| [6] VI. Ὅτι δ´ ὅλως μοχθηρὰ τὰ πράγματα πρὸς βίον
 ἄλυπόν ἐστιν αὐτοῖς, σκόπει καὶ ἀφ´ ὧν πρὸς ἑτέρους λέγουσι.
 τοὺς γὰρ ἀδικοῦντας καὶ παρανομοῦντας ἀθλίως φασὶ
 καὶ περιφόβως ζῆν τὸν πάντα χρόνον, ὅτι, κἂν λαθεῖν δύνωνται,
 πίστιν περὶ τοῦ λαθεῖν λαβεῖν ἀδύνατόν ἐστιν· ὅθεν
 ὁ τοῦ μέλλοντος ἀεὶ φόβος ἐγκείμενος οὐκ ἐᾷ χαίρειν οὐδὲ
 θαρρεῖν ἐπὶ τοῖς παροῦσι. ταῦτα δὲ καὶ πρὸς ἑαυτοὺς εἰρηκότες
 λελήθασιν. εὐσταθεῖν μὲν γὰρ ἔστι καὶ ὑγιαίνειν τῷ
 σώματι πολλάκις, πίστιν δὲ λαβεῖν περὶ τοῦ διαμενεῖν
 ἀμήχανον· ἀνάγκη δὴ ταράττεσθαι καὶ ὠδίνειν ἀεὶ πρὸς
 τὸ μέλλον ὑπὲρ τοῦ σώματος, ἣν περιμένουσιν ἐλπίδα
 πιστὴν ἀπ´ αὐτοῦ καὶ βέβαιον οὐδέποτε κτήσασθαι δυναμένους.
 τὸ δὲ μηδὲν ἀδικεῖν οὐδέν ἐστι πρὸς τὸ θαρρεῖν·
 οὐ γὰρ τὸ δικαίως παθεῖν ἀλλὰ τὸ παθεῖν φοβερόν, οὐδὲ
 συνεῖναι μὲν αὐτὸν ἀδικίαις ἀνιαρὸν περιπεσεῖν δὲ ταῖς
 ἄλλων οὐ χαλεπόν· ἀλλ´ εἰ μὴ μεῖζον, οὐκ ἔλαττόν γε τὸ
 κακὸν ἦν Ἀθηναίοις ἡ Λαχάρους καὶ Συρακοσίοις ἡ Διονυσίου
 χαλεπότης ἤπερ αὐτοῖς ἐκείνοις· ταράττοντες γὰρ
 ἐταράττοντο καὶ πείσεσθαι κακῶς προσεδόκων ἐκ τοῦ
 προαδικεῖν καὶ προλυμαίνεσθαι τοὺς ἐντυγχάνοντας. ὄχλων
 δὲ θυμοὺς καὶ λῃστῶν ὠμότητας καὶ κληρονόμων ἀδικίας,
 ἔτι δὲ λοιμοὺς ἀέρων καὶ θάλασσαν εὐβραγκήν, ὑφ´ ἧς
 Ἐπίκουρος ὀλίγον ἐδέησε καταποθῆναι πλέων εἰς Λάμψακον,
 ὡς γράφει, τί ἂν λέγοι τις; ἀρκεῖ γὰρ ἡ φύσις τῆς
 σαρκός, ὕλην ἔχουσα νόσων ἐν ἑαυτῇ καὶ τοῦτο δὴ τὸ
 παιζόμενον ’ἐκ τοῦ βοὸς τοὺς ἱμάντας‘ λαμβάνουσα τὰς
 ἀλγηδόνας ἐκ τοῦ σώματος, ὁμοίως τοῖς τε φαύλοις καὶ
 τοῖς ἐπιεικέσι τὸν βίον ἐπισφαλῆ ποιεῖν καὶ φοβερόν,
 ἄνπερ ἐπὶ σαρκὶ καὶ τῇ περὶ σάρκα ἐλπίδι μάθωσιν ἄλλῳ δὲ
 μηθενὶ χαίρειν καὶ θαρρεῖν, ὡς Ἐπίκουρος ἔν τ´ ἄλλοις
 πολλοῖς γέγραφε καὶ τούτοις ἃ ἔστι περὶ Τέλους.
 | [6] Voulez-vous être convaincu que les Épicuriens ont de 
bien pauvres ressources pour s'assurer une vie exempte de 
douleur? Jugez en d'après ce qu'eux-mêmes prononcent 
contre les autres philosophes : "Ceux qui professent l'injustice, 
disent-ils, et qui violent les lois passent leur existence 
entière dans les misères et dans les alarmes, parce 
que, dussent-ils échapper, il leur est impossible d'être sûrs 
qu'ils échapperont toujours. La crainte continuelle de l'avenir, 
sans cesse suspendue sur leur tête, ne leur permet donc 
pas de se réjouir et de compter sur le présent». Nos Épicuriens 
ne s'aperçoivent pas que c'est contre eux-mêmes qu'ils 
parlent en s'exprimant ainsi. Car il est bien possible d'avoir 
souvent le corps dans un parfait équilibre de santé, mais 
avoir l'assurance que cet état dure constamment, est chose 
impossible. Il est inévitable que l'on soit dans le trouble et
dans les angoisses pour l'avenir de son corps, puisque cette 
espérance sûre et solide que l'on voudrait asseoir on ne 
peut jamais l'obtenir en ce qui le concerne. L'innocence la 
plus parfaite n'est en aucune manière un gage de confiance : 
car ce n'est pas une souffrance injuste, c'est la souffrance 
en général que l'on redoute. Sans doute il est fâcheux de 
s'abandonner soi-même à l'injustice, mais on ne regarde 
pas comme moins fâcheux d'éprouver celle des autres ; et si 
la tyrannie d'un Lacharès à Athènes, d'un Denys à Syracuse, 
n'a pas été un plus grand mal pour leurs sujets que 
pour ces despotes eux-mêmes, ce n'en était pas non plus un 
moindre, bien qu'en troublant les autres ils fussent troublés 
personnellement, et qu'ils pressentissent les conséquences 
funestes des injustices et des persécutions qu'ils 
exerçaient. Ai-je besoin de citer les passions populaires, les 
sévices de brigands, les injustices d'héritiers, et encore, 
les contagions pestilentielles de l'air, les dangers sur les 
flots, dangers qui manquèrent d'engloutir Épicure faisant 
voile pour Lampsaque, comme il nous l'apprend lui-même? 
A quoi servirait une semblable énumération? C'est assez 
de la nature de notre chair, laquelle contient en soi matière 
à tant de maladies, et qui, comme en plaisantant dit le 
proverbe, donne les verges pour se fouetter : autrement 
dit, fait naître du corps lui-même les maladies. Que nous 
soyons bons ou que nous soyons mauvais, notre vie, à tous 
indistinctement, n'est que périls et qu'alarmes, si c'est sur 
la chair et sur les espérances de la chair que nous avons 
appris à fonder exclusivement notre joie et notre confiance. 
Épicure l'a écrit dans plusieurs autres de ses ouvrages, et 
notamment dans son livre «De la fin dernière».
 |