[11] XI. Ἀλλὰ ταῦτα - - - τῆς ψυχῆς, ἐξωθοῦσι δὲ καὶ τὰς
ἀπὸ τῶν μαθημάτων. καίτοι ταῖς μὲν ἱστορίαις ἁπλοῦν
τι καὶ λεῖον ἔστιν, αἱ δ´ ἀπὸ γεωμετρίας καὶ ἀστρολογίας
καὶ ἁρμονικῆς δριμὺ καὶ ποικίλον ἔχουσαι τὸ δέλεαρ οὐθὲν
τῶν ἀγωγίμων ἀποδέουσιν, ἕλκουσαι καθάπερ ἴυγξι τοῖς
διαγράμμασιν· ὧν ὁ γευσάμενος, ἄνπερ ἔμπειρος ᾖ, τὰ
Σοφοκλέους περίεισιν ᾄδων
’μουσομανεῖ δὲ ἐλάμφθην δακέτῳ ποτὶ δειρὰν,
ἔρχομαι δ´ ἔκ τε λύρας ἔκ τε νόμων,
οὓς Θαμύρας περίαλλα μουσοποιεῖ‘
καὶ νὴ Δί´ Εὔδοξος καὶ Ἀρίσταρχος καὶ Ἀρχιμήδης. ὅπου
γὰρ οἱ φιλογραφοῦντες οὕτως ἄγονται τῇ πιθανότητι τῶν
ἔργων, ὥστε Νικίαν γράφοντα τὴν Νεκυίαν ἐρωτᾶν πολλάκις
τοὺς οἰκέτας εἰ ἠρίστηκε, Πτολεμαίου δὲ τοῦ βασιλέως
ἑξήκοντα τάλαντα τῆς γραφῆς συντελεσθείσης πέμψαντος
αὐτῷ, μὴ λαβεῖν μηδ´ ἀποδόσθαι τὸ ἔργον, τίνας
οἰόμεθα καὶ πηλίκας ἡδονὰς ἀπὸ γεωμετρίας δρέπεσθαι
καὶ ἀστρολογίας Εὐκλείδην γράφοντα τὰ διοπτικὰ καὶ
Φίλιππον ἀποδεικνύντα περὶ τοῦ σχήματος τῆς σελήνης
καὶ Ἀρχιμήδην ἀνευρόντα τῇ γωνίᾳ τὴν διάμετρον τοῦ
ἡλίου τηλικοῦτον τοῦ μεγίστου κύκλου μέρος οὖσαν, ἡλίκον
ἡ γωνία τῶν τεσσάρων ὀρθῶν, καὶ Ἀπολλώνιον καὶ
Ἀρίσταρχον ἑτέρων τοιούτων εὑρετὰς γενομένους, ὧν νῦν
ἡ θέα καὶ κατανόησις ἡδονάς τε μεγάλας καὶ φρόνημα
θαυμάσιον ἐμποιεῖ τοῖς μανθάνουσιν; καὶ οὐκ ἄξιον οὐδαμῇ
τὰς ἐκ ’τῶν ὀπτανίων καὶ ματρυλείων ἡδονὰς‘
ἐκείνας | παραβάλλοντα ταύταις καταισχύνειν τὸν Ἑλικῶνα
καὶ τὰς Μούσας,
’ἔνθ´ οὔτε ποιμὴν ἀξιοῖ φέρβειν βοτὰ
οὔτ´ ἦλθέ πω σίδαρος‘·
ἀλλ´ αὗται μέν εἰσιν ὡς ἀληθῶς ’ἀκήρατοι‘ νομαὶ ’μελισ–
σῶν‘, ἐκεῖνα δὲ συῶν καὶ τράγων κνησμοῖς ἔοικε, προσαναπιμπλάντα
τῆς ψυχῆς τὸ παθητικώτατον. ἔστι μὲν
οὖν ποικίλον καὶ ἰταμὸν τὸ φιλήδονον, οὔπω δέ τις ἐρωμένῃ
πλησιάσας ὑπὸ χαρᾶς ἐβουθύτησεν οὐδ´ ηὔξατό τις ἐμπλησθεὶς
ὄψων ἢ πεμμάτων βασιλικῶν εὐθὺς ἀποθανεῖν·
Εὔδοξος δ´ ηὔχετο παραστὰς τῷ ἡλίῳ καὶ καταμαθὼν τὸ
σχῆμα τοῦ ἄστρου καὶ τὸ μέγεθος καὶ τὸ εἶδος ὡς ὁ
Φαέθων καταφλεγῆναι, καὶ Πυθαγόρας ἐπὶ τῷ διαγράμματι
βοῦν ἔθυσεν, ὥς φησιν Ἀπολλόδωρος·
’ἡνίκα Πυθαγόρης τὸ περικλεὲς εὕρετο γράμμα,
κεῖνος ἐφ´ ᾧ λαμπρὴν ἤγαγε βουθυσίην,‘
εἴτε περὶ τῆς ὑποτεινούσης ὡς ἴσον δύναται ταῖς περιεχούσαις
τὴν ὀρθήν, εἴτε πρόβλημα περὶ τοῦ χωρίου τῆς παραβολῆς.
Ἀρχιμήδην δὲ βίᾳ τῶν διαγραμμάτων ἀποσπῶντες
ὑπήλειφον οἱ θεράποντες· ὁ δ´ ἐπὶ τῆς κοιλίας
ἔγραφε τὰ σχήματα τῇ στλεγγίδι, καὶ λουόμενος ὥς
φασιν ἐκ τῆς ὑπερχύσεως ἐννοήσας τὴν τοῦ στεφάνου
μέτρησιν οἷον ἔκ τινος κατοχῆς ἢ ἐπιπνοίας ἐξήλατο βοῶν
’εὕρηκα‘, καὶ τοῦτο πολλάκις φθεγγόμενος ἐβάδιζεν.
οὐδενὸς δ´ ἀκηκόαμεν οὔτε γαστριμάργου περιπαθῶς οὕτως
’βέβρωκα‘ βοῶντος οὔτ´ ἐρωτικοῦ ’πεφίληκα‘, μυρίων
μυριάκις ἀκολάστων γεγονότων καὶ ὄντων· ἀλλὰ καὶ
βδελυττόμεθα τοὺς μεμνημένους δείπνων ἐμπαθέστερον,
ὡς ἐφ´ ἡδοναῖς μικραῖς καὶ μηδενὸς ἀξίαις ὑπερασμενίζοντας.
Εὐδόξῳ δὲ καὶ Ἀρχιμήδει καὶ Ἱππάρχῳ συνενθουσιῶμεν,
καὶ Πλάτωνι πειθόμεθα περὶ τῶν μαθημάτων,
ὡς ἀμελούμενα δι´ ἄγνοιαν καὶ ἀπειρίαν ’ὅμως βίᾳ
ὑπὸ χάριτος αὐξάνεται‘.
| [11] Mais les Epicuriens écartent l'âme loin de cette sorte
do plaisirs. Ils rejettent même la satisfaction que procure
l'étude des mathématiques. L'attrait de l'histoire est simple
et plein de douceur, mais celui que présentent la géométrie,
l'astronomie, la musique, a quelque chose de piquant,
de varié : il n'y manque rien de ce qui excite l'esprit. On
est attiré vers le livre par une sorte de fascination ; et une
fois qu'on y a goûté, on va, pour peu que l'on ne soit pas
tin profane, on va répétant ces vers de Sophocle
"Les Muses m'ont saisi d'un transport poétique.
Aux accents de leur lyre, ineffable musique,
Hors de moi je m'élance, et sur le mont sacré
Près d'elles va s'asseoir Thamyras inspiré."
Inspirés étaient également, qui pourrait le mettre en doute?
les Eudoxe, les Aristarque, les Archimède. Il n'est pas jusqu'aux
peintres eux-mêmes, qui ne soient absorbés par la
séduction de leur travail. Ainsi Nicias peignant l'évocation
des morts demandait souvent à ses domestiques : "Ai-je
diné ?" Quand son tableau fut fini le roi Ptolémée lui envoya
soixante talents, mais Nicias les refusa et ne consentit
pas à se dessaisir de son oeuvre. Quelles nombreuses et
enivrantes délices devons-nous penser que procurèrent la
géométrie et l'astronomie à Euclide, lorsqu'il écrivait son traité
de Dioptrique; à Philippe, lorsqu'il faisait ses démonstrations
sur la figure de la lune; à Archimède, lorsqu'en mesurant
l'angle qui a son sommet dans l'oeil il trouva, que
le diamètre du soleil est une partie du plus grand cercle,
et que cette partie est égale à la portion de l'arc compris
dans un des quatre angles droits ; enfin, à Apollonius et à
Aristarque, auteurs d'autres découvertes analogues, desquelles
encore aujourd'hui la théorie et l'intelligence causent
tant de plaisir et un merveilleux orgueil à ceux qui les
approfondissent !
Ce serait chose tout à fait indigne de comparer à de
semblables jouissances celles qu'on demande aux fourneaux
d'un cuisinier ou au boudoir d'une courtisane. Ce
serait là déshonorer l'Hélicon, ce séjour des Muses,
"Où jamais nul berger ne mena ses troupeaux,
Et que jamais le fer n'a touché ...."
Ces jouissances intellectuelles représentent véritablement
le butin si pur que font les abeilles, tandis que les autres
voluptés rappellent les démangeaisons lascives des pourceaux
et des boucs, et ne remplissent que la partie de l'âme
où dominent les passions. Sans doute l'amour des voluptés
corporelles offre de nombreuses variétés, et rend les hommes
pleins d'exaltation. Mais jusqu'ici personne après avoir
obtenu les faveurs d'une amante n'a offert dans sa joie un
sacrifice aux dieux; personne n'a fait voeu de mourir sur-le-champ,
s'il lui était donné de remplir son ventre des mets
et des friandises d'une table royale. Au contraire, le souhait
d'Eudoxe était de se rapprocher du soleil, de reconnaître
la figure, le grandeur, l'aspect de cet astre, et d'en
être ensuite consumé comme l'avait été Phaéthon. Pythagore
ayant découvert son fameux théorème sacrifia une
hécatombe, comme nous l'apprend Apollodore :
"Après avoir trouvé ce problème fameux
Pythagore voulut sacrifier aux dieux."
(On ne sait trop si ce problème était la démonstration du
carré de l'hypoténuse, lequel est égal à la somme des carrés
construits sur les deux côtés de l'angle droit, ou si c'était la
mesure de l'aire parabolique.)
Quant à ce qui est d'Archimède, ses serviteurs l'arrachaient de force
à ses figures de géométrie pour le frotter d'huile, et lui pendant ce
temps-là en traçait d'autres sur son ventre avec l'étrille. Un jour
qu'on le mettait au bain, l'eau qui se répandit hors de la baignoire
quand il y entrait lui révéla le moyen de déterminer l'alliage de la
couronne du roi. Aussitôt, comme saisi d'une sorte de vertige ou
d'inspiration, il s'élança en criant : "J'ai trouvé" , et répétant ce mot à
plusieurs reprises, il marchait toujours devant lui.
Or nous n'avons jamais entendu de gourmand dire ainsi au plus fort
de sa jouissance : «J'ai mangé «; un amoureux s'écrier: «Elle est à
moi!» Et pourtant il y a eu, il y a des gourmands et des
débauchés par millions et par milliards. Allons plus loin.
On déteste les gens qui rappellent partout avec trop de
passion leurs souvenirs de table, parce que de semblables
jouissances semblent à ceux qui écoutent ces récits être
secondaires et dignes de peu d'intérêt. Au contraire Eudoxe,
Archimède et Hipparque nous font partager leur
enthousiasme, et nous croyons à ce que dit Platon sur les
mathématiques : «En vain la paresse et l'ignorance les
négligent : malgré tout, elles font cependant des progrès à
cause du plaisir qu'elles procurent."
|