HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

Thucydide, Histoire de la Guerre du Péloponnèse, livre III

Chapitre 37-38

  Chapitre 37-38

[3,37] ᾿Πολλάκις μὲν ἤδη ἔγωγε καὶ ἄλλοτε ἔγνων δημοκρατίαν ὅτι ἀδύνατόν ἐστιν ἑτέρων ἄρχειν, μάλιστα δ᾿ ἐν τῇ νῦν ὑμετέρᾳ περὶ Μυτιληναίων μεταμελείᾳ. διὰ γὰρ τὸ καθ᾿ ἡμέραν ἀδεὲς καὶ ἀνεπιβούλευτον πρὸς ἀλλήλους καὶ ἐς τοὺς ξυμμάχους τὸ αὐτὸ ἔχετε, καὶ ὅτι ἂν λόγῳ πεισθέντες ὑπ᾿ αὐτῶν ἁμάρτητε οἴκτῳ ἐνδῶτε, οὐκ ἐπικινδύνως ἡγεῖσθε ἐς ὑμᾶς καὶ οὐκ ἐς τὴν τῶν ξυμμάχων χάριν μαλακίζεσθαι, οὐ σκοποῦντες ὅτι τυραννίδα ἔχετε τὴν ἀρχὴν καὶ πρὸς ἐπιβουλεύοντας αὐτοὺς καὶ ἄκοντας ἀρχομένους, οἳ οὐκ ἐξ ὧν ἂν χαρίζησθε βλαπτόμενοι αὐτοὶ ἀκροῶνται ὑμῶν, ἀλλ᾿ ἐξ ὧν ἂν ἰσχύι μᾶλλον τῇ ἐκείνων εὐνοίᾳ περιγένησθε. πάντων δὲ δεινότατον εἰ βέβαιον ἡμῖν μηδὲν καθεστήξει ὧν ἂν δόξῃ πέρι, μηδὲ γνωσόμεθα ὅτι χείροσι νόμοις ἀκινήτοις χρωμένη πόλις κρείσσων ἐστὶν καλῶς ἔχουσιν ἀκύροις, ἀμαθία τε μετὰ σωφροσύνης ὠφελιμώτερον δεξιότης μετὰ ἀκολασίας, οἵ τε φαυλότεροι τῶν ἀνθρώπων πρὸς τοὺς ξυνετωτέρους ὡς ἐπὶ τὸ πλέον ἄμεινον οἰκοῦσι τὰς πόλεις. οἱ μὲν γὰρ τῶν τε νόμων σοφώτεροι βούλονται φαίνεσθαι τῶν τε αἰεὶ λεγομένων ἐς τὸ κοινὸν περιγίγνεσθαι, ὡς ἐν ἄλλοις μείζοσιν οὐκ ἂν δηλώσαντες τὴν γνώμην, καὶ ἐκ τοῦ τοιούτου τὰ πολλὰ σφάλλουσι τὰς πόλεις· οἱ δ᾿ ἀπιστοῦντες τῇ ἐξ αὑτῶν ξυνέσει ἀμαθέστεροι μὲν τῶν νόμων ἀξιοῦσιν εἶναι, ἀδυνατώτεροι δὲ τοῦ καλῶς εἰπόντος μέμψασθαι λόγον, κριταὶ δὲ ὄντες ἀπὸ τοῦ ἴσου μᾶλλον ἀγωνισταὶ ὀρθοῦνται τὰ πλείω. ὣς οὖν χρὴ καὶ ἡμᾶς ποιοῦντας μὴ δεινότητι καὶ ξυνέσεως ἀγῶνι ἐπαιρομένους παρὰ δόξαν τῷ ὑμετέρῳ πλήθει παραινεῖν. [3,37] XXXVII. - "J'ai déjà eu maintes fois l'occasion de constater qu'un État démocratique est incapable de commander à d'autres ; votre repentir actuel sur l'affaire de Mytilène me le prouve une fois de plus. Parce que dans vos relations quotidiennes, vous n'usez ni d'intimidation ni d'intrigue, vous vous comportez de la même manière envers vos alliés. Les fautes que vous commettez en vous laissant séduire par leurs belles paroles, les concessions que la pitié vous fait leur accorder, sont là autant de marques de faiblesse que vous pensez sans danger pour vous, mais qui ne vous attirent pas leur reconnaissance. Vous ne songez pas que votre pouvoir est en réalité une tyrannie sur des gens prêts à la révolte ; vous ne songez pas qu'ils acceptent de mauvais gré votre domination, que ce ne sont pas vos complaisances, dangereuses pour vous, qui vous valent leur obéissance ; ce qui assure votre supériorité, c'est votre force et non leur déférence. La chose la plus redoutable, c'est l'incertitude perpétuelle de vos décisions ; c'est l'ignorance de ce principe : il vaut mieux pour un État avoir des lois mauvaises mais inflexibles, que d'en avoir de bonnes qui n'aient aucune efficacité ; l'ignorance qui s'accompagne de juste mesure vaut mieux que l'habileté qui s'accompagne de licence. Un gouvernement de gens médiocres est préférable en général à un gouvernement d'esprits supérieurs. Ces derniers veulent se montrer plus sages que les lois et l'emporter perpétuellement dans les délibérations politiques ; ils se disent qu'ils n'ont pas de plus belles occasions de montrer leurs capacités. Voilà ce qui perd surtout les Etats. Les premiers au contraire se défient de leur intelligence et ne croient pas en savoir plus que les lois. Incapables de critiquer les paroles d'un orateur éloquent, ils sont des juges équitables plutôt que des rivaux de tribune et le plus souvent ils gouvernent mieux. Voici ce que nous devons faire nous aussi : renonçant à des luttes propres à faire briller notre talent oratoire et notre génie, il nous faut éviter de vous donner à vous, la masse, des conseils contraires à l'opinion généralement approuvée.
[3,38] ᾿Ἐγὼ μὲν οὖν αὐτός εἰμι τῇ γνώμῃ καὶ θαυμάζω μὲν τῶν προθέντων αὖθις περὶ Μυτιληναίων λέγειν καὶ χρόνου διατριβὴν ἐμποιησάντων, ἐστι πρὸς τῶν ἠδικηκότων μᾶλλον ( γὰρ παθὼν τῷ δράσαντι ἀμβλυτέρᾳ τῇ ὀργῇ ἐπεξέρχεται, ἀμύνεσθαι δὲ τῷ παθεῖν ὅτι ἐγγυτάτω κείμενον ἀντίπαλον ὂν μάλιστα τὴν τιμωρίαν ἀναλαμβάνει), θαυμάζω δὲ καὶ ὅστις ἔσται ἀντερῶν καὶ ἀξιώσων ἀποφαίνειν τὰς μὲν Μυτιληναίων ἀδικίας ἡμῖν ὠφελίμους οὔσας, τὰς δ᾿ ἡμετέρας ξυμφορὰς τοῖς ξυμμάχοις βλάβας καθισταμένας. καὶ δῆλον ὅτι τῷ λέγειν πιστεύσας τὸ πάνυ δοκοῦν ἀνταποφῆναι ὡς οὐκ ἔγνωσται ἀγωνίσαιτ᾿ ἄν, κέρδει ἐπαιρόμενος τὸ εὐπρεπὲς τοῦ λόγου ἐκπονήσας παράγειν πειράσεται. δὲ πόλις ἐκ τῶν τοιῶνδε ἀγώνων τὰ μὲν ἆθλα ἑτέροις δίδωσιν, αὐτὴ δὲ τοὺς κινδύνους ἀναφέρει. αἴτιοι δ᾿ ὑμεῖς κακῶς ἀγωνοθετοῦντες, οἵτινες εἰώθατε θεαταὶ μὲν τῶν λόγων γίγνεσθαι, ἀκροαταὶ δὲ τῶν ἔργων, τὰ μὲν μέλλοντα ἔργα ἀπὸ τῶν εὖ εἰπόντων σκοποῦντες ὡς δυνατὰ γίγνεσθαι, τὰ δὲ πεπραγμένα ἤδη, οὐ τὸ δρασθὲν πιστότερον ὄψει λαβόντες τὸ ἀκουσθέν, ἀπὸ τῶν λόγῳ καλῶς ἐπιτιμησάντων· καὶ μετὰ καινότητος μὲν λόγου ἀπατᾶσθαι ἄριστοι, μετὰ δεδοκιμασμένου δὲ μὴ ξυνέπεσθαι ἐθέλειν, δοῦλοι ὄντες τῶν αἰεὶ ἀτόπων, ὑπερόπται δὲ τῶν εἰωθότων, καὶ μάλιστα μὲν αὐτὸς εἰπεῖν ἕκαστος βουλόμενος δύνασθαι, εἰ δὲ μή, ἀνταγωνιζόμενοι τοῖς τοιαῦτα λέγουσι μὴ ὕστεροι ἀκολουθῆσαι δοκεῖν τῇ γνώμῃ, ὀξέως δέ τι λέγοντος προεπαινέσαι, καὶ προαισθέσθαι τε πρόθυμοι εἶναι τὰ λεγόμενα καὶ προνοῆσαι βραδεῖς τὰ ἐξ αὐτῶν ἀποβησόμενα, ζητοῦντές τε ἄλλο τι ὡς εἰπεῖν ἐν οἷς ζῶμεν, φρονοῦντες δὲ οὐδὲ περὶ τῶν παρόντων ἱκανῶς· ἁπλῶς τε ἀκοῆς ἡδονῇ ἡσσώμενοι καὶ σοφιστῶν θεαταῖς ἐοικότες καθημένοις μᾶλλον περὶ πόλεως βουλευομένοις. [3,38] XXXVIII. - "Pour moi, je maintiens l'avis que j'ai déjà exprimé. Je m'étonne qu'on vous propose de délibérer à nouveau sur l'affaire de Mytilène et qu'on vous fasse perdre ainsi votre temps, pour l'avantage des coupables. Car la colère de la victime contre l'offenseur s'émousse à la longue et, si la riposte à l'offense est immédiate, elle lui est proportionnée et a toutes les chances de tenir sa vengeance. J'admire quiconque voudra me contredire et prétendra soutenir que les crimes des Mytiléniens nous sont profitables et que nos malheurs sont préjudiciables à nos alliés. Évidemment, l'orateur confiant dans son éloquence, déploiera tous ses efforts pour montrer que ce qui a été communément approuvé ne l'a pas été ; ou bien, guidé par l'appât du gain, il mettra en oeuvre toutes les subtilités de langage pour vous donner le change. Si l'État distribue des prix pour ces sortes de combat, lui-même n'en récolte que des dangers. La faute en est à vous qui arbitrez mal ces compétitions, à vous qui êtes d'ordinaire spectateurs de paroles et auditeurs d'actions, à vous qui conjecturez l'avenir d'après les beaux parleurs, comme si ce qu'ils disent devait se réaliser. Vous croyez moins vos yeux que vos oreilles, éblouis que vous êtes par les prestiges de l'éloquence. Vous excellez à vous laisser tromper par la nouveauté des discours, vous refusez de suivre une opinion généralement approuvée. Sans cesse esclaves de toutes les étrangetés et dédaigneux de ce qui est commun ; tous ambitionnant uniquement de briller par le talent oratoire ; sinon rivalisant avec ceux qui le possèdent pour ne pas avoir l'air de suivre l'opinion ; pleins d'empressement à louer les premiers une saillie, prompts à deviner ce qu'on vous dit ; mais bien lents à en prévoir les conséquences ; vous lançant, pour ainsi dire, à la poursuite d'un monde irréel, sans jamais porter un jugement raisonné sur la réalité, bref, victimes du plaisir de l'oreille, vous ressemblez davantage à des spectateurs assis pour contempler des sophistes qu'à des citoyens qui délibèrent sur les affaires de l'État.


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Dernière mise à jour : 19/05/2006