[13] XIII. Καίτοι τὰ ἄλλα μὲν ὡς ἡμῖν ἐπῆλθεν {εἰπεῖν} εἴρηται,
μουσικὴν δ´ ὅσας ἡδονὰς καὶ χάριτας οἵας φέρουσαν ἀποστρέφονται
καὶ φεύγουσι, βουλόμενος οὐκ ἄν τις
ἐκλάθοιτο, δι´ ἀτοπίαν ὧν Ἐπίκουρος λέγει, φιλοθέωρον
μὲν ἀποφαίνων τὸν σοφὸν ἐν ταῖς Διαπορίαις καὶ χαίροντα
παρ´ ὁντινοῦν ἕτερον ἀκροάμασι καὶ θεάμασι Διονυσιακοῖς,
προβλήμασι δὲ μουσικοῖς καὶ κριτικῶν φιλολόγοις
ζητήμασιν οὐδὲ παρὰ πότον διδοὺς χώραν, ἀλλὰ
καὶ τοῖς φιλομούσοις τῶν βασιλέων παραινῶν στρατιωτικὰ
διηγήματα καὶ φορτικὰς βωμολοχίας ὑπομένειν μᾶλλον
ἐν τοῖς συμποσίοις ἢ λόγους περὶ μουσικῶν καὶ ποιητικῶν
προβλημάτων περαινομένους. ταυτὶ γὰρ ἐτόλμησε
γράφειν ἐν τῷ περὶ Βασιλείας, ὥσπερ Σαρδαναπάλῳ
γράφων ἢ Νανάρῳ τῷ σατραπεύσαντι Βαβυλῶνος. οὐδὲ
γὰρ Ἱέρων γ´ ἂν οὐδ´ Ἄτταλος οὐδ´ Ἀρχέλαος ἐπείσθησαν
Εὐριπίδην καὶ Σιμωνίδην καὶ Μελανιππίδην καὶ
Κράτητας καὶ Διοδότους ἀναστήσαντες ἐκ τῶν συμποσίων
κατακλῖναι Κάρδακας καὶ Ἀγριάνας μεθ´ ἑαυτῶν
καὶ Καλλίας γελωτοποιοὺς καὶ Θρασωνίδας τινὰς καὶ
Θρασυλέοντας, ὀλολυγμοὺς καὶ κροτοθορύβους ποιοῦντας.
εἰ δὲ Πτολεμαῖος ὁ πρῶτος συναγαγὼν τὸ μουσεῖον τούτοις
ἐνέτυχε τοῖς καλοῖς καὶ βασιλικοῖς παραγγέλμασιν,
ἆρ´ οὐκ ἂν εἶπε ’τοῖς Σαμίοις, ὦ Μοῦσα, τίς ὁ φθόνος;‘
Ἀθηναίων γὰρ οὐδενὶ πρέπει ταῖς Μούσαις οὕτως ἀπεχθάνεσθαι
καὶ πολεμεῖν,
’ὅσσα δὲ μὴ πεφίληκε Ζεύς, ἀτύζονται βοὰν
Πιερίδων ἀίοντα‘.
τί λέγεις, ὦ Ἐπίκουρε; κιθαρῳδῶν καὶ αὐλητῶν ἕωθεν
ἀκροασόμενος εἰς τὸ θέατρον βαδίζεις, ἐν δὲ συμποσίῳ
Θεοφράστου περὶ συμφωνιῶν διαλεγομένου καὶ Ἀριστοξένου
περὶ μεταβολῶν καὶ Ἀριστοτέλους περὶ Ὁμήρου τὰ
ὦτα καταλήψῃ ταῖς χερσὶ δυσχεραίνων καὶ βδελυττόμενος;
εἶτ´ οὐκ ἐμμελέστερον ἀποφαίνουσι τὸν Σκύθην
Ἀτέαν, ὃς Ἰσμηνίου τοῦ αὐλητοῦ ληφθέντος αἰχμαλώτου
καὶ παρὰ πότον αὐλήσαντος ὤμοσεν ἥδιον ἀκούειν τοῦ
ἵππου χρεμετίζοντος; οὐχ ὁμολογοῦσι δὲ τῷ καλῷ πολεμεῖν
τὸν ἄσπονδον καὶ ἀκήρυκτον πόλεμον, εἰ μηδεμία
ἡδονὴ πρόσεστι; τί σεμνὸν καὶ καθάριον ἀσπάζονται καὶ
ἀγαπῶσιν; | οὐκ ἦν δὲ πρὸς τὸ ἡδέως ζῆν ἐπιεικέστερον
μύρα καὶ θυμιάματα δυσχεραίνειν ὡς κάνθαροι καὶ γῦπες
ἢ κριτικῶν καὶ μουσικῶν λαλιὰν βδελύττεσθαι καὶ φεύγειν;
ποῖος γὰρ ἂν αὐλὸς ἢ κιθάρα διηρμοσμένη πρὸς
ᾠδὴν ἢ τίς χορός ’εὐρύοπα κέλαδον ἀκροσόφων ἀγνύμενον
διὰ στομάτων‘ φθεγγόμενος οὕτως εὔφρανεν Ἐπίκουρον
καὶ Μητρόδωρον, ὡς Ἀριστοτέλη καὶ Θεόφραστον
καὶ Δικαίαρχον καὶ Ἱερώνυμον οἱ περὶ χορῶν λόγοι καὶ
διδασκαλίαι καὶ τὰ δι´ αὐλῶν προβλήματα καὶ ῥυθμῶν
καὶ ἁρμονιῶν; οἷον διὰ τί τῶν ἴσων αὐλῶν ὁ στενότερος
〈ὀξύτερον, ὁ δ´ εὐρύτερος〉 βαρύτερον φθέγγεται· καὶ
διὰ τί, τῆς σύριγγος ἀνασπωμένης, πᾶσιν ὀξύνεται τοῖς
φθόγγοις, κλινομένης δὲ πάλιν βαρύνεται, καὶ συναχθεὶς
πρὸς τὸν ἕτερον {βαρύτερον}, διαχθεὶς δ´ ὀξύτερον ἠχεῖ·
καὶ τί δήποτε τῶν θεάτρων ἂν ἄχυρα τῆς ὀρχήστρας
κατασκεδάσῃς, ὁ ἦχος τυφλοῦται, καὶ χαλκοῦν Ἀλέξανδρον
ἐν Πέλλῃ βουλόμενον ποιῆσαι τὸ προσκήνιον οὐκ
εἴασεν ὁ τεχνίτης ὡς διαφθεροῦντα τῶν ὑποκριτῶν τὴν
φωνήν· καὶ τί δήποτε τῶν γενῶν διαχεῖ τὸ χρωματικόν,
ἡ δ´ ἁρμονία συνίστησιν. ἤθη δὲ ποιητῶν καὶ πλάσματα
καὶ διαφοραὶ χαρακτήρων καὶ λύσεις ἀποριῶν ἐν τῷ
πρέποντι καὶ γλαφυρῷ τὸ οἰκεῖον ἅμα καὶ πιθανὸν ἔχουσαι
τὸ τοῦ Ξενοφῶντος ἐκεῖνο μοι δοκοῦσι καὶ τὸν ἐρῶντα ποιεῖν
ἐπιλανθάνεσθαι· τοσοῦτον ἡδονῇ κρατοῦσιν.
| [13] Des autres jouissances intellectuelles frappées d'interdiction
par les Epicuriens, j'ai parlé comme il m'est
venu à l'esprit. Mais il me serait bien impossible d'oublier
comment ils traitent la musique, cette source de tant
de plaisirs et de délices. Ils la repoussent et la proscrivent
avec l'acharnement le plus absurde. Écoutez, à ce propos,
les paroles d'Epicure : "Sans doute, dit-il, le sage aime à
voir les pompes et les spectacles publics. Il se plaît autant
qu'un autre à entendre les concerts qui s'exécutent aux
fêtes de Bacchus; mais pour les questions qui tiennent à la
critique de l'art, pour les recherches d'érudition, il ne les
admet pas même à table. Il y a plus. Si des rois aiment à
s'instruire, le sage leur conseille de subir dans leurs festins
des récits de batailles ou des bouffonneries de mauvais
goût plutôt que des discussions sur des points de musique
et de poésie." Oui, voilà ce qu'Épicure a osé dire
dans son livre "Sur la Royauté". Aurait-il écrit autrement
pour un Sardanapale ou pour un Nanarus, satrape de
Babylone? Car à coup sûr ce n'est pas Hiéron, ce n'est pas
Attale, ce n'est pas Archélaüs, à qui l'on aurait persuadé de
faire sortir de table les Euripide, les Simonide, les Mélanippide,
les Cratès et les Diodote, pour y installer à côté
du prince des Cardace, des Agrias, des Callias, plats bouffons,
ou des Thrasonide et des Thrasyléon, faits pour provoquer
des hurlements et du tapage.
Si Ptolémée, le premier fondateur du musée d'Alexandrie,
avait connu ces belles et royales recommandations,
certes il aurait dit aux Samiens: "O Muse, pourquoi cette
jalousie?» Non, il n'est convenable à aucun Athénien
de professer une telle aversion, une telle inimitié contre les Muses.
"Ceux que hait Jupiter redoutent les douceurs
Des vers délicieux que chantent les neuf soeurs."
Qu'est-ce à dire, ô Épicure! Pour entendre des joueurs
de lyre et des joueurs de flûte, tu vas de grand matin au
théâtre, et si à table Théophraste disserte sur les symphonies,
Aristoxène sur les muances, Aristophane sur Homère,
tu boucheras tes oreilles avec tes mains, en homme que ces
discussions ennuient et fatiguent! N'est-ce pas là déclarer
qu'il y avait plus de convenance chez le Scythe Atéas?
Ayant fait prisonnier le joueur de flûte Isménias, il voulut
l'entendre pendant un festin : "Je jure, s'écria-t-il ensuite,
que j'ai plus de plaisir à entendre les hennissements
de mon cheval.» Les Epicuriens ne déclarent-ils pas ouvertement
une guerre sans trêve ni merci à tout ce qui est
beau, puisque, le plaisir une fois supprimé, ils n'aiment et
ne recherchent rien d'honorable et de pur?
Ne serait-il pas plus judicieux, pour vivre agréablement,
de repousser les parfums et les essences, comme font les
escarbots et les vautours, que de détester et de fuir des
entretiens sur la critique littéraire et sur la musique ?
Jamais flûte ou cithare accompagnées de chant, jamais choeur,
"Composé savamment de voix harmonieuses",
ont-ils charmé autant Épicure et Métrodore, qu'Aristote,
Théophraste, Hiéronyme, Dicéarque, ont trouvé de délices
dans leurs entretiens et leurs leçons sur les choeurs de musique,
sur les questions auxquelles donnent lieu les instruments
à vent, le rhythme et l'harmonie? Ils examinaient,
par exemple, pourquoi de deux flûtes d'inégale grandeur,
la plus étroite rend un son plus grave; pourquoi quand on
élève en l'air un syrinx, tous les tons en deviennent plus
aigus, et pourquoi quand on l'abaisse, ils sont plus graves;
pourquoi un instrument à vent rapproché d'un autre est
plus grave , pourquoi étant éloigné il devient plus aigu;
pourquoi, si dans un théâtre vous répandez de la paille ou
de la poussière sur le sol de l'orchestre, le son est
assourdi; pourquoi, Alexandre voulant faire revêtir de
bronze le devant d'un théâtre à Pella, l'architecte l'en dissuada,
parce que ç'aurait été compromettre la voix des
acteurs; pourquoi, enfin, des divers genres de musique, le
chromatique dilate l'âme et l'enharmonique la met dans une
situation calme. D'un autre côté, les personnages créés par
les poètes, leurs fictions, les différents caractères qu'ils nous
présentent sur la scène, leur talent à dénouer des intrigues
compliquées, sont autant de sujets d'études des plus convenables,
des plus appropriés à l'intelligence, des plus capables
de persuader; et ces sortes d'occupations me semblent
aptes à produire l'effet dont parle Xénophon, à
savoir à faire oublier l'amour même : tant le plaisir procuré
par de telles recherches est plus puissant encore que l'amour!
|