φιλοφρόνως ποιοῦσιν ἔχειν
τοὺς συμμάχους πρὸς ἀλλήλους, καὶ οὐκέτι ἐν
τούτῳ οὔτε τοῖς ἐν ὅπλοις κοσμουμένοις
φθονοῦσιν οὔτε τοῖς δόξης ἐφιεμένοις, ἀλλὰ
μᾶλλον καὶ ἐπαινοῦσι καὶ ἀσπάζονται οἱ
τοιοῦτοι τοὺς ὁμοίους, νομίζοντες συνεργοὺς
αὐτοὺς τοῦ κοινοῦ ἀγαθοῦ εἶναι. (11) Οὕτω δὴ
πρῶτον μὲν ἐξώπλισε τὴν στρατιὰν καὶ
κατέταξεν ὡς ἐδύνατο κάλλιστά τε καὶ ἄριστα,
ἔπειτα δὲ συνεκάλεσε μυριάρχους καὶ
χιλιάρχους καὶ ταξιάρχους καὶ λοχαγούς. Οὗτοι
γὰρ ἀπολελυμένοι ἦσαν τοῦ καταλέγεσθαι ἐν
τοῖς τακτικοῖς ἀριθμοῖς, καὶ ὁπότε δέοι ἢ
ὑπακούειν τῷ στρατηγῷ ἢ παραγγέλλειν τι,
οὐδ' ὣς οὐδὲν ἄναρχον κατελείπετο, ἀλλὰ
δωδεκαδάρχοις καὶ ἑξαδάρχοις πάντα τὰ
καταλειπόμενα διεκοσμεῖτο.
(12) Ἐπεὶ δὲ συνῆλθον οἱ ἐπικαίριοι, παράγων
αὐτοὺς ἐπεδείκνυέ τε αὐτοῖς τὰ καλῶς ἔχοντα
καὶ ἐδίδασκεν ᾗ ἕκαστον ἰσχυρὸν ἦν τῶν
συμμαχικῶν. Ἐπεὶ δὲ κἀκείνους ἐποίησεν
ἐρωτικῶς ἔχειν τοῦ ἤδη ποιεῖν τι, εἶπεν αὐτοῖς
νῦν μὲν ἀπιέναι ἐπὶ τὰς τάξεις καὶ διδάσκειν
ἕκαστον τοὺς ἑαυτοῦ ἅπερ αὐτὸς ἐκείνους, καὶ
πειρᾶσθαι αὐτοὺς ἐπιθυμίαν ἐμβαλεῖν πᾶσι τοῦ
στρατεύεσθαι, ὅπως εὐθυμότατα πάντες
ἐξορμῷντο, πρῲ δὲ παρεῖναι ἐπὶ τὰς Κυαξάρου
θύρας. (13) Τότε μὲν δὴ ἀπιόντες οὕτω πάντες
ἐποίουν. Τῇ δ' ὑστεραίᾳ ἅμα τῇ ἡμέρᾳ παρῆσαν
οἱ ἐπικαίριοι ἐπὶ θύραις. σὺν τούτοις οὖν ὁ
Κῦρος εἰσελθὼν πρὸς τὸν Κυαξάρην ἤρχετο
λόγου τοιοῦδε.
- « Οἶδα μέν, » ἔφη, « ὦ Κυαξάρη, ὅτι ἃ μέλλω
λέγειν σοὶ πάλαι δοκεῖ οὐδὲν ἧττον ἢ ἡμῖν· ἀλλ'
ἴσως αἰσχύνῃ λέγειν ταῦτα, μὴ δοκῇς
ἀχθόμενος ὅτι τρέφεις ἡμᾶς ἐξόδου μεμνῆσθαι.
(14) Ἐπεὶ οὖν σὺ σιωπᾷς, ἐγὼ λέξω καὶ ὑπὲρ σοῦ
καὶ ὑπὲρ ἡμῶν. Ἡμῖν γὰρ δοκεῖ πᾶσιν, ἐπείπερ
παρεσκευάσμεθα, μὴ ἐπειδὰν ἐμβάλωσιν οἱ
πολέμιοι εἰς τὴν σὴν χώραν, τότε μάχεσθαι,
μηδ' ἐν τῇ φιλίᾳ καθημένους ἡμᾶς ὑπομένειν,
ἀλλ' ἰέναι ὡς τάχιστα εἰς τὴν πολεμίαν.
(15) Νῦν μὲν γὰρ ἐν τῇ σῇ χώρᾳ ὄντες πολλὰ τῶν σῶν
σινόμεθα ἄκοντες· ἢν δ' εἰς τὴν πολεμίαν ἴωμεν,
τὰ ἐκείνων κακῶς ποιήσομεν ἡδόμενοι.
(16) Ἔπειτα νῦν μὲν σὺ ἡμᾶς τρέφεις πολλὰ
δαπανῶν, ἢν δ' ἐκστρατευσώμεθα, θρεψόμεθα
ἐκ τῆς πολεμίας. (17) Ἔτι δὲ εἰ μὲν μείζων τις
ἡμῖν ὁ κίνδυνος ἔμελλεν εἶναι ἐκεῖ ἢ ἐνθάδε,
ἴσως τὸ ἀσφαλέστατον ἦν αἱρετέον. Νῦν δὲ ἴσοι
μὲν ἐκεῖνοι ἔσονται, ἤν τε ἐνθάδε ὑπομένωμεν
ἤν τε εἰς τὴν ἐκείνων ἰόντες ὑπαντῶμεν αὐτοῖς·
ἴσοι δὲ ἡμεῖς ὄντες μαχούμεθα, ἤν τε ἐνθάδε
ἐπιόντας αὐτοὺς δεχώμεθα ἤν τε ἐπ' ἐκείνους
ἰόντες τὴν μάχην συνάπτωμεν. (18) Πολὺ μέντοι
ἡμεῖς βελτίοσι καὶ ἐρρωμενεστέραις ταῖς ψυχαῖς
τῶν στρατιωτῶν χρησόμεθα, ἢν ἴωμεν ἐπὶ τοὺς
ἐχθροὺς καὶ μὴ ἄκοντες ὁρᾶν δοκῶμεν τοὺς
πολεμίους· πολὺ δὲ κἀκεῖνοι μᾶλλον ἡμᾶς
φοβήσονται, ὅταν ἀκούσωσιν ὅτι οὐ
φοβούμενοι πτήσσομεν αὐτοὺς οἴκοι
καθήμενοι, ἀλλ' ἐπεὶ αἰσθανόμεθα προσιόντας,
ἀπαντῶμέν τε αὐτοῖς, ἵν' ὡς τάχιστα
συμμείξωμεν, καὶ οὐκ ἀναμένομεν ἕως ἂν ἡ
ἡμετέρα χώρα κακῶται, ἀλλὰ φθάνοντες ἤδη
δῃοῦμεν τὴν ἐκείνων γῆν. (19) Καίτοι, ἔφη, εἴ τι
ἐκείνους μὲν φοβερωτέρους ποιήσομεν, ἡμᾶς δ'
αὐτοὺς θαρραλεωτέρους, πολὺ τοῦτο ἡμῖν ἐγὼ
πλεονέκτημα νομίζω, καὶ τὸν κίνδυνον οὕτως
ἡμῖν μὲν ἐλάττω λογίζομαι, τοῖς δὲ πολεμίοις
μείζω. Πολὺ γὰρ μᾶλλον, καὶ ὁ πατὴρ αἰεὶ λέγει
καὶ σὺ φῄς, καὶ οἱ ἄλλοι δὲ πάντες ὁμολογοῦσιν
ὡς αἱ μάχαι κρίνονται μᾶλλον ταῖς ψυχαῖς ἢ
ταῖς τῶν σωμάτων ῥώμαις. »
| [3,3,10] (10) Il voyait d’ailleurs que la rivalité que les concours excitaient chez
les soldats dégénérait souvent en jalousie.
En conséquence, il prit le parti de les conduire le plus tôt possible en pays
ennemi. Il savait que la communauté de périls développe entre les
compagnons d’armes des sentiments d’amitié, et qu’alors ceux qui
sont revêtus de belles armes ou qui sont passionnés pour la gloire, au lieu
d’être jalousés, sont au contraire loués et aimés de leurs pareils, qui ne
voient plus en eux que des collaborateurs au bien général. (11) En
conséquence, il fit d’abord armer ses soldats de pied en cap, les rangea
dans l’ordre le plus beau et le meilleur ; puis il convoqua les myriarques,
les chiliarques, les taxiarques et les lochages ; ces officiers en effet
n’étaient pas comptés dans la revue des formations tactiques ; quand ils
devaient ou se rendre à l’appel du général ou transmettre un de ses
ordres, les troupes néanmoins ne manquaient pas de chefs ; car
c’étaient les douzainiers et les sizainiers qui rangeaient celles qui étaient
laissées sans commandement.
(12) Quand les officiers supérieurs furent réunis, il les mena le long des
rangs, leur faisant voir ce qu’il trouvait bien et leur expliquant ce qui
faisait la force de chacun des corps alliés. Quand il leur eut fait partager
son ardeur de tenter immédiatement le combat, il leur dit de s’en
retourner vers leurs troupes, d’instruire chacun ses hommes de ce qu’il
venait de leur montrer et de tâcher de leur inspirer à tous le désir
d’entrer en campagne, afin de partir tous allègrement, enfin de se
présenter le lendemain aux portes de Cyaxare. (13) Alors ils se retirèrent
et firent tous ce qu’on leur avait dit. Le lendemain, au point du jour, les
officiers supérieurs se trouvèrent devant le palais. Cyrus entra avec eux
chez Cyaxare et tint à peu près ce discours : «Je suis sûr, Cyaxare, que
ce que je vais dire, tu le penses tout comme nous depuis longtemps ; mais
tu crains sans doute de paraître las de nous nourrir, et c’est la raison
pour laquelle tu ne parles pas de sortir de la Médie. (14) Puis donc que tu
gardes le silence, c’est moi qui parlerai et pour toi et pour nous. Nous
sommes en effet tous d’avis, puisque nous sommes prêts, qu’il ne faut
pas attendre pour combattre que l’ennemi ait envahi ton pays, ni
demeurer sans rien faire en pays ami, mais entrer le plus tôt possible sur
le territoire ennemi. (15) Car, en restant sur tes terres, nous y causons
involontairement beaucoup de dégâts, tandis que, si nous pénétrons chez
l’ennemi, c’est à lui que nous ferons du mal, et avec joie. (16) En outre,
en ce moment, il t’en coûte beaucoup pour nous entretenir ; mais si nous
sortons d’ici, nous vivrons aux dépens du pays ennemi. (17) Et sans
doute, si le danger devait être plus grand pour nous là-bas qu’ici, il
faudrait embrasser le parti le plus sûr ; mais, en réalité, nos ennemis ne
changeront pas, que nous les attendions ici ou que, envahissant leur pays,
nous allions à leur rencontre ; et nous, nous serons les mêmes dans les
combats, soit que nous attendions ici leur attaque, soit qu’envahissant
leur pays, nous y engagions la bataille. (18) Il n’en est pas moins certain
que nous aurons des soldats beaucoup meilleurs et plus solides, si nous
marchons contre l’ennemi et que nous n’ayons pas l’air de le voir
malgré nous ; lui, de son côté, nous craindra bien davantage, quand il
apprendra que la peur ne nous tient pas blottis et immobiles chez nous,
mais qu’à l’annonce de son approche, nous volons audevant de lui
pour engager au plus vite le combat, et que nous n’attendons pas que
notre territoire soit ravagé, mais que prenant les devants nous ravageons
le leur. (19) Certes, ajouta-t-il, si nous les rendons plus craintifs et nous
plus confiants, j’imagine que ce ne sera pas un mince avantage pour
nous, et je calcule que, dans de telles dispositions, le danger sera moindre
pour nous, pour eux beaucoup plus grand. Car c’est par la force
d’âme, — je l’ai toujours entendu dire à mon père, tu le dis toi-même et
tout le monde en convient, — que les batailles se décident, beaucoup plus
que par la force du corps.»
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