[18] XVIII. Εἰ τοίνυν, ὥσπερ λέγουσι, τὸ μεμνῆσθαι τῶν προτέρων
ἀγαθῶν μέγιστόν ἐστι πρὸς τὸ ἡδέως ζῆν, Ἐπικούρῳ
μὲν οὐδ´ ἂν εἷς ἡμῶν πιστεύσειεν ὅτι ταῖς μεγίσταις
ἀλγηδόσι καὶ νόσοις ἐναποθνήσκων ἀντιπαρεπέμπετο
τῇ μνήμῃ τῶν ἀπολελαυσμένων πρότερον ἡδονῶν.
εἰκόνα γὰρ ὄψεως ἐν βυθῷ συνταραχθέντι καὶ κλύδωνι
μᾶλλον ἄν τις ἢ μνήμην ἡδονῆς διαμειδιῶσαν ἐν σφυγμῷ
τοσούτῳ καὶ σπαραγμῷ σώματος ἐπινοήσειε. τὰς δὲ τῶν
πράξεων μνήμας οὐδεὶς ἂν οὐδὲ βουληθεὶς ἐκστήσειεν
ἑαυτοῦ. πότερον γὰρ ἢ πῶς οἷόν τ´ ἦν ἐπιλαθέσθαι τῶν
Ἀρβήλων τὸν Ἀλέξανδρον ἢ τοῦ Λεοντιάδου τὸν Πελοπίδαν
ἢ τῆς Σαλαμῖνος τὸν Θεμιστοκλέα; τὴν μὲν γὰρ ἐν
Μαραθῶνι μάχην ἄχρι νῦν Ἀθηναῖοι καὶ τὴν ἐν Λεύκτροις
Θηβαῖοι καὶ νὴ Δί´ ἡμεῖς τὴν Δαϊφάντου περὶ Ὑάμπολιν
ἑορτάζομεν, ὡς ἴστε, καὶ θυσιῶν καὶ τιμῶν ἡ Φωκὶς ἐμπέπλησται,
καὶ οὐδεὶς ἔστιν ἡμῶν, ἐφ´ οἷς αὐτὸς βέβρωκεν
ἢ πέπωκεν οὕτως ἡδόμενος ὡς ἐφ´ οἷς ἐκεῖνοι κατώρθωσαν.
ἐννοεῖν οὖν πάρεστι, πόση τις εὐφροσύνη καὶ χαρὰ
καὶ γηθοσύνη συνεβίωσεν αὐτοῖς τοῖς τούτων δημιουργοῖς,
ὧν ἐν ἔτεσι πεντακοσίοις καὶ πλείοσιν οὐκ ἀποβέβληκεν
ἡ μνήμη τὸ εὐφραῖνον.
’Καὶ μὴν ἀπὸ δόξης γίνεσθαί τινας ἡδονὰς Ἐπίκουρος
ὡμολόγει.‘ τί δ´ οὐκ ἔμελλεν αὐτὸς οὕτως σπαργῶν
περιμανῶς καὶ σφαδάζων πρὸς δόξαν, ὥστε μὴ μόνον ἀπολέγεσθαι
τοὺς καθηγητὰς μηδὲ Δημοκρίτῳ τῷ τὰ δόγματα
ῥήμασιν αὐτοῖς ἀφαιρουμένῳ ζυγομαχεῖν περὶ συλλαβῶν
καὶ κεραιῶν, σοφὸν δὲ μηδένα φάναι πλὴν αὑτοῦ γεγονέναι
καὶ τῶν μαθητῶν, ἀλλὰ γράφειν ὡς Κωλώτης μὲν αὐτὸν
φυσιολογοῦντα προσκυνήσειε γονάτων ἁψάμενος, Νεοκλῆς
δ´ ὁ ἀδελφὸς εὐθὺς ἐκ παίδων ἀποφαίνοιτο μηδένα σοφώτερον
Ἐπικούρου γεγονέναι μηδ´ εἶναι, ἡ δὲ μήτηρ
ἀτόμους ἔσχεν ἐν ἑαυτῇ τοιαύτας, οἷαι συνελθοῦσαι σοφὸν
ἂν ἐγέννησαν; εἶτ´ οὐχ ὥσπερ Καλλικρατίδας ἔλεγε τὸν
Κόνωνα μοιχεύειν τὴν θάλασσαν, οὕτως ἄν τις εἴποι τὸν
Ἐπίκουρον αἰσχρῶς καὶ κρύφα πειρᾶν καὶ παραβιάζεσθαι
τὴν δόξαν, οὐ τυγχάνοντα φανερῶς ἀλλ´ ἐρῶντα καὶ κατατεινόμενον;
ὥσπερ γὰρ ὑπὸ λιμοῦ τὰ σώματα τροφῆς μὴ
παρούσης ἀναγκάζεται παρὰ φύσιν ὑφ´ αὑτῶν τρέφεσθαι,
τοιοῦτον ἡ φιλοδοξία ποιεῖ κακὸν ἐν ταῖς ψυχαῖς, ὅταν
ἐπαίνων πεινῶντες παρ´ ἑτέρων μὴ τυγχάνωσιν, αὐτοὺς
ἑαυτοὺς ἐπαινεῖν·
| [18] Si donc ce que l'on dit est vrai, si le souvenir de
bonnes actions antérieures est la meilleure des conditions
pour vivre agréablement, il n'est pas un de nous qui doive
croire à cette déclaration d'Épicure que «expirant au milieu
des plus grandes douleurs et des plus grandes maladies,
il leur opposait comme consolation le souvenir des voluptés
dont il avait joui précédemment". La reproduction distincte
de sa propre image au fond d'un bassin agité et sur des
vagues en mouvement se concevrait mieux, en vérité, que
le riant souvenir de jouissances au milieu d'une semblable
fièvre, au milieu de telles convulsions de la douleur. Au
contraire la mémoire des belles actions est tellement durable
que personne, même le voulût-il, ne pourrait la détacher
de soi. Est-ce qu'Alexandre aurait été le maître (comment y
serait-il parvenu?) d'oublier la victoire d'Arbèles ? Pélopidas,
la défaite du tyran Léontiade? Thémistocle, la journée de
Salamine? Celle de Marathon se fête encore aujourd'hui
parmi les Athéniens, comme celle de Leuctres à Thèbes,
comme, par Jupiter, chez nous la victoire de Daïphantus
auprès d'Hyampolis. Ce jour-là, la Phocide est remplie de
sacrifices et d'honneurs décernés à Daïphantus, et il n'y a
personne de nous qui trouve autant de plaisir à manger et à
boire qu'à entendre le récit de ces glorieux exploits. D'après
cela on peut juger au milieu de quelles douceurs, de
quels charmes, de quelle allégresse passèrent leur vie les
auteurs de ces belles actions, puisque la mémoire, même
après cinq cents ans et davantage, n'en a pas perdu encore
son puissant intérêt.
Du reste, Epicure avouait que la gloire peut donner des
plaisirs. Comment n'en serait-il pas convenu, lui qui avait
pour elle une passion et une avidité furieuse? A tel point
que non seulement il prétendait n'avoir jamais eu de maîtres;
qu'avec Démocrite, qui lui avait dicté ses dogmes mot pour
mot, il disputait sur des syllabes et des détails de ponctuation.
C'est peu : il disait au milieu de ses disciples qu'il n'y
avait de sage que lui-même. De plus il écrivait ce qui suit :
«Quand j'interprétais les lois de la nature, Colotès se prosternait
devant moi et embrassait mes genoux. Néoclès
mon frère déclarait, dès ma première enfance, qu'il
n'avait existé et qu'il n'existait aucun mortel plus sage
qu'Epicure. Enfin, celle qui m'a donné le jour avait reçu
en elle autant d'atomes qu'il devait yen avoir de réunis pour
concourir à la création d'un sage.» Eh bien ! Si Callicratidas
disait que Conon entretenait avec la mer un commerce
adultère, ne peut-on pas dire aussi d'Epicure qu'il fait
auprès de la Gloire des tentatives honteuses et secrètes, qu'il
veut lui faire violence, n'obtenant pas d'elle des faveurs publiques
malgré son amour et ses transports ? Car de même
que la faim oblige les corps, faute d'aliments, à se nourrir,
contrairement au voeu de la nature, de leur propre substance,
de même la passion de la gloire corrompt les âmes. Elle force
les gens à se louer eux-mêmes, lorsqu'étant affamés d'éloges
ils n'en obtiennent de personne,
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