[1129] μηδὲ διάπεμπε βίβλους, πᾶσι καὶ πάσαις
ἐπιδεικνύμενος τὴν σοφίαν, μηδὲ διατάσσου περὶ ταφῆς.’ Τί γὰρ αἱ κοιναὶ
τράπεζαι; τί δ´ αἱ τῶν ἐπιτηδείων καὶ καλῶν σύνοδοι; τί δ´ αἱ τοσαῦται
μυριάδες στίχων ἐπὶ Μητρόδωρον, ἐπ´ Ἀριστόβουλον, ἐπὶ Χαιρέδημον
γραφόμεναι καὶ συντασσόμεναι φιλοπόνως, ἵνα μηδ´ ἀποθανόντες
λάθωσιν, ἂν ἀμνηστίαν νομοθετῇς ἀρετῇ καὶ ἀπραξίαν τέχνῃ καὶ σιωπὴν
φιλοσοφίᾳ καὶ λήθην εὐπραγίᾳ;
Εἰ δ´ ἐκ τοῦ βίου καθάπερ ἐκ συμποσίου φῶς ἀναιρεῖς τὴν γνῶσιν, ὡς
πάντα ποιεῖν πρὸς ἡδονὴν ἐξῇ λανθάνουσιν, λέγε μοι ‘λάθε βιώσας’.
Πάνυ μὲν οὖν, ἂν μεθ´ Ἡδείας βιοῦν μέλλω τῆς ἑταίρας καὶ Λεοντίῳ
συγκαταζῆν. Καί ‘τῷ καλῷ προσπτύειν’ καὶ τἀγαθόν ‘ἐν σαρκὶ καὶ
γαργαλισμοῖς’ τίθεσθαι· ταῦτα δεῖται σκότους τὰ τέλη, ταῦτα νυκτός, ἐπὶ
ταῦτα τὴν λήθην καὶ τὴν ἄγνοιαν. Ἐὰν δέ τις ἐν μὲν φυσικοῖς θεὸν ὑμνῇ καὶ
δίκην καὶ πρόνοιαν, ἐν δ´ ἠθικοῖς νόμον καὶ κοινωνίαν καὶ πολιτείαν, ἐν δὲ
πολιτείᾳ τὸ καλὸν ἀλλὰ μὴ τὴν χρείαν, διὰ τί λάθῃ βιώσας; ἵνα μηδένα
παιδεύσῃ, μηδενὶ ζηλωτὸς ἀρετῆς μηδὲ παράδειγμα καλὸν γένηται; εἰ
Θεμιστοκλῆς Ἀθηναίους ἐλάνθανεν, οὐκ ἂν ἡ Ἑλλὰς ἀπεώσατο Ξέρξην· εἰ
Ῥωμαίους Κάμιλλος, οὐκ ἂν ἡ Ῥώμη πόλις ἔμεινεν· εἰ Δίωνα Πλάτων, οὐκ
ἂν ἠλευθερώθη ἡ Σικελία. Ὡς γὰρ οἶμαι τὸ φῶς οὐ μόνον φανεροὺς ἀλλὰ
καὶ χρησίμους καθίστησιν ἡμᾶς ἀλλήλοις, οὕτως ἡ γνῶσις οὐ μόνον δόξαν
ἀλλὰ καὶ πρᾶξιν ταῖς ἀρεταῖς δίδωσιν. Ἐπαμεινώνδας γοῦν εἰς
τεσσαρακοστὸν ἔτος ἀγνοηθεὶς οὐδὲν ὤνησε Θηβαίους· ὕστερον δὲ
πιστευθεὶς καὶ ἄρξας τὴν μὲν πόλιν ἀπολλυμένην ἔσωσε, τὴν δ´ Ἑλλάδα
δουλεύουσαν ἠλευθέρωσε, καθάπερ ἐν φωτὶ τῇ δόξῃ τὴν ἀρετὴν ἐνεργὸν
ἐπὶ καιροῦ παρασχόμενος.
‘Λάμπει γὰρ ἐν χρείαισιν ὥσπερ εὐγενὴς
χαλκός, χρόνῳ δ´ ἀργῆσαν ἤμυσεν’
Οὐ μόνον ‘στέγος’ ὥς φησι Σοφοκλῆς, ἀλλὰ καὶ ἦθος ἀνδρός, οἷον
εὐρῶτα καὶ γῆρας ἐν ἀπραξίᾳ δι´ ἀγνοίας ἐφελκόμενον. Ἡσυχία δὲ κωφὴ
καὶ βίος ἑδραῖος ἐπὶ σχολῆς ἀποκείμενος οὐ μόνον σώματα ἀλλὰ καὶ
ψυχὰς μαραίνει· καὶ καθάπερ τὰ λανθάνοντα τῶν ὑδάτων τῷ
περισκιάζεσθαι καὶ καθῆσθαι μὴ ἀπορρέοντα σήπεται, οὕτω τῶν ἀκινήτων
βίων, ὡς ἔοικεν, ἄν τι χρήσιμον ἔχωσι, {μὴ ἀπορρεόντων μηδὲ πινομένων}
φθείρονται καὶ ἀπογηράσκουσιν αἱ σύμφυτοι δυνάμεις.
Οὐχ ὁρᾷς, ὅτι νυκτὸς μὲν ἐπιούσης τά τε σώματα δυσεργεῖς
βαρύτητες ἴσχουσι καὶ τὰς ψυχὰς ὄκνοι καταλαμβάνουσιν ἀδρανεῖς, καὶ
συσταλεὶς ὁ λογισμὸς εἰς αὑτὸν ὥσπερ πῦρ ἀμαυρὸν ὑπ´ ἀργίας καὶ
κατηφείας μικρὰ διεσπασμέναις πάλλεται φαντασίαις, ὅσον αὐτὸ τὸ ζῆν τὸν
ἄνθρωπον ὑποσημαίνων, ‘ἦμος δ´ ἠπεροπῆας ἀπεπτοίησεν ὀνείρους’ ὁ
ἥλιος ἀνασχὼν καὶ καθάπερ εἰς ταὐτὸ συμμίξας ἐπέστρεψε καὶ συνώρμησε
τῷ φωτὶ τὰς πράξεις καὶ τὰς νοήσεις τὰς ἁπάντων, ὥς φησι Δημόκριτος,
‘νέα ἐφ´ ἡμέρῃ φρονέοντες’ ἅνθρωποι, τῇ πρὸς ἀλλήλους ὁρμῇ
καθάπερ ἀρτήματι συντόνῳ σπασθέντες ἄλλος ἀλλαχόθεν ἐπὶ τὰς πράξεις
ἀνίστανται;
Δοκῶ δ´ ἐγὼ καὶ τὸ ζῆν αὐτὸ καὶ ὅλως τὸ φῦναι καὶ μετασχεῖν
ἀνθρώπῳ γενέσεως εἰς γνῶσιν ὑπὸ θεοῦ δοθῆναι. Ἔστι δ´ ἄδηλος καὶ
ἄγνωστος ἐν τῷ παντὶ πόλῳ {καὶ} κατὰ μικρὰ καὶ σποράδην φερόμενος·
ὅταν δὲ γένηται, συνερχόμενος αὑτῷ καὶ λαμβάνων μέγεθος ἐκλάμπει καὶ
καθίσταται δῆλος ἐξ ἀδήλου καὶ φανερὸς ἐξ ἀφανοῦς. Οὐ γὰρ εἰς οὐσίαν
ὁδὸς ἡ γένεσις, ὡς ἔνιοι λέγουσιν, ἀλλ´ οὐσίας εἰς γνῶσιν· οὐ γὰρ ποιεῖ
τῶν γινομένων ἕκαστον ἀλλὰ δείκνυσιν,
| [1129] n'envoyez pas à tous vos amis, hommes et femmes, des
écrits, où vous faites parade de sagesse, et ne donnez point des ordres
pour votre sépulture. A quoi bon vos tables communes, et ces
assemblées nombreuses de parents et de jeunes gens distingués par leur
beauté? Pourquoi tant de milliers de vers, composés si laborieusement,
sur Métrodore, sur Aristobule et sur Charidème ? Est-ce afin qu'après leur
mort ils soient ignorés? Est-ce pour condamner, par vos lois suprêmes, la
vertu à l'oubli, les arts à l'inaction, la philosophie au silence, et le bonheur
à l'obscurité? Si vous voulez ôter aux hommes la connaissance qu'ils ont
les uns des autres, et faire de leur vie comme un festin sans lumières, et
cela afin qu'on ne sache pas que vous faites tout pour une volupté
obscure, à la bonne heure, cachez votre vie. Je le ferais moi-même, si, la
passant tout entière avec une courtisane, telle qu'Hédia ou Léontium, je
devais fouler aux pieds toute espèce d'honnêteté, et placer le souverain
bien dans les plaisirs des sens. Ces sortes de jouissances veulent la nuit
et les ténèbres; c'est sur elles qu'il faut étendre le voile de l'oubli et de
l'ignorance.
Mais l'homme qui, en faisant des recherches sur la nature, a appris à
célébrer son auteur, à louer sa justice et sa providence ; celui qui, dans la
morale, rend hommage à la loi, à la société, au gouvernement de la chose
publique ; qui, dans l'administration, a plutôt l'honnêteté en vue que
l'utilité, pourquoi cacherait-il sa vie ? pourquoi ne voudrait-il instruire
personne, et ne donner ni le désir ni l'exemple de bien faire? Si
Thémistocle eût été ignoré des Athéniens, jamais la Grèce n'aurait
repoussé Xerxès; si Camille n'eût pas été connu des Romains, Rome ne
subsisterait plus ; et si Platon ne se fût pas fait connaître à Dion, la Sicile
n'aurait pas été délivrée de ses tyrans. C'est par le moyen de la lumière,
que nous pouvons nous connaître les uns les autres, et nous rendre des
services mutuels; c'est aussi en se faisant connaître, qu'on procure à la
vertu, non seulement de l'éclat, mais encore la faculté de s'exercer.
Epaminondas, qui vécut dans l'obscurité jusqu'à l'âge de quarante ans, ne
rendit, pendant tout ce temps, aucun service aux Thébains; mais ensuite
s'étant fait connaître, et ayant été mis à la tête des armées, il sauva sa
patrie, qui était sur le penchant de sa ruine ; il affranchit la Grèce de la
servitude, et prouva que la réputation est comme une lumière qui met la
vertu en évidence, et lui donne les occasions d'agir.
"On voit briller l'airain que l'usage a poli;
La maison négligée a bientôt dépéri",
dit Sophocle. Il en est ainsi du génie de l'homme : enfoncé dans
l'obscurité et dans l'oubli, il contracte de la rouille et vieillit. Un repos
stérile, une vie oisive, énervent non seulement les corps, mais les esprits ;
et comme des eaux stagnantes et cachées sous l'ombrage des arbres se
corrompent faute de mouvement, de même, dans une vie tranquille et
obscure, qui ne met point en activité les dispositions utiles que nous
avons, les facultés naturelles s'altèrent et vieillissent. Ne voyez-vous pas
qu'aux approches de la nuit, le corps éprouve des pesanteurs pénibles ;
que l'ame sent une langueur qui la réduit presque à l'inaction ; que la
raison, perdant de son ressort, agitée par des imaginations vagues et
incertaines, et semblable à un feu qui s'éteint, tombe dans la langueur et
l'abattement, état qui prouve sensiblement combien est faible la vie
de l'homme ?
"Mais quand l'astre du jour a banni ces vains songes",
et que sa vive lumière ramène l'ordre dans les pensées et les actions
des hommes, qu'elle les réveille et les met en mouvement, suivant
l'expression de Démocrite, alors, ranimés par l'éclat nouveau du jour,
épris d'un vif désir de se voir et de s'entretenir les uns les autres, de
renouveler un commerce qui fait le plus doux assaisonnement de la vie,
ils se lèvent promptement pour vaquer, chacun de son côté, à leurs
occupations particulières.
Pour moi, je pense que Dieu ne nous a donné la vie, et en général
l'être et l'humanité, qu'afin que nous fussions connus. L'homme est
entièrement ignoré, tant que les molécules de matière dont il est formé
errent au hasard dans l'espace infini de l'univers ; mais quand ces
molécules se sont réunies pour l'organiser, et qu'il a acquis sa forme
naturelle, alors il brille dans tout son éclat, et de l'état d'obscurité qui le
laissait caché, il passe à la lumière qui le manifeste à tout le monde. Car
la connaissance n'est pas le chemin à l'existence, comme quelques uns le
prétendent : c'est au contraire l'existence qui mène à la connaissance ;
car celle-ci ne fait pas que les choses existent, elle les montre seulement ;
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