[1,29] κθʹ. Ὅτι διαφέρει ἡ σκεπτικὴ ἀγωγὴ τῆς Ἡρακλειτείου φιλοσοφίας.
Ὅτι μὲν οὖν αὕτη διαφέρει τῆς ἡμετέρας ἀγωγῆς, πρόδηλον· ὁ μὲν γὰρ
Ἡράκλειτος περὶ πολλῶν ἀδήλων ἀποφαίνεται δογματικῶς, ἡμεῖς δ´ οὐχί,
καθάπερ εἴρηται.
Ἐπεὶ δὲ οἱ περὶ τὸν Αἰνησίδημον ἔλεγον ὁδὸν εἶναι τὴν σκεπτικὴν ἀγωγὴν ἐπὶ
τὴν Ἡρακλείτειον φιλοσοφίαν, διότι προηγεῖται τοῦ τἀναντία περὶ τὸ αὐτὸ
ὑπάρχειν τὸ τἀναντία περὶ τὸ αὐτὸ φαίνεσθαι, καὶ οἱ μὲν σκεπτικοὶ
φαίνεσθαι λέγουσι τὰ ἐναντία περὶ τὸ αὐτό, οἱ δὲ Ἡρακλείτειοι ἀπὸ τούτου
καὶ ἐπὶ τὸ ὑπάρχειν αὐτὰ μετέρχονται,
φαμὲν πρὸς τούτους, ὅτι τὸ τὰ ἐναντία περὶ τὸ αὐτὸ φαίνεσθαι οὐ δόγμα ἐστὶ
τῶν σκεπτικῶν ἀλλὰ πρᾶγμα οὐ μόνον τοῖς σκεπτικοῖς ἀλλὰ καὶ τοῖς ἄλλοις
φιλοσόφοις καὶ πᾶσιν ἀνθρώποις ὑποπίπτον· οὐδεὶς γοῦν τολμήσαι ἂν εἰπεῖν
ὅτι τὸ μέλι οὐ γλυκάζει τοὺς ὑγιαίνοντας ἢ ὅτι τοὺς ἰκτερικοὺς οὐ
πικράζει, ὥστε ἀπὸ κοινῆς τῶν ἀνθρώπων προλήψεως ἄρχονται οἱ Ἡρακλείτειοι,
καθάπερ καὶ ἡμεῖς, ἴσως δὲ καὶ αἱ ἄλλαι φιλοσοφίαι. Διόπερ εἰ μὲν ἀπό
τινος τῶν σκεπτικῶς λεγομένων ἐλάμβανον τὸ τἀναντία περὶ τὸ αὐτὸ
ὑποκεῖσθαι, οἷον τοῦ « πάντα ἐστὶν ἀκατάληπτα » ἢ τοῦ « οὐδὲν ὁρίζω » ἤ
τινος τῶν παραπλησίων, ἴσως ἂν συνῆγον ὃ λέγουσιν· ἐπεὶ δὲ ἀρχὰς ἔχουσιν
οὐ μόνον ἡμῖν ἀλλὰ καὶ τοῖς ἄλλοις φιλοσόφοις καὶ τῷ βίῳ ὑποπιπτούσας, τί
μᾶλλον τὴν ἡμετέραν ἀγωγὴν ἢ ἑκάστην τῶν ἄλλων φιλοσοφιῶν ἢ καὶ τὸν βίον
ὁδὸν ἐπὶ τὴν Ἡρακλείτειον φιλοσοφίαν εἶναι λέγοι τις ἄν, ἐπειδὴ πάντες
κοιναῖς ὕλαις κεχρήμεθα;
Μήποτε δὲ οὐ μόνον οὐ συνεργεῖ πρὸς τὴν γνῶσιν τῆς Ἡρακλειτείου φιλοσοφίας
ἡ σκεπτικὴ ἀγωγή, ἀλλὰ καὶ ἀποσυνεργεῖ, εἴγε ὁ σκεπτικὸς πάντα τὰ ὑπὸ τοῦ
Ἡρακλείτου δογματιζόμενα ὡς προπετῶς λεγόμενα διαβάλλει, ἐναντιούμενος μὲν
τῇ ἐκπυρώσει, ἐναντιούμενος δὲ τῷ τὰ ἐναντία περὶ τὸ αὐτὸ ὑπάρχειν, καὶ
ἐπὶ παντὸς δόγματος τοῦ Ἡρακλείτου τὴν μὲν δογματικὴν προπέτειαν διασύρων,
τὸ δὲ « οὐ καταλαμβάνω » καὶ τὸ « οὐδὲν ὁρίζω » ἐπιφθεγγόμενος, ὡς ἔφην
ἔμπροσθεν· ὅπερ μάχεται τοῖς Ἡρακλειτείοις. Ἄτοπον δέ ἐστι τὸ τὴν
μαχομένην ἀγωγὴν ὁδὸν εἶναι λέγειν τῆς αἱρέσεως ἐκείνης ᾗ μάχεται· ἄτοπον
ἄρα τὸ τὴν σκεπτικὴν ἀγωγὴν ἐπὶ τὴν Ἡρακλείτειον φιλοσοφίαν ὁδὸν εἶναι
λέγειν.
| [1,29] Chap. XXIX. Que la philosophie sceptique est différente de celle d'Héraclite.
Il est évident que la philosophie d'Héraclite est différente de la nôtre ;
car Héraclite décide dogmatiquement sur plusieurs choses obscures, ce que
nous ne faisons pas, comme il a été dit ci-dessus.
Il est vrai qu'Enésidéme disait que le scepticisme était une espèce
d'introduction à la philosophie d'Héraclite; parce que, selon lui, avant
que de dire qu'un même sujet admet des contrariétés, il faut qu'il
paraisse qu'il admet ces contrariétés. Or les sceptiques disent qu'il
paraît qu'un même sujet admet des qualités contraires; et les disciples
d'Héraclite, vont depuis là jusqu'à dire, qu'il les admet effectivement.
Mais nous répondons à ceux qui raisonnent ainsi, que, quand on dit qu'un
même sujet paraît être susceptible de qualités contraires, ce n'est pas là
un dogme des sceptiques, mais c'est une chose qui se fait sentir, et aux
sceptiques, et aux autres philosophes et à tous les hommes. Par exemple,
personne n'oserait nier que le miel ne cause une sensation de douceur à
ceux qui se portent bien, et une sensation d'amertume à ceux qui ont un
épanchement de bile. D'où il arrive que les sectateurs d'Héraclite, aussi
bien que nous, et peut-être aussi toutes les autres sectes de philosophes,
commencent par une première connaissance ou perception, qui est commune à
tous les hommes. C'est pourquoi si ces sectateurs d'Héraclite, prenaient
de quelque manière de parler des sceptiques, ce qu'ils disent, qu'il y a
des qualités contraires dans une même chose; comme, par exemple, de cette
expression, Toutes choses sont incompréhensibles, ou de cette autre, Je
ne définis rien, ou de quelque autre semblable ; peut-être aurait-on
raison de dire, que Ie sceptique est une espèce d'introduction à la
philosophie d'Héraclite. Mais comme les disciples d'Héraclite ont des
principes communs et sensibles, non seulement à nous, mais encore à tous
les philosophes et à tous les hommes, pourquoi voudrait-on dire que notre
doctrine est plutôt une introduction à la philosophie d'Héraclite, que
quelque autre sorte de philosophie, ou que le sentiment commun de tous les
hommes puisque tous tant que nous sommes, nous raisonnons sur des
observations qui nous sont communes à tous.
Pour moi je ne sais si le sceptique n'est pas plus contraire que favorable
à la philosophie d'Héraclite. Car un philosophe sceptique traite de
décisions téméraires toutes les choses qu'Héraclite veut établir
dogmatiquement: il s'oppose à ce qu'il dit des embrasements périodiques du
monde : il s'oppose à ce qu'il assure dogmatiquement qu'il se trouve des
qualités ou des choses contraires dans un même sujet ; et à chaque dogme
d'Héraclite, il dit, en se moquant de la témérité dogmatique de ce
philosophe ; Je ne comprends pas cela, Je ne définis rien : (Comme je l'ai
dit ci-dessus : ) ce qui est contraire aux sectateurs d'Héraclite. Or il
est absurde de dire qu'une doctrine, qui est contraire à une autre, est
une introduction pour arriver à cette autre, à laquelle elle est
contraire. Il est donc absurde de dire que la doctrine des sceptiques est
une espèce d'introduction à la philosophie d'Héraclite.
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