[1128] ΕΙ ΚΑΛΩΣ ΕΙΡΗΤΑΙ ΤΟ ΛΑΘΕ ΒΙΩΣΑΣ.
Ἀλλ´ οὐδ´ ὁ τοῦτ´ εἰπὼν λαθεῖν ἠθέλησεν· αὐτὸ γὰρ τοῦτ´ εἶπεν, ἵνα
μὴ λάθῃ, ὥς τι φρονῶν περιττότερον, ἐκ τῆς εἰς ἀδοξίαν προτροπῆς δόξαν
ἄδικον ποριζόμενος.
‘Μισῶ σοφιστήν, ὅστις οὐχ αὑτῷ σοφός’.
Τοὺς μὲν γὰρ περὶ Φιλόξενον τὸν Ἐρύξιδος καὶ Γνάθωνα τὸν
Σικελιώτην ἐπτοημένους περὶ τὰ ὄψα λέγουσιν ἐναπομύττεσθαι ταῖς
παροψίσιν, ὅπως τοὺς συνεσθίοντας διατρέψαντες αὐτοὶ μόνοι τῶν
παρακειμένων ἐμφορηθῶσιν· οἱ δ´ ἀκράτως φιλόδοξοι καὶ κατακόρως
διαβάλλουσιν ἑτέροις τὴν δόξαν ὥσπερ ἀντερασταῖς, ἵνα τυγχάνωσιν
αὐτῆς ἀνανταγωνίστως, καὶ ταὐτὰ τοῖς ἐρέσσουσι ποιοῦσιν· ὡς γὰρ ἐκεῖνοι,
πρὸς τὴν πρύμναν ἀφορῶντες τῆς νεὼς τῇ κατὰ πρῷραν ὁρμῇ
συνεργοῦσιν, ὡς ἂν ἐκ τῆς ἀνακοπῆς παλίρροια καταλαμβάνουσα
συνεπωθῇ τὸ πορθμεῖον, οὕτως οἱ τὰ τοιαῦτα παραγγέλματα διδόντες
ὥσπερ ἀπεστραμμένοι τὴν δόξαν διώκουσιν. Ἐπεὶ τί λέγειν ἔδει τοῦτο, τί δὲ
γράφειν καὶ γράψαντα ἐκδιδόναι πρὸς τὸν μετὰ ταῦτα χρόνον, εἰ λαθεῖν
ἐβούλετο; Ἢ λαθεῖν ἐβούλετο τοὺς ὄντας ὁ μηδὲ τοὺς ἐσομένους;
Ἀλλὰ τοῦτο μὲν ἐῶμεν· αὐτὸ δὲ τὸ πρᾶγμα πῶς οὐ πονηρόν; ‘λάθε
βιώσας’—ὡς τυμβωρυχήσας; ἆρ´ αἰσχρόν ἐστι τὸ ζῆν, ἵν´ ἀγνοώμεθα
πάντες; Ἐγὼ δ´ ἂν εἴποιμι·
‘Μηδὲ κακῶς βιώσας λάθε, ἀλλὰ γνώσθητι σωφρονίσθητι
μετανόησον· εἴτ´ ἀρετὴν ἔχεις, μὴ γένῃ ἄχρηστος, εἴτε κακίαν, μὴ μείνῃς
ἀθεράπευτος.’
Μᾶλλον δὲ διελοῦ καὶ διόρισον, τίνι τοῦτο προστάττεις· εἰ μὲν ἀμαθεῖ
καὶ πονηρῷ καὶ ἀγνώμονι, οὐδὲν διαφέρεις τοῦ λέγοντος ‘λάθε πυρέττων’
καὶ ‘λάθε φρενιτίζων, μὴ γνῷ σε ὁ ἰατρός· ἴθι ῥίψας ποι κατὰ σκότους
σεαυτόν, ἀγνοούμενος σὺν τοῖς πάθεσιν’. Φῂς γὰρ καὶ σύ· ‘ἴθι τῇ κακίᾳ
νόσον ἀνήκεστον νοσῶν καὶ ὀλέθριον, ἀποκρύπτων τοὺς φθόνους, τὰς
δεισιδαιμονίας ὥσπερ τινὰς σφυγμούς, δεδιὼς παρασχεῖν τοῖς νουθετεῖν
καὶ ἰᾶσθαι δυναμένοις.’ Οἱ δὲ σφόδρα παλαιοὶ καὶ τοὺς νοσοῦντας
φανερῶς προσεῖχον· τούτων δ´ ἕκαστος εἴ τι πρόσφορον ἔχοι, παθὼν
αὐτὸς ἢ παθόντα θεραπεύσας, ἔφραζε τῷ δεομένῳ· καὶ τέχνην οὕτω φασὶν
ἐκ πείρας συνερανιζομένην μεγάλην γενέσθαι. Ἔδει δὴ καὶ τοὺς νοσώδεις
βίους καὶ τὰ τῆς ψυχῆς παθήματα πᾶσιν ἀπογυμνοῦν, καὶ ἅπτεσθαι καὶ
λέγειν ἕκαστον ἐπισκοποῦντα τὰς διαθέσεις· ‘ὀργίζῃ; τοῦτο φύλαξαι·
ζηλοτυπεῖς; ἐκεῖνο ποίησον· ἐρᾷς; κἀγώ ποτ´ ἠράσθην ἀλλὰ μετενόησα.’
Νῦν δ´ ἀρνούμενοι ἀποκρυπτόμενοι περιστέλλοντες ἐμβαθύνουσι τὴν
κακίαν ἑαυτοῖς.
Καὶ μὴν εἴ γε τοῖς χρηστοῖς λανθάνειν καὶ ἀγνοεῖσθαι παραινεῖς,
Ἐπαμεινώνδᾳ λέγεις ‘μὴ στρατήγει’ καὶ Λυκούργῳ ‘μὴ νομοθέτει’ καὶ
Θρασυβούλῳ ‘μὴ τυραννοκτόνει’ καὶ Πυθαγόρᾳ ‘μὴ παίδευε’ καὶ Σωκράτει
‘μὴ διαλέγου’, καὶ σεαυτῷ πρῶτον, Ἐπίκουρε ‘μὴ γράφε τοῖς ἐν Ἀσίᾳ φίλοις
μηδὲ τοὺς ἀπ´ Αἰγύπτου ξενολόγει μηδὲ τοὺς Λαμψακηνῶν ἐφήβους
δορυφόρει·
| [1128] S'IL EST VRAI QU'IL FAILLE MENER UNE VIE CACHÉE.
Celui qui a le premier avancé cette maxime : Cache ta vie, n'a pas
voulu lui-même rester ignoré. Il ne l'a publiée qu'afin qu'on sût qu'il avait
dit quelque chose de plus sensé que d'autres. En nous exhortant à vivre
dans l'obscurité, il a affecté une réputation injuste ; car, à mon avis,
"Un sage est odieux s'il ne l'est pour lui-même".
On rapporte que Polyxène, fils d'Eryxis, et Gnathon le Sicilien, deux
hommes fort gloutons, se mouchaient dans les plats, afin qu'en
dégoûtant par là les convives d'en manger, ils pussent s'en gorger à leur
aise ; de même, ceux qui ont un amour excessif de la gloire la déprécient
devant les autres, pour pouvoir en jouir sans concurrents. Les rameurs,
tournés du côté de la poupe, chassent en avant la proue, par l'action qu'ils
impriment aux rames dans un sens contraire à la direction du vaisseau.
C'est à peu près ce que font ceux qui nous donnent de semblables
préceptes ; ils courent après la gloire en faisant semblant de lui tourner le
dos. Pourquoi avancer une telle maxime? à quoi bon l'écrire, ou qu'était-il
besoin de la transmettre à la postérité? Si son auteur voulait rester
inconnu à ses contemporains, pourquoi chercher à se faire connaître de
ceux qui viendraient après lui?
Comment ne pas trouver mauvais le conseil de cacher sa vie,
c'est-à-dire de s'ensevelir tout vivant? Est-il donc si honteux de vivre,
qu'on doive chercher à être ignoré de tout le monde ? Pour moi, je dirais
au contraire : Gardez-vous de cacher votre vie, quand même elle serait
mauvaise; faites-la plutôt connaître, afin de vous corriger et de réformer
votre conduite. Si vous êtes vertueux, ne soyez pas un homme inutile; si
vous avez des vices, ne vous refusez pas à les voir guérir. Mais vous qui
donnez ce conseil, prenez garde à qui vous l'adressez ; est-ce à un
homme ignorant, vicieux et insensé ? C'est comme si vous disiez à un
malade : Avez-vous la fièvre, ou êtes-vous en frénésie, ayez soin de le
cacher et de n'en rien dire à votre médecin ; enfoncez-vous dans des
ténèbres profondes où personne ne puisse connaître votre maladie. Vous
dites de même à l'homme vicieux : Cachez vos vices ; rendez vos maux
incurables, et vos blessures mortelles, en célant cette envie et cette
superstition qui tourmentent votre ame ; gardez-vous de vous en ouvrir à
ceux qui pourraient vous éclairer et vous guérir. Dans les temps les plus
anciens, c'était l'usage d'exposer les malades en public, et les passants
qui avaient eu la même maladie qu'eux, ou qui en avaient vu guérir
d'autres, en indiquaient le remède; et c'est ainsi, dit-on, que l'art, aidé par
l'expérience, fit de grands progrès. Il faudrait de même découvrir à tout
le monde les maux de la vie et les passions de l'ame, afin que chacun,
après les avoir attentivement examinés, pût nous dire : Vous êtes sujet à
la colère, évitez ce qui vous y conduit; l'envie vous tourmente , usez de tel
remède ; vous êtes amoureux, je l'ai été autrefois, mais je m'en suis
corrigé. Pour ceux qui nient leurs vices, qui les cachent ou les déguisent,
ils ne font que s'y plonger de plus en plus.
Est-ce aux hommes vertueux que vous conseillez de se cacher et de
vivre ignorés? Alors c'est dire à Epaminondas : Ne commandez
point les aimées ; à Lycurgue : Ne soyez pas législateur ; à Thrasybule :
Ne délivrez point votre patrie de ses tyrans; à Pythagore : Ne formez
point de disciples; à Socrate : Ne raisonnez avec personne. C'est,
Epicure, vous dire à vous-même, tout le premier : N'écrivez pas à vos
amis d'Asie; ne recevez pas chez vous les étrangers qui vous viennent
d'Egypte ; n'accompagnez point, par honneur, les jeunes gens de
Lampsaque;
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