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[3,37] ᾿Πολλάκις μὲν ἤδη ἔγωγε καὶ ἄλλοτε ἔγνων δημοκρατίαν ὅτι
ἀδύνατόν ἐστιν ἑτέρων ἄρχειν, μάλιστα δ᾿ ἐν τῇ νῦν ὑμετέρᾳ περὶ
Μυτιληναίων μεταμελείᾳ. διὰ γὰρ τὸ καθ᾿ ἡμέραν ἀδεὲς καὶ ἀνεπιβούλευτον
πρὸς ἀλλήλους καὶ ἐς τοὺς ξυμμάχους τὸ αὐτὸ ἔχετε, καὶ ὅτι ἂν ἢ λόγῳ
πεισθέντες ὑπ᾿ αὐτῶν ἁμάρτητε ἢ οἴκτῳ ἐνδῶτε, οὐκ ἐπικινδύνως ἡγεῖσθε ἐς
ὑμᾶς καὶ οὐκ ἐς τὴν τῶν ξυμμάχων χάριν μαλακίζεσθαι, οὐ σκοποῦντες ὅτι
τυραννίδα ἔχετε τὴν ἀρχὴν καὶ πρὸς ἐπιβουλεύοντας αὐτοὺς καὶ ἄκοντας
ἀρχομένους, οἳ οὐκ ἐξ ὧν ἂν χαρίζησθε βλαπτόμενοι αὐτοὶ ἀκροῶνται ὑμῶν,
ἀλλ᾿ ἐξ ὧν ἂν ἰσχύι μᾶλλον ἢ τῇ ἐκείνων εὐνοίᾳ περιγένησθε. πάντων δὲ
δεινότατον εἰ βέβαιον ἡμῖν μηδὲν καθεστήξει ὧν ἂν δόξῃ πέρι, μηδὲ
γνωσόμεθα ὅτι χείροσι νόμοις ἀκινήτοις χρωμένη πόλις κρείσσων ἐστὶν ἢ
καλῶς ἔχουσιν ἀκύροις, ἀμαθία τε μετὰ σωφροσύνης ὠφελιμώτερον ἢ
δεξιότης μετὰ ἀκολασίας, οἵ τε φαυλότεροι τῶν ἀνθρώπων πρὸς τοὺς
ξυνετωτέρους ὡς ἐπὶ τὸ πλέον ἄμεινον οἰκοῦσι τὰς πόλεις. οἱ μὲν γὰρ τῶν τε
νόμων σοφώτεροι βούλονται φαίνεσθαι τῶν τε αἰεὶ λεγομένων ἐς τὸ κοινὸν
περιγίγνεσθαι, ὡς ἐν ἄλλοις μείζοσιν οὐκ ἂν δηλώσαντες τὴν γνώμην, καὶ ἐκ
τοῦ τοιούτου τὰ πολλὰ σφάλλουσι τὰς πόλεις· οἱ δ᾿ ἀπιστοῦντες τῇ ἐξ αὑτῶν
ξυνέσει ἀμαθέστεροι μὲν τῶν νόμων ἀξιοῦσιν εἶναι, ἀδυνατώτεροι δὲ τοῦ
καλῶς εἰπόντος μέμψασθαι λόγον, κριταὶ δὲ ὄντες ἀπὸ τοῦ ἴσου μᾶλλον ἢ
ἀγωνισταὶ ὀρθοῦνται τὰ πλείω. ὣς οὖν χρὴ καὶ ἡμᾶς ποιοῦντας μὴ δεινότητι
καὶ ξυνέσεως ἀγῶνι ἐπαιρομένους παρὰ δόξαν τῷ ὑμετέρῳ πλήθει παραινεῖν.
| [3,37] XXXVII. - "J'ai déjà eu maintes fois l'occasion de
constater qu'un État démocratique est incapable de
commander à d'autres ; votre repentir actuel sur
l'affaire de Mytilène me le prouve une fois de plus.
Parce que dans vos relations quotidiennes, vous
n'usez ni d'intimidation ni d'intrigue, vous vous
comportez de la même manière envers vos alliés.
Les fautes que vous commettez en vous laissant
séduire par leurs belles paroles, les concessions
que la pitié vous fait leur accorder, sont là autant
de marques de faiblesse que vous pensez sans
danger pour vous, mais qui ne vous attirent pas
leur reconnaissance. Vous ne songez pas que votre
pouvoir est en réalité une tyrannie sur des gens
prêts à la révolte ; vous ne songez pas qu'ils
acceptent de mauvais gré votre domination, que ce
ne sont pas vos complaisances, dangereuses pour
vous, qui vous valent leur obéissance ; ce qui
assure votre supériorité, c'est votre force et non
leur déférence. La chose la plus redoutable, c'est
l'incertitude perpétuelle de vos décisions ; c'est
l'ignorance de ce principe : il vaut mieux pour un
État avoir des lois mauvaises mais inflexibles, que
d'en avoir de bonnes qui n'aient aucune efficacité ;
l'ignorance qui s'accompagne de juste mesure vaut
mieux que l'habileté qui s'accompagne de licence.
Un gouvernement de gens médiocres est préférable
en général à un gouvernement d'esprits supérieurs.
Ces derniers veulent se montrer plus sages que les
lois et l'emporter perpétuellement dans les
délibérations politiques ; ils se disent qu'ils n'ont
pas de plus belles occasions de montrer leurs
capacités. Voilà ce qui perd surtout les Etats. Les
premiers au contraire se défient de leur intelligence
et ne croient pas en savoir plus que les lois.
Incapables de critiquer les paroles d'un orateur
éloquent, ils sont des juges équitables plutôt que
des rivaux de tribune et le plus souvent ils
gouvernent mieux. Voici ce que nous devons faire
nous aussi : renonçant à des luttes propres à faire
briller notre talent oratoire et notre génie, il nous
faut éviter de vous donner à vous, la masse, des
conseils contraires à l'opinion généralement approuvée.
| [3,38] ᾿Ἐγὼ μὲν οὖν ὁ αὐτός εἰμι τῇ γνώμῃ καὶ θαυμάζω μὲν τῶν
προθέντων αὖθις περὶ Μυτιληναίων λέγειν καὶ χρόνου διατριβὴν
ἐμποιησάντων, ὅ ἐστι πρὸς τῶν ἠδικηκότων μᾶλλον (ὁ γὰρ παθὼν τῷ
δράσαντι ἀμβλυτέρᾳ τῇ ὀργῇ ἐπεξέρχεται, ἀμύνεσθαι δὲ τῷ παθεῖν ὅτι
ἐγγυτάτω κείμενον ἀντίπαλον ὂν μάλιστα τὴν τιμωρίαν ἀναλαμβάνει),
θαυμάζω δὲ καὶ ὅστις ἔσται ὁ ἀντερῶν καὶ ἀξιώσων ἀποφαίνειν τὰς μὲν
Μυτιληναίων ἀδικίας ἡμῖν ὠφελίμους οὔσας, τὰς δ᾿ ἡμετέρας ξυμφορὰς τοῖς
ξυμμάχοις βλάβας καθισταμένας. καὶ δῆλον ὅτι ἢ τῷ λέγειν πιστεύσας τὸ
πάνυ δοκοῦν ἀνταποφῆναι ὡς οὐκ ἔγνωσται ἀγωνίσαιτ᾿ ἄν, ἢ κέρδει
ἐπαιρόμενος τὸ εὐπρεπὲς τοῦ λόγου ἐκπονήσας παράγειν πειράσεται. ἡ δὲ
πόλις ἐκ τῶν τοιῶνδε ἀγώνων τὰ μὲν ἆθλα ἑτέροις δίδωσιν, αὐτὴ δὲ τοὺς
κινδύνους ἀναφέρει. αἴτιοι δ᾿ ὑμεῖς κακῶς ἀγωνοθετοῦντες, οἵτινες εἰώθατε
θεαταὶ μὲν τῶν λόγων γίγνεσθαι, ἀκροαταὶ δὲ τῶν ἔργων, τὰ μὲν μέλλοντα
ἔργα ἀπὸ τῶν εὖ εἰπόντων σκοποῦντες ὡς δυνατὰ γίγνεσθαι, τὰ δὲ
πεπραγμένα ἤδη, οὐ τὸ δρασθὲν πιστότερον ὄψει λαβόντες ἢ τὸ ἀκουσθέν,
ἀπὸ τῶν λόγῳ καλῶς ἐπιτιμησάντων· καὶ μετὰ καινότητος μὲν λόγου
ἀπατᾶσθαι ἄριστοι, μετὰ δεδοκιμασμένου δὲ μὴ ξυνέπεσθαι ἐθέλειν, δοῦλοι
ὄντες τῶν αἰεὶ ἀτόπων, ὑπερόπται δὲ τῶν εἰωθότων, καὶ μάλιστα μὲν αὐτὸς
εἰπεῖν ἕκαστος βουλόμενος δύνασθαι, εἰ δὲ μή, ἀνταγωνιζόμενοι τοῖς τοιαῦτα
λέγουσι μὴ ὕστεροι ἀκολουθῆσαι δοκεῖν τῇ γνώμῃ, ὀξέως δέ τι λέγοντος
προεπαινέσαι, καὶ προαισθέσθαι τε πρόθυμοι εἶναι τὰ λεγόμενα καὶ
προνοῆσαι βραδεῖς τὰ ἐξ αὐτῶν ἀποβησόμενα, ζητοῦντές τε ἄλλο τι ὡς
εἰπεῖν ἢ ἐν οἷς ζῶμεν, φρονοῦντες δὲ οὐδὲ περὶ τῶν παρόντων ἱκανῶς· ἁπλῶς
τε ἀκοῆς ἡδονῇ ἡσσώμενοι καὶ σοφιστῶν θεαταῖς ἐοικότες καθημένοις
μᾶλλον ἢ περὶ πόλεως βουλευομένοις.
| [3,38] XXXVIII. - "Pour moi, je maintiens l'avis que j'ai
déjà exprimé. Je m'étonne qu'on vous propose de
délibérer à nouveau sur l'affaire de Mytilène et
qu'on vous fasse perdre ainsi votre temps, pour
l'avantage des coupables. Car la colère de la
victime contre l'offenseur s'émousse à la longue et,
si la riposte à l'offense est immédiate, elle lui est
proportionnée et a toutes les chances de tenir sa
vengeance. J'admire quiconque voudra me
contredire et prétendra soutenir que les crimes des
Mytiléniens nous sont profitables et que nos
malheurs sont préjudiciables à nos alliés.
Évidemment, l'orateur confiant dans son
éloquence, déploiera tous ses efforts pour montrer
que ce qui a été communément approuvé ne l'a pas
été ; ou bien, guidé par l'appât du gain, il mettra en
oeuvre toutes les subtilités de langage pour vous
donner le change. Si l'État distribue des prix pour
ces sortes de combat, lui-même n'en récolte que
des dangers. La faute en est à vous qui arbitrez
mal ces compétitions, à vous qui êtes d'ordinaire
spectateurs de paroles et auditeurs d'actions, à
vous qui conjecturez l'avenir d'après les beaux
parleurs, comme si ce qu'ils disent devait se
réaliser. Vous croyez moins vos yeux que vos
oreilles, éblouis que vous êtes par les prestiges de
l'éloquence. Vous excellez à vous laisser tromper
par la nouveauté des discours, vous refusez de
suivre une opinion généralement approuvée. Sans
cesse esclaves de toutes les étrangetés et
dédaigneux de ce qui est commun ; tous
ambitionnant uniquement de briller par le talent
oratoire ; sinon rivalisant avec ceux qui le
possèdent pour ne pas avoir l'air de suivre l'opinion
; pleins d'empressement à louer les premiers une
saillie, prompts à deviner ce qu'on vous dit ; mais
bien lents à en prévoir les conséquences ; vous
lançant, pour ainsi dire, à la poursuite d'un monde
irréel, sans jamais porter un jugement raisonné sur
la réalité, bref, victimes du plaisir de l'oreille, vous
ressemblez davantage à des spectateurs assis pour
contempler des sophistes qu'à des citoyens qui
délibèrent sur les affaires de l'État.
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