[10] X. Ἐννόει γάρ, ὡς δακνόμενοι τὸν Πλάτωνος
ἀναγινώσκομεν Ἀτλαντικὸν καὶ τὰ τελευταῖα τῆς Ἰλιάδος,
οἷον ἱερῶν κλειομένων ἢ θεάτρων ἐπιποθοῦντες τοῦ
μύθου τὸ λειπόμενον. αὐτῆς δὲ τῆς ἀληθείας ἡ μάθησις
οὕτως ἐράσμιόν ἐστι καὶ ποθεινὸν ὡς τὸ ζῆν καὶ τὸ εἶναι,
διὰ τὸ γινώσκειν· τοῦ δὲ θανάτου τὰ σκυθρωπότατα λήθη
καὶ ἄγνοια καὶ σκότος. ᾗ καὶ νὴ Δία μάχονται τοῖς φθείρουσι
τῶν ἀποθανόντων τὴν αἴσθησιν ὀλίγου δεῖν ἅπαντες,
ὡς ἐν μόνῳ τῷ αἰσθανομένῳ καὶ γινώσκοντι τῆς
ψυχῆς τιθέμενοι τὸ ζῆν καὶ τὸ εἶναι καὶ τὸ χαίρειν. ἔστι
γὰρ καὶ τοῖς ἀνιῶσι τὸ μεθ´ ἡδονῆς τινος ἀκούεσθαι· καὶ
ταραττόμενοι πολλάκις ὑπὸ τῶν λεγομένων καὶ κλαίοντες
ὅμως λέγειν κελεύομεν, ὥσπερ οὗτος·
’οἴμοι πρὸς αὐτῷ γ´ εἰμὶ τῷ δεινῷ λέγειν.‘
’κἄγωγ´ ἀκούειν· ἀλλ´ ὅμως ἀκουστέον‘.
ἀλλὰ τοῦτο μὲν ἔοικε τῆς περὶ τὸ πάντα γινώσκειν ἡδονῆς
ἀκρασία τις εἶναι καὶ ῥύσις ἐκβιαζομένη τὸν λογισμόν,
ὅταν δὲ μηδὲν ἔχουσα βλαβερὸν ἢ λυπηρὸν ἱστορία καὶ
διήγησις ἐπὶ πράξεσι καλαῖς καὶ μεγάλαις προσλάβῃ λόγον
ἔχοντα δύναμιν καὶ χάριν, ὡς τὸν Ἡροδότου τὰ Ἑλληνικὰ
καὶ τὰ Περσικὰ τὸν Ξενοφῶντος, ’ὅσσα θ´ Ὅμηρος
ἐθέσπισε θέσκελα εἰδώς‘, ἢ ἃς Περιόδους Εὔδοξος ἢ
Κτίσεις καὶ Πολιτείας Ἀριστοτέλης ἢ Βίους ἀνδρῶν Ἀριστόξενος
ἔγραψεν, οὐ μόνον μέγα καὶ πολὺ τὸ
εὐφραῖνον ἀλλὰ καὶ καθαρὸν καὶ ἀμεταμέλητόν ἐστι. τίς
δ´ ἂν φάγοι πεινῶν καὶ πίοι διψῶν τὰ Φαιάκων ἥδιον ἢ
διέλθοι τὸν Ὀδυσσέως ἀπόλογον τῆς πλάνης; τίς δ´ ἂν
ἡσθείη συναναπαυσάμενος τῇ καλλίστῃ γυναικὶ μᾶλλον ἢ
προσαγρυπνήσας οἷς γέγραφε περὶ Πανθείας Ξενοφῶν ἢ
περὶ Τιμοκλείας Ἀριστόβουλος ἢ Θήβης Θεόπομπος;
| [10] Songez avec quelle douleur cuisante nous lisons l'Atlantique
de Platon et les derniers vers de l'Iliade. Il semble
que nous voyions se fermer devant nous un temple ou un
théâtre : tant nous regrettons que le philosophe et le poète
aient laissé en suspens la fin de leur récit ! Le désir de connaître
la vérité est si vif, si puissant, que c'est pour connaître
que l'on vit, que l'on existe, et la mort ne présente
rien de plus affreux que son oubli, son ignorance et ses ténèbres.
Voilà pourquoi, par Jupiter, contre ceux qui enlèvent
le sentiment aux morts il y a réclamation de la part de
presque tous les hommes : parce que l'on fait consister la
vie, l'être et le plaisir dans le sentiment et dans la connaissance,
deux attributs propres à l'âme. Même les nouvelles
affligeantes nous causent un certain plaisir, parce qu'elles
nous apprennent quelque chose. Que de fois, bien que ce
qu'on nous dit nous jette dans le trouble et provoque nos
gémissements, que de fois nous prions néanmoins que l'on
continue ! Ainsi fait ce personnage de la tragédie :
LE MESSAGER : Ce qui me reste a dire est affreux.
LE ROI : Mon devoir, Quel que soit ce secret, m'oblige à tout savoir.
Il est vrai que ce semble ici être une intempérance du besoin
de tout connaître et comme une violence faite à la
raison. Mais lorsqu'une histoire, un récit qui n'a rien de
fâcheux et de nuisible, ajoutent à la beauté et à la grandeur
des événements la force et le charme du style, lorsqu'un
Hérodote expose l'histoire de la Grèce, un Xénophon,
celle des Perses, "Quand un Homère chante en poète inspiré",
quand un Eudoxe fait la description de la terre, quand un
Aristote expose comment se fondent les cités et les républiques,
quand un Aristoxène écrit la vie des grands hommes,
non seulement le plaisir qu'on éprouve est vif et prolongé,
mais encore il ne saurait y en avoir de plus pur et de plus
exempt de repentir. Quel homme pressé par la faim et la
soif éprouverait plus de satisfaction en mangeant et en buvant
à la cour du roi des Phéaciens, qu'en suivant Ulysse
dans le récit et la justification de ses longs voyages? Qui
aimerait mieux passer la nuit avec la plus belle créature,
que de veiller pour lire les pages consacrées à Panthée par
Xénophon, ou à Timoclée par Aristobule, ou à Thébé par Théopompe?
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