[4] IV. Ὑπολαβὼν οὖν ὁ Ζεύξιππος ‘εἶτ´ οὐ καλῶς’ ἔφη ‘δοκοῦσί
σοι ποιεῖν οἱ ἄνδρες, ἀρχόμενοι μὲν ἀπὸ τοῦ σώματος,
ἐν ᾧ πρῶτον ἐφάνη γένεσις ἐπὶ δὲ τὴν ψυχὴν
ὡς βεβαιοτέραν καὶ τὸ πᾶν ἐν ταύτῃ τελειοῦντες;’ ‘καλῶς
νὴ Δί´’ ἔφη Θέων ‘καὶ κατὰ φύσιν, εἴ τι κρεῖττον ἐνταῦθα
μετιόντες καὶ τελειότερον ἀληθῶς ἀνευρίσκουσιν, ὥσπερ
οἱ θεωρητικοὶ καὶ πολιτικοὶ τῶν ἀνδρῶν. εἰ δ´ ἀκούεις
αὐτῶν μαρτυρομένων καὶ βοώντων, ὡς ἐπ´ οὐδενὶ ψυχὴ
τῶν ὄντων πέφυκε χαίρειν καὶ γαληνίζειν πλὴν ἐπὶ σώματος
ἡδοναῖς παρούσαις ἢ προσδοκωμέναις, καὶ τοῦτ´ αὐτῆς
τὸ ἀγαθόν ἐστιν, ἆρ´ οὐ δοκοῦσί σοι διεράματι τοῦ
σώματος χρῆσθαι τῇ ψυχῇ, {καὶ} καθάπερ οἶνον ἐκ πονηροῦ
καὶ μὴ στέγοντος ἀγγείου τὴν ἡδονὴν διαχέοντες
ἐνταῦθα καὶ παλαιοῦντες οἴεσθαι σεμνότερόν τι ποιεῖν καὶ
τιμιώτερον; καίτοι γ´ οἶνον μὲν χρόνος διαχυθέντα
τηρεῖ καὶ συνηδύνει, τῆς δ´ ἡδονῆς ἡ ψυχὴ παραλαβοῦσα
τὴν μνήμην ὥσπερ ὀσμὴν ἄλλο δ´ οὐδὲν φυλάσσει· ζέσασα
γὰρ ἐπὶ σαρκὶ κατασβέννυται, καὶ τὸ μνημονευόμενον
αὐτῆς ἀμαυρόν ἐστι καὶ κνισῶδες, ὥσπερ ἑώλων ὧν τις
ἔπιεν ἢ ἔφαγεν ἀποτιθεμένου καὶ ταμιεύοντος | ἐπινοίας
ἐν ἑαυτῷ καὶ χρωμένου δηλονότι ταύταις προσφάτων μὴ
παρόντων. ὅρα δ´ ὅσῳ μετριώτερον οἱ Κυρηναϊκοί,
καίπερ ἐκ μιᾶς οἰνοχόης Ἐπικούρῳ πεπωκότες, οὐδ´ ὁμιλεῖν
ἀφροδισίοις οἴονται δεῖν μετὰ φωτὸς ἀλλὰ σκότος
προθεμένους, ὅπως μὴ τὰ εἴδωλα τῆς πράξεως ἀναλαμβάνουσα
διὰ τῆς ὄψεως ἐναργῶς ἡ διάνοια πολλάκις ἀνακαίῃ
τὴν ὄρεξιν. οἱ δὲ τούτῳ μάλιστα τὸν σοφὸν ἡγούμενοι διαφέρειν,
τῷ μνημονεύειν ἐναργῶς καὶ συνέχειν ἐν ἑαυτῷ τὰ
περὶ τὰς ἡδονὰς φάσματα καὶ πάθη καὶ κινήσεις, εἰ μὲν
οὐθὲν ἄξιον σοφίας παρεγγυῶσιν, ὥσπερ ἐν ἀσώτων οἰκίᾳ
τῇ ψυχῇ τοῦ σοφοῦ τὰ τῆς ἡδονῆς ἐκκλύσματα μένειν ἐῶντες,
μὴ λέγωμεν· ὅτι δ´ οὐκ ἔστιν ἀπὸ τούτων ἡδέως ζῆν,
αὐτόθεν πρόδηλον. οὐ γὰρ εἰκὸς εἶναι μέγα τῆς ἡδονῆς τὸ
μνημονευόμενον, εἰ μικρὸν ἐδόκει τὸ παρόν· οὐδ´ οἷς συνεξεφέρετο
μετρίως γινομένοις, ὑπερχαίρειν γενομένων·
ὅπου οὐδὲ τοῖς ἐκπεπληγμένοις τὰ σωματικὰ καὶ θαυμάζουσιν
ἐμμένει τὸ χαίρειν παυσαμένοις, ἀλλὰ σκιά τις
ὑπολείπεται καὶ ὄναρ ἐν τῇ ψυχῇ τῆς ἡδονῆς ἀποπταμένης,
οἷον ὑπέκκαυμα τῶν ἐπιθυμιῶν, ὥσπερ ἐν ὕπνοις
διψῶντος ἢ ἐρῶντος ἀτελεῖς ἡδοναὶ καὶ ἀπολαύσεις δριμύτερον
ἐγείρουσι τὸ ἀκόλαστον. οὔτε δὴ τούτοις ἐπιτερπὴς
ἡ μνήμη τῶν ἀπολελαυσμένων, ἀλλ´ ἐξ ὑπολείμματος
ἡδονῆς ἀμυδροῦ καὶ διακένου πολὺ τὸ οἰστρῶδες
καὶ νύττον ἐναργοῦς ἀναφέρουσα τῆς ὀρέξεως, οὔτε τοὺς
μετρίους καὶ σώφρονας εἰκὸς ἐνδιατρίβειν τῇ ἐπινοίᾳ τῶν
τοιούτων οὐδ´, ἅπερ ἔσκωπτε τὸν Κορνιάδην,
πράττοντα οἷον ἐξ ἐφημερίδων ἀναλέγεσθαι, ποσάκις
Ἡδείᾳ καὶ Λεοντίῳ συνῆλθον ἢ ποῦ Θάσιον ἔπιον
ποίας εἰκάδος ἐδείπνησαν πολυτελέστατα. δεινὴν γὰρ ἐμφαίνει
καὶ θηριώδη περὶ τὰ γινόμενα καὶ προσδοκώμενα
τῆς ἡδονῆς ἔργα ταραχὴν καὶ λύσσαν ἡ τοσαύτη πρὸς
ἀναμνήσεις αὐτῆς βάκχευσις τῆς ψυχῆς καὶ πρόστηξις.
Ὅθεν αὐτοί μοι δοκοῦσι τούτων αἰσθόμενοι τῶν ἀτοπημάτων
εἰς τὴν ἀπονίαν καὶ τὴν εὐστάθειαν ὑποφεύγειν
τῆς σαρκός, ὡς ἐν τῷ ταύτην ἐπινοεῖν περί τινας ἐσομένην
καὶ γεγενημένην τοῦ ἡδέως ζῆν ὄντος· τὸ γὰρ εὐσταθὲς
σαρκὸς κατάστημα καὶ τὸ περὶ ταύτης πιστὸν ἔλπισμα τὴν
ἀκροτάτην χαρὰν καὶ βεβαιοτάτην ἔχειν τοῖς ἐπιλογίζεσθαι
δυναμένοις.
| [4] A ces mots Zeuxippe : «Eh quoi, dit-il à Théon,
vous ne trouvez pas que ces hommes aient raison de
commencer par le corps, dans lequel se manifeste en premier
la naissance du plaisir, de passer ensuite à l'âme,
comme à un appui plus solide, et de mettre dans celle-ci le
complément de la volupté? — Ici je pris la parole : Ce
serait le mieux du monde, et rien ne serait plus conforme
aux lois de la nature, si, poursuivant là des idées meilleures
et plus parfaites, les Epicuriens arrivaient à quelques découvertes,
comme les savants qui s'occupent de théories, ou
comme les politiques. Mais quand vous les entendez protester
et crier que l'âme n'est pas née pour trouver le bonheur
et le calme dans rien de ce qui existe, sinon dans les plaisirs
sensuels, présents ou attendus, que c'est là son vrai bien,
ne vous paraissent-ils pas représenter l'âme comme un filtre
ajusté à notre machine humaine? Oui : du corps ils font
passer le plaisir dans l'âme, et ils l'y laissent séjourner,
comme on transvase du vin d'une cruche fêlée et en mauvais
état. Ils pensent en cela faire chose plus belle et plus
honorable. Or si le temps peut conserver un vin transvasé et
en faire une liqueur plus agréable, l'âme ne recueille de la
volupté que le souvenir; et, comme un parfum, c'est la seule
chose qu'elle en garde. Après s'être allumé dans nos sens
le plaisir s'éteint, et le souvenir qu'il laisse est quelque
chose de vague et de fumeux. Je comparerais volontiers
l'impression qui en reste à des aliments mangés ou bus la
veille, et qu'on mettrait comme en réserve dans sa pensée,
pour s'en régaler, sans doute, quand on n'aurait pas de
nourriture fraîche. Voyez combien les Cyrénaïques ont
plus de mesure, bien qu'ils boivent à la même coupe qu'Épicure.
Ils ne pensent pas que l'on doive se livrer en plein
jour aux voluptés amoureuses. Ils veulent que pour les
goûter on s'abrite derrière les ténèbres : afin que les images
de cet acte ne s'impriment pas par la vue d'une manière
trop frappante dans la pensée et que l'imagination
n'enflamme pas trop vivement les désirs. Au contraire,
les Epicuriens pensent que la supériorité du sage consiste
à se rappeler nettement et à conserver en soi les tableaux,
les sensations, les mouvements produits par les plaisirs.
Cette profession de foi n'est-elle pas indigne de la véritable
sagesse? Est-il convenable de laisser dans l'âme du sage,
devenue une succursale du corps, le trop plein des voluptés?
C'est ce que nous ne déciderons pas. Mais que ces plaisirs
soient impuissants à assurer le bonheur, c'est qui est évident
tout d'abord. Il n'est pas vraisemblable, en effet, que
ce soit un sentiment bien vif que le souvenir de la volupté,
puisque la volupté même dure si peu de temps. Il n'est pas
vraisemblable qu'après avoir produit une impression médiocre
lorsqu'on la goûtait, elle donne une jouissance excessive
quand elle a disparu. Ceux même que les délices
sensuelles enivrent et charment le plus n'en éprouvent rien
quand elles sont cessées. Il ne reste dans leur âme qu'une
ombre, qu'un songe du plaisir envolé, et cette pensée irrite
seulement leurs désirs. Il en est comme des gens qui dans le
sommeil rêvent qu'ils étanchent leur soif, ou qu'ils assouvissent
leur passion amoureuse, et chez qui ces jouissances imparfaites
ne font qu'éveiller la convoitise. Même pour nos voluptueux,
le souvenir de leurs appétits satisfaits n'a rien qui
les charme. Ce sont les restes d'une volupté faible et languissante,
et le souvenir en contribue seulement à exciter par
des images la fougue et l'aiguillon du désir. Aussi n'est-il pas
probable que les hommes modérés et sages se complaisent
à prolonger pour eux-mêmes la pensée de semblables tableaux,
ni qu'ils fassent ce qu'Epicure reproche amèrement
à Carnéade écrivant sur son journal : «Tant de fois j'ai vu
Hédia, j'ai vu Léontium ; tant de fois j'ai bu du vin de Thasos;
tant de fois, à un vingtième jour du mois, j'ai fait un
excellent souper. C'est se montrer terriblement désordonné,
terriblement enragé pour les plaisirs passés ou à
venir, que d'en conserver la mémoire avec tant de dévergondage
et d'ardeur.
C'est en raison de cela, je suppose, qu'ayant eu la concience
d'absurdités si monstrueuses, les Stoïciens se retranchent
dans l'exemption de douleur et dans un parfait équilibre
de la chair : comme si la vie consistait à penser que
cette exemption de douleurs et cet équilibre parfait seront
et ont été accordés à quelques mortels privilégiés. C'est
du reste ce qu'ils prétendent en disant que l'équilibre
parfait de la chair et l'espérance fondée de conserver
longtemps cet équilibre constituent pour l'homme
capable de raisonner la satisfaction la plus grande et la
plus solide qui soit au monde.
|