[8] VIII. Τὸ γὰρ ἀναγκαῖον οὐκ ἀγαθόν ἐστιν, ἀλλ´ ἐπέκεινα
τῆς φυγῆς τῶν κακῶν κεῖται τὸ ἐφετὸν καὶ τὸ αἱρετὸν καὶ
νὴ Δία τὸ ἡδὺ καὶ οἰκεῖον, ὡς Πλάτων ἔλεγε, καὶ ἀπηγόρευε
τὰς λυπῶν καὶ πόνων ἀπαλλαγὰς ἡδονὰς μὴ νομίζειν,
ἀλλ´ οἷόν τινα σκιαγραφίαν ἢ μῖξιν οἰκείου καὶ ἀλλοτρίου,
καθάπερ λευκοῦ καὶ μέλανος, ἀπὸ τοῦ κάτω πρὸς τὸ
μέσον ἀναφερομένων, ἀπειρίᾳ δὲ τοῦ ἄνω καὶ ἀγνοίᾳ τὸ
μέσον ἄκρον ἡγουμένων εἶναι καὶ πέρας· ὥσπερ Ἐπίκουρος
ἡγεῖται καὶ Μητρόδωρος, οὐσίαν τἀγαθοῦ καὶ
ἀκρότητα τὴν τοῦ κακοῦ φυγὴν τιθέμενοι καὶ χαίροντες
ἀνδραπόδων τινὰ χαρὰν ἢ δεσμίων ἐξ εἱργμοῦ λυθέντων
ἀσμένως ἀλειψαμένων καὶ ἀπολουσαμένων μετ´ αἰκίας καὶ
μάστιγας, ἐλευθέρας δὲ καὶ καθαρᾶς καὶ ἀμιγοῦς καὶ
ἀμωλωπίστου χαρᾶς ἀγεύστων καὶ ἀθεάτων. οὐ γάρ, εἰ
τὸ ψωριᾶν τὴν σάρκα καὶ λημᾶν τὸν ὀφθαλμὸν ἀλλότριον,
ἤδη καὶ τὸ κνᾶσθαι καὶ τὸ ἀπομάττεσθαι θαυμάσιον· οὐδ´
εἰ τὸ ἀλγεῖν καὶ φοβεῖσθαι τὰ θεῖα καὶ ταράττεσθαι τοῖς
ἐν Ἅιδου κακόν, ἡ τούτων ἀποφυγὴ μακάριον καὶ ζηλωτόν.
ἀλλὰ μικρόν τινα τόπον καὶ γλίσχρον ἀποφαίνουσι
τῆς χαρᾶς, ἐν ᾧ στρέφεται καὶ κυλινδεῖται, μέχρι τοῦ μὴ
ταράττεσθαι τοῖς ἐν Ἅιδου κακοῖς ἡ τούτων παρὰ τὰς
κενὰς δόξας προϊοῦσα καὶ τοῦτο ποιουμένη τῆς σοφίας
τέλος, ὃ δόξειεν αὐτόθεν ὑπάρχειν τοῖς ἀλόγοις. εἰ
γὰρ πρὸς τὴν ἀπονίαν τοῦ σώματος οὐ διαφέρει πότερον
δι´ αὑτὸ ἢ φύσει τοῦ πονεῖν ἐκτός ἐστιν, οὐδὲ πρὸς τὴν
ἀταραξίαν τῆς ψυχῆς μεῖζόν ἐστι τὸ δι´ αὑτὴν ἢ κατὰ
φύσιν οὕτως ἔχειν ὥστε μὴ ταράττεσθαι. καίτοι φήσειεν
ἄν τις οὐκ ἀλόγως ἐρρωμενεστέραν εἶναι διάθεσιν τὴν φύσει
μὴ δεχομένην τὸ ταράττον ἢ τὴν ἐπιμελείᾳ καὶ λόγῳ
διαφεύγουσαν. ἔστω δ´ ἔχειν ἐπίσης· καὶ γὰρ οὕτως φανοῦνται
τῶν θηρίων πλέον οὐδὲν ἔχοντες ἐν τῷ μὴ ταράττεσθαι
τοῖς ἐν Ἅιδου καὶ περὶ θεῶν λεγομένοις μηδὲ
προσδοκᾶν λύπας μηδ´ ἀλγηδόνας ὅρον 〈οὐκ〉 ἐχούσας.
αὐτὸς γοῦν Ἐπίκουρος εἰπὼν ὡς ’εἰ μηδὲν ἡμᾶς αἱ ὑπὲρ
τῶν μετεώρων ὑποψίαι ἠνώχλουν ἔτι τε τὰ περὶ θανάτου
καὶ ἀλγηδόνων, οὐκ ἄν ποτε προσεδεόμεθα φυσιολογίας‘
εἰς τοῦτ´ ἄγειν ἡμᾶς οἴεται τὸν λόγον, ἐν ᾧ τὰ
θηρία φύσει καθέστηκεν. οὔτε γὰρ ὑποψίας ἔχει φαύλας
περὶ θεῶν οὔτε δόξαις κεναῖς ἐνοχλεῖται τῶν μετὰ τόν
θάνατον οὐδ´ ὅλως ἐπινοεῖ τι δεινὸν ἐν τούτοις οὐδ´ οἶδε.
καίτοι εἰ μὲν ἐν τῇ προλήψει τοῦ θεοῦ τὴν πρόνοιαν ἀπέλιπον,
ἐφαίνοντ´ ἂν ἐλπίσι χρησταῖς πλέον ἔχοντες οἱ φρόνιμοι
τῶν θηρίων πρὸς τὸ ἡδέως ζῆν· ἐπεὶ δὲ τέλος ἦν τοῦ
περὶ θεῶν λόγου τὸ μὴ φοβεῖσθαι θεὸν ἀλλὰ παύσασθαι
ταραττομένους, βεβαιότερον οἶμαι τοῦθ´ ὑπάρχειν τοῖς ὅλως
μὴ νοοῦσι θεὸν ἢ τοῖς νοεῖν μὴ βλάπτοντα μεμαθηκόσιν.
οὐ γὰρ ἀπήλλακται δεισιδαιμονίας ἀλλ´ οὐδὲ περιπέπτωκεν,
οὐδ´ ἀποτέθειται τὴν ταράττουσαν ἔννοιαν περὶ τῶν
θεῶν ἀλλ´ οὐδ´ εἴληφε. τὰ δ´ αὐτὰ περὶ τῶν ἐν Ἅιδου
λεκτέον· τὸ μὲν γὰρ ἐλπίζειν χρηστὸν ἀπ´ ἐκείνων οὐδετέροις
ὑπάρχει, τοῦ δ´ ὑποπτεύειν καὶ φοβεῖσθαι {τὰ} μετὰ τόν
θάνατον ἧττον μέτεστιν οἷς οὐ γίνεται θανάτου πρόληψις
ἢ τοῖς προλαμβάνουσιν ὡς οὐδὲν πρὸς ἡμᾶς ὁ θάνατος. πρὸς
μέν γε τούτους ἐστίν, ἐφ´ ὅσον διαλογίζονταί τι καὶ σκοποῦσι,
τὰ δ´ ὅλως ἀπήλλακται τοῦ φροντίζειν τῶν οὐ πρὸς
ἑαυτά, πληγὰς δὲ φεύγοντα καὶ τραύματα καὶ φόνους
τοῦτο τοῦ θανάτου δέδοικεν, ὃ καὶ τούτοις φοβερόν ἐστιν.
| [8] Car ce qui est nécessité ne saurait être un bien. C'est
au delà du mal, c'est après le mal évité, que se trouve le
véritable objet digne de nos préférences et de nos voeux, le
plaisir enfin, si analogue à notre nature, comme disait Platon.
Écoutons ce philosophe: «L'absence des douleurs et des
maux ne doit pas être considérée comme un plaisir : ce n'en
est en quelque sorte que l'ombre. J'y vois un mélange de ce
qui nous est propre et de ce qui nous est contraire, comme
lorsque du blanc et du noir on forme, en rapprochant les
extrêmes, une nuance intermédiaire. Bien des gens, qui n'ont
aucune expérience de l'élément essentiel et qui ne le connaissent
point, se figurent que cet élément et la fin suprême
résident dans ce qui n'est qu'intermédiaire." Cette erreur
est celle d'Epicure et de Métrodore. Ils voient l'essence et
la perfection du bonheur dans la disparition du mal. C'est
là une joie d'esclaves ou de captifs heureux d'être délivrés
de leurs fers, et pour qui c'est tout délices d'être baignés,
d'être frottés d'huile après avoir été meurtris et
fouettés, mais pour lesquels aussi une joie libérale, pure,
sans mélange, étrangère à toute pensée d'étrivières, est un
bonheur qu'ils n'ont jamais goûté, dont ils ne se doutent
point. Car ce n'est pas une raison, parce que la gale sur le
corps et la chassie sur les yeux sont choses désagréables,
pour que ce soit un bonheur merveilleux de se gratter la
peau ou de se laver avec des collyres. Ce n'est pas une raison,
parce que la souffrance, ou la crainte des Dieux, ou
l'effroi des supplices subis aux Enfers, sont des maux, pour
que l'exemption de ces mêmes maux constitue une félicité
digne de nos voeux. Ce serait assigner à la joie un espace
bien resserré et bien exigu, que de la limiter dans un
cercle où elle ne saurait aller plus loin qu'à n'être pas
effrayée des châtiments de l'Enfer, où elle ne dépasserait
pas autrement de vains préjugés. C'est là proposer à la
sagesse une triste fin; et il semble que ce soit une félicité
dont jouissent tout d'abord les animaux. Si quand il s'agit
pour le corps de ne pas éprouver de souffrances il est indifférent
que le corps en doive l'exemption à lui-même ou
bien à sa nature, pareillement lorsqu'il s'agit pour l'âme de
n'être pas troublée, il n'y a plus pour elle un grand avantage
à devoir l'exemption de ces troubles à elle-même ou bien à
la nature. Il y a mieux : il serait raisonnable d'avancer que
l'exemption de troubles présente des conditions plus réelles
de stabilité quand nous la devons à la nature que quand
nous devons cette exemption à nos soins et à nos efforts.
Mais supposons que d'une manière et de l'autre les résultats
soient égaux : même ainsi, les Epicuriens n'auront
sur les animaux aucun avantage à ne pas s'effrayer de ce
qu'on dit de l'Enfer et des dieux, et à ne pas avoir en
perspective des douleurs et des souffrances sans fin.
Du reste Épicure dit lui-même : "Si nous n'étions pas
inquiétés par les impressions que font sur nous et les météores,
et l'idée de la destruction et des souffrances, nous
n'aurions jamais besoin d'étudier les lois qui régissent la
nature." Ainsi il admet que la raison nous amène là où les
animaux sont placés par leur seule condition, puisqu'ils ne
craignent pas de dieux, puisqu'ils ne se préoccupent pas
péniblement de ce qui adviendra après la mort, puisque tout
cela ne leur donne rien à penser ou à apprendre. Que si
dans l'opinion admise par eux sur la Divinité les Epicuriens
laissaient subsister une Providence, les gens sensés paraîtraient
du moins avoir plus que les bêtes brutes des espérances
fondées de mener une vie heureuse. Mais non : le
but de tout ce que disent les Epicuriens touchant les dieux,
c'est de faire qu'on ne craigne pas la Divinité et que par
suite on soit débarrassé de toute inquiétude. Or cette dernière
disposition existe bien plus sûrement chez les êtres
privés de raison, lesquels ne peuvent avoir absolument
aucune idée de Dieu, qu'elle n'existe chez ceux qui ont appris
à se figurer la Divinité comme ne punissant jamais. Les
premiers n'ont pas eu à s'affranchir de la superstition. Ils
n'en ont même pas été esclaves. Ils n'ont pas eu à se dégager,
à l'égard de la Divinité, d'opinions qui les jetaient dans
le trouble: car jamais ces opinions n'avaient pénétré en eux.
Il en faut dire autant à l'égard des Enfers. Ni les uns
ni les autres n'en peuvent espérer rien de bon. De
plus, les alarmes et les craintes de ce qui suivra le trépas
doivent être moins vives chez les êtres qui n'ont pas prescience
de la mort que chez ceux qui sont persuadés que la
mort ne nous touche en rien. Car enfin elle préoccupe ces
derniers, ne fût-ce que par les raisonnements et les considérations
auxquelles ils se livrent. Les autres, au contraire,
sont tout à fait dispensés de concevoir des inquiétudes sur
ce qui leur est absolument étranger, et quand ils cherchent
à se dérober aux coups, aux blessures, au meurtre, ce n'est
que la mort même qu'ils craignent : crainte qui leur est
commune avec nous.
|