[3] ΙΙΙ. Καὶ ὁ Θέων ‘ἀλλὰ τοῦτο μέν’ εἶπεν, ‘ἂν δόξῃ, τοῦ
λόγου προϊόντος ἀναθησόμεθα· νῦν δὲ χρησώμεθα τοῖς
διδομένοις ὑπ´ αὐτῶν. οἴονται δὲ περὶ γαστέρα τἀγαθὸν
εἶναι καὶ τοὺς ἄλλους πόρους τῆς σαρκὸς ἅπαντας, δι´
ὧν ἡδονὴ καὶ μὴ ἀλγηδὼν ἐπεισέρχεται· καὶ πάντα
καλὰ καὶ σοφὰ ἐξευρήματα τῆς περὶ γαστέρα ἡδονῆς
ἕνεκα γεγονέναι καὶ τῆς ὑπὲρ ταύτης ἐλπίδος ἀγαθῆς, ὡς
ὁ σοφὸς εἴρηκε Μητρόδωρος. αὐτόθεν μὲν οὖν,
ὦ ἑταῖρε, φαίνονται γλίσχρον τι καὶ σαθρὸν καὶ οὐ βέβαιον
αἴτιον τοῦ ἀγαθοῦ λαμβάνοντες, ἀλλὰ τοῖς πόροις
τούτοις, δι´ ὧν ἡδονὰς ἐπεισάγονται, καὶ πρὸς ἀλγηδόνας
ὁμοίως κατατετρημένον, μᾶλλον δ´ ἡδονὴν μὲν ὀλίγοις
ἀλγηδόνα δὲ πᾶσι τοῖς μορίοις δεχόμενον. ποία γὰρ ἡδονὴ
περὶ ἄρθρα καὶ νεῦρα καὶ πόδας καὶ χεῖρας, οἷς ἐνοικίζεται
τὰ δεινὰ πάθη καὶ σχέτλια, ποδαγρικὰ καὶ ῥευματικὰ
καὶ φαγεδαινικὰ καὶ διαβρώσεις καὶ ἀποσήψεις;
ὀσμῶν τε καὶ χυμῶν τὰ ἥδιστα προσαγαγὼν τῷ σώματι
μικρὸν εὑρήσεις χωρίον ἐν αὐτῷ παντάπασι τὸ κινούμενον
λείως καὶ προσηνῶς, τὰ δ´ ἄλλα πολλάκις δυσχεραίνει
καὶ ἀγανακτεῖ· πυρὶ δὲ καὶ σιδήρῳ καὶ δήγματι καὶ ὑστριχίσιν
οὐδὲν ἀπαθὲς οὐδ´ ἀναίσθητον ἀλγηδόνος, ἀλλὰ καὶ
καῦμα καὶ ῥῖγος εἰς ἅπαντα καταδύεται καὶ πυρετός, αἱ δ´
ἡδοναὶ καθάπερ αὖραι πρὸς ἑτέραις ἕτεραι τοῦ σώματος
ἄκραις ἐπιγελῶσαι διαχέονται. καὶ χρόνος ὁ μὲν τούτων
οὐ πολὺς ἀλλ´ ὥσπερ οἱ διᾴττοντες ἔξαψιν ἅμα καὶ
σβέσιν ἐν τῇ σαρκὶ λαμβάνουσιν, ἐκ δὲ τοῦ πόνου
μάρτυς ὁ Αἰσχύλου Φιλοκτήτης ἱκανός· οὐ γὰρ ὁ δράκων,
φησίν, ἀνῆκεν, ἀλλ´ ’ἐνῴκισε δεινὴν στομάτων ἔμφυσιν,
ποδὸς λαβών‘. ὀλισθείη ἀλγηδὼν οὐδ´ ἕτερα
τοιαῦτα κινοῦσα καὶ γαργαλίζουσα τοῦ σώματος· ἀλλ´
ὥσπερ τὸ τῆς μηδικῆς σπέρμα πολυκαμπὲς καὶ σκαληνὸν
ἐμφύεται τῇ γῇ καὶ διαμένει πολὺν χρόνον ὑπὸ τραχύτητος,
οὕτως ὁ πόνος ἄγκιστρα καὶ ῥίζας διασπείρων καὶ
συμπλεκόμενος τῇ σαρκὶ καὶ παραμένων οὐχ ἡμέρας οὐδὲ
νύκτας μόνον ἀλλὰ καὶ ὥρας ἐτῶν ἐνίοις καὶ περιόδους
ὀλυμπιακὰς μόλις ὑπ´ ἄλλων πόνων ὥσπερ ἥλων σφοδροτέρων
ἐκκρουόμενος ἀπαλλάττεται. τίς γὰρ ἔπιε χρόνον
τοσοῦτον ἢ ἔφαγεν, ὅσον διψῶσιν οἱ πυρέττοντες καὶ πεινῶσιν
οἱ πολιορκούμενοι; ποῦ δ´ ἔστιν ἄνεσις καὶ συνουσία
μετὰ φίλων, ἐφ´ ὅσον κολάζουσι καὶ στρεβλοῦσι τύραννοι;
καὶ γὰρ τοῦτο τῆς τοῦ σώματος φαυλότητος καὶ ἀφυΐας
πρὸς τὸ ἡδέως ζῆν ἐστιν, ὅτι τοὺς πόνους ὑπομένει μᾶλλον
ἢ τὰς ἡδονὰς καὶ πρὸς ἐκείνους ἔχει ῥώμην καὶ δύναμιν,
ἐν δὲ ταύταις ἀσθενές ἐστι καὶ ἁψίκορον. τὸ δ´ ἡδέως
ζῆν ἂν ἅπτωνται, πλείονα περὶ τούτου λέγειν οὐκ ἐῶσιν
ἡμᾶς, ὁμολογοῦντες αὐτοὶ μικρὸν εἶναι τὸ τῆς σαρκὸς
ἡδύ, μᾶλλον δ´ ἀκαρές, εἴ γε δὴ μὴ κενολογοῦσι μηδ´
ἀλαζονεύονται, Μητρόδωρος μὲν λέγων ὅτι ’πολλάκις
προσεπτύσαμεν ταῖς τοῦ σώματος ἡδοναῖς‘, Ἐπίκουρος
δὲ καὶ γελᾶν φησι ταῖς ὑπερβολαῖς τοῦ περὶ τὸ
σῶμα νοσήματος πολλάκις κάμνοντα τὸν σοφόν. οἷς οὖν
οἱ πόνοι τοῦ σώματος οὕτως εἰσὶν ἐλαφροὶ καὶ ῥᾴδιοι,
πῶς ἔνεστί τι ταῖς ἡδοναῖς ἀξιόλογον; καὶ γὰρ εἰ
μὴ χρόνῳ μηδὲ μεγέθει τῶν πόνων ἀποδέουσιν, ἀλλὰ περὶ
πόνους ἔχουσι, καὶ πέρας αὐταῖς κοινὸν Ἐπίκουρος τὴν
παντὸς τοῦ ἀλγοῦντος ὑπεξαίρεσιν ἐπιτέθεικεν, ὡς τῆς
φύσεως ἄχρι τοῦ λῦσαι τὸ ἀλγεινὸν αὐξούσης τὸ ἡδύ,
περαιτέρω δὲ μὴ ἐώσης προελθεῖν κατὰ τὸ μέγεθος ἀλλὰ
ποικιλμούς τινας οὐκ ἀναγκαίους, ὅταν οὐκ ἐν τῷ μὴ
πονεῖν γένηται, δεχομένης· ἡ δ´ ἐπὶ τοῦτο μετ´ ὀρέξεως
πορεία, μέτρον ἡδονῆς οὖσα, κομιδῇ βραχεῖα καὶ σύντομος.
ὅθεν αἰσθόμενοι τῆς ἐνταῦθα γλισχρότητος ὥσπερ
ἐκ χωρίου λυπροῦ τοῦ σώματος μεταφέρουσι τὸ τέλος εἰς
τὴν ψυχήν, ὡς ἐκεῖ νομὰς καὶ λειμῶνας ἀμφιλαφεῖς ἡδονῶν
ἕξοντες,
’ἐν δ´ Ἰθάκῃ οὔτ´ ἂρ δρόμοι εὐρέες,
οὔτε λείη περὶ τὸ σαρκίδιον ἡ ἀπόλαυσις ἀλλὰ τραχεῖα,
μεμιγμένη πρὸς πολὺ τὸ ἀλλότριον καὶ σφυγματῶδες.’
| [3] «C'est là, dit Théon, un point sur lequel nous
reviendrons, si vous le permettez, dans la suite de cet
entretien. Pour le moment, nous userons de ce qu'ils accordent
eux-mêmes. Les Epicuriens pensent que «le souverain
bien réside dans la région de l'estomac et dans tous les
autres conduits de la chair par où s'introduisent le plaisir
et la souffrance ; que toutes les belles découvertes, les inventions
ingénieuses, ont pour but les satisfactions de l'estomac
et l'agréable espoir de cette jouissance». Ainsi a parlé
le sage Métrodore. Quand on parle d'un tel principe, mon
cher ami, il est clair que l'on fait poser le bien sur une
base fragile, à moitié ruinée, sans consistance. Ces mêmes
organes qui donnent entrée aux plaisirs sont aussi
ouverts pareillement aux sensations douloureuses. Disons
mieux : ce n'est que par un petit nombre de conduits que
nous recevons la volupté, tandis qu'au contraire la souffrance
entre chez nous par tous les pores. Où réside le plaisir?
Dans les jointures, dans les nerfs, dans les pieds, dans les
mains. Or c'est là aussi qu'établissent leur domicile les
affections les plus douloureuses et les plus pénibles, à savoir,
la goutte, les rhumatismes, la gangrène, les ulcères
rongeurs. Présentons aux organes de notre corps les parfums,
les sucs les plus délicieux, bien petite sera la place
que nous trouverons en lui pour qu'il soit doucement et
agréablement chatouillé, tandis que toutes les autres places
éprouvent à chaque instant des douleurs qui nous irritent
et nous indignent. Il n'est pas une des parties du corps à
laquelle le feu, le fer, les morsures, les étrivières n'aient
fait endurer la souffrance et les sensations les plus douloureuses,
pas une où ne pénètrent l'ardeur du chaud, le froid,
la fièvre. Les plaisirs, au contraire, ne se succèdent que par
intervalles. C'est à peine si en souriant ils effleurent la
surface des corps. Leur durée n'est que d'un instant.
Comme de rapides météores, ils ne se sont pas plus tôt allumés
dans notre chair qu'ils s'y éteignent. En fait de souffrances,
nous ne saurions trouver de témoignages plus
concluant que celui que nous présente le Philoctète d'Eschyle :
"Du terrible dragon
Mon mal affreux n'est pas une émanation.
Le monstre habite en moi : c'est lui, lui que j'endure.
Il dévore mon pied d'une cruelle morsure."
La douleur devrait bien se contenter de glisser sans atteindre
et sans mettre en mouvement les autres parties de
notre corps ! C'est comme la graine de l'herbe médiques, qui
par des détours nombreux et irréguliers s'attache au sol et s'y
conserve longtemps à cause de son aspérité : ainsi la souffrance
multiplie les crochets et les racines qui la propagent
dans notre chair, qui l'identifient avec nous. Elle y demeure,
en dépit que nous en ayons, non pas seulement un
jour, non pas seulement une nuit, mais quelquefois durant
des années, durant des olympiades entières . Ce n'est qu'à
d'autres douleurs, comme on voit des clous plus vigoureux
en chasser d'autres, qu'une précédente douleur cède à
grand regret la place. Alors seulement elle déloge, alors
seulement elle lâche prise. Qui jamais a bu, qui jamais a
mangé aussi longtemps que dure la soif des fiévreux, que
dure la faim des assiégés? Où trouver dans le commerce de
ses amis des douceurs et une tendresse qui se prolongent autant
que les supplices et les tortures infligés par des tyrans?
Telle est l'impuissance du corps, telle est son inaptitude
naturelle à la vie de plaisir, qu'il supporte mieux les fatigues
que la volupté. Contre les premières il a de la vigueur et de la
puissance, mais la volupté le trouve faible et dégoûté promptement.
«Il est vrai que, dès qu'il est question de vie agréable, les
Épicuriens ne nous laissent pas parler longtemps sur ce
sujet. Ils confessent eux-mêmes que le plaisir de la chair
dure peu de temps, ou plutôt que cette durée est imperceptible.
Mais ne sont-ce pas là de vaines paroles? N'est-ce
pas chez eux pure jactance? Ainsi Métrodore s'exprime en
ces termes : «Souvent nous avons rejeté avec mépris les
voluptés corporelles.» Ainsi Épicure prétend «que le sage
oppose souvent un rire dédaigneux à l'excès des souffrances
sous lesquelles son corps est près de succomber.» Mais ces
philosophes pour qui les fatigues corporelles sont si légères
et si faciles à supporter, comment se fait-il qu'ils attachent
du prix aux voluptés? Car enfin, même en supposant que
celles-ci ne le cèdent pas aux douleurs en durée et en vivacité,
du moins elles les avoisinent, et Epicure donne
pour fin commune aux voluptés la suppression de toute
douleur. Il veut faire entendre que la nature porte
nos plus grands plaisirs à la suppression de la douleur,
sans permettre qu'ils aillent plus loin en intensité. A entendre
Épicure ce sont la, toutes les fois qu'elle ne nous livre
pas à la souffrance, les seules variations que la nature veuille
bien admettre, et encore ne sont-elles pas nécessaires.
Mais le chemin qui nous conduit par le désir à cette dernière
situation, et qui est la mesure unique des plaisirs, est bien
court, bien abrégé. Aussi les Epicuriens, sentant la faiblesse
d'une telle ressource, abandonnent-ils ce terrain
ingrat, et du corps ils transportent à l'âme la fin de notre
destinée, en disant que c'est par l'âme que nous aurons des
immensités, des prairies délicieuses de félicités.
"Mais Ithaque n'a point de vastes champs de course".
Il n'y a pas non plus, dans les petites proportions de notre
individu de vastes espaces pour les plaisirs. La jouissance
y est convulsive, et mêlée le plus souvent d'éléments étrangers
et de gémissements spasmodiques.»
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