HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

PLUTARQUE, Oeuvres morales, Qu'il n'est pas même possible de vivre agréablement selon la doctrine d'Épicure

Chapitre 30

  Chapitre 30

[30] XXX. οὐ μὴν ἀλλὰ καὶ λέγουσιν αὑτοῖς κακῶν ἀπαύστων {καὶ} ἀορίστων λυθεῖσαν ὑποψίαν ἀγαθὸν βεβαιότατον καὶ ἥδιστον ἀπολιπεῖν τὴν ἐπίνοιαν τοῦ λελύσθαι· καὶ τοῦτο ποιεῖν τὸν Ἐπικούρου λόγον, ἱστάντα τοῦ θανάτου τὸ δέος ἐν τῇ διαλύσει τῆς ψυχῆς. εἴπερ οὖν ἥδιστόν ἐστιν ἀπαλλαγὴ προσδοκίας κακῶν ἀπείρων, πῶς οὐκ ἀνιαρὸν αἰωνίων ἀγαθῶν ἐλπίδος στερεῖσθαι καὶ τὴν ἀκροτάτην εὐδαιμονίαν ἀποβαλεῖν; ἀγαθὸν μὲν γὰρ οὐδετέροις, ἀλλὰ πᾶσι τοῖς οὖσι τὸ μὴ εἶναι παρὰ φύσιν καὶ ἀλλότριον· ὧν δ´ ἀφαιρεῖ τὰ τοῦ βίου κακὰ τῷ τοῦ θανάτου κακῷ, τὸ ἀναίσθητον ἔχουσι παραμύθιον ὥσπερ ἀποδιδράσκοντες, καὶ τοὐναντίον, οἷς ἐξ ἀγαθῶν εἰς τὸ μηδὲν μεταβολή, φοβερώτατον ὁρῶσι τέλος, ἐν παύσεται τὸ μακάριον. οὐ γὰρ ὡς ἀρχὴν ἑτέρου τὴν ἀναισθησίαν δέδιεν φύσις, ἀλλ´ ὅτι τῶν παρόντων ἀγαθῶν στέρησίς ἐστι. τὸ γάροὐ πρὸς ἡμᾶςπαντὸς ἀναιρέσει τοῦ ἡμετέρου γινόμενον ἤδη πρὸς ἡμᾶς ἐστι τῇ ἐπινοίᾳ, καὶ τὸ ἀναίσθητον οὐ λυπεῖ τότε τοὺς μὴ ὄντας, ἀλλὰ τοὺς ὄντας εἰς τὸ μὴ εἶναι βαπτομένους ὑπ´ αὐτοῦ καὶ μηδαμῶς ἐκδυσομένους. ὅθεν οὐδ´ Κέρβερος οὐδ´ Κωκυτὸς ἀόριστον ἐποίησε τοῦ θανάτου τὸ δέος, ἀλλ´ τοῦ μὴ ὄντος ἀπειλή, μεταβολὴν εἰς τὸ εἶναι πάλιν οὐκ ἔχουσα τοῖς φθαρεῖσι· ’δὶς γὰρ οὐκ ἔστι γενέσθαι, δεῖ δὲ τὸν αἰῶνα μὴ εἶναικατ´ Ἐπίκουρον. εἰ γάρ ἐστι πέρας τῷ {εἶναι τὸ} μὴ εἶναι, τοῦτο δ´ ἀπέραντον καὶ ἀμετάστατον, εὕρηται κακὸν αἰώνιον τῶν ἀγαθῶν στέρησις ἀναισθησίᾳ μηδέποτε παυσομένῃ. καὶ σοφώτερος Ἡρόδοτος εἰπὼν ὡς θεὸς γλυκὺν γεύσας τὸν αἰῶνα φθονερὸς ἐν αὐτῷ ὢν φαίνεται‘, καὶ μάλιστα τοῖς εὐδαιμονεῖν δοκοῦσιν, οἷς δέλεάρ ἐστι λύπης τὸ ἡδύ, γευομένοις ὧν στερήσονται. τίνα γὰρ εὐφροσύνην ἀπόλαυσιν καὶ βρυασμὸν οὐκ ἂν ἐκκρούσειε καὶ καταποντίσειεν ἐμπίπτουσα συνεχῶς ἐπίνοια τῆς ψυχῆς ὥσπερ εἰς πέλαγος ἀχανὲς τὸ ἄπειρον ἐκχεομένης, τῶν ἐν ἡδονῇ τιθεμένων τὸ καλὸν καὶ μακάριον; εἰ δὲ δὴ καὶ μετ´ ἀλγηδόνος, ὥσπερ Ἐπίκουρος οἴεται, τοῖς πλείστοις ἀπόλλυσθαι συμβαίνει, παντάπασιν ἀπαρηγόρητός ἐστιν τοῦ θανάτου φόβος, εἰς ἀγαθῶν στέρησιν διὰ κακῶν ἄγοντος. [30] Cependant les Épicuriens insistent : «Nous ne craignons plus, disent-ils, des maux incessants et infinis; et cette délivrance, laquelle est un bien aussi solide que précieux, nous la devons à l'idée d'un anéantissement total. Or, c'est ce que réalise pour nous la doctrine d'Epicure, puisqu'elle arrête les frayeurs de la mort en présentant la dissolution de l'âme.» Mais si vous admettez qu'il soit très agréable de n'avoir plus en perspective des maux infinis, n'est-il pas cruel d'être privé de l'espérance de biens éternels et de renoncer à la félicité suprême ? Ce ne saurait, pour l'une et l'autre fortune, constituer un bien; et pour tous les êtres c'est une condition qui blesse la nature et qui la révolte, que de rentrer dans le néant. Direz-vous que ceux qui sont délivrés des maux de la vie par le mal de la mort trouvent une consolation dans l'insensibilité? Je répondrai que c'est là fuir en véritables esclaves. Au contraire, ceux qui de la félicité tombent dans le néant n'y voient qu'une fin des plus redoutables, à savoir la cessation de cette félicité. Ce n'est pas comme début d'une autre condition que la nature redoute l'insensibilité, mais comme privation de biens présents. Cette formule même "Que nous importe désormais?" qui suppose l'anéantissement de tout ce qui est nôtre, cette formule, à bien y réfléchir, nous importe grandement; et si l'insensibilité n'afflige pas dans leur néant ceux qui s'y trouvent, elle afflige du moins les vivants : elle les plonge dans un abîme d'où ils ne doivent jamais sortir. Aussi n'est-ce pas Cerbère, n'est-ce pas le Cocyte, qui inspirent une crainte infinie de la mort, c'est la menace du néant, menace qui ne laisse plus aux morts l'espoir de revenir un jour à l'existence. «Il n'est pas possible de naître deux fois, et il faut qu'il n'y ait pas d'éternité», dit Épicure. Or; si «être» cesse par le fait de «ne pas être», et que «ne pas être» constitue un état qui ne doive avoir ni changement ni fin, c'est avoir trouvé l'éternité du mal que de nous priver de tous les biens, puisque c'est nous frapper d'une insensibilité qui n'aura point de terme. Plus ingénieux est Hérodote, disant : «Dieu a donné à l'homme un avant-goût délicieux de l'éternité, et par cela même il montre sa jalousie», surtout envers ceux que nous regardons comme heureux, puisqu'ils trouvent dans leur félicité la matière d'un chagrin : «Nous goûtons, se disent-ils, à des biens dont nous seront privés.» Quelle félicité, en effet, quelles jouissances, quels transports ne seraient renversés et abattus, quand on est constamment sous le poids de cette pensée, à savoir que l'âme doit tomber dans un néant infini comme dans une mer immense, et quand, d'un autre côté, on regarde le plaisir comme l'idéal du beau et de la félicité ! Que si c'est au milieu des souffrances, ainsi que le croit Épicure, que le plus souvent il arrive aux hommes de mourir, rien ne saurait être plus désespérant que la crainte de la mort, puisque pour arriver à la privation des biens il faut passer en outre par l'épreuve des maux.


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Dernière mise à jour : 27/06/2005