[8] ἐπεὶ δὲ μακρόν τινα καὶ δυσχερῆ πόλεμον οἱ ἐν ἄστει
περὶ τῆς Σαλαμινίων νήσου Μεγαρεῦσι πολεμοῦντες ἐξέκαμον,
καὶ νόμον ἔθεντο μήτε γράψαι τινὰ μήτ' εἰπεῖν αὖθις ὡς χρὴ
τὴν πόλιν ἀντιποιεῖσθαι τῆς Σαλαμῖνος, ἢ θανάτῳ ζημιοῦσθαι,
βαρέως φέρων τὴν ἀδοξίαν ὁ Σόλων, καὶ τῶν νέων ὁρῶν
πολλοὺς δεομένους ἀρχῆς ἐπὶ τὸν πὸλεμον, αὐτοὺς δὲ μὴ
θαρροῦντας ἄρξασθαι διὰ τὸν νόμον, ἐσκήψατο μὲν ἔκστασιν
τῶν λογισμῶν, (2) καὶ λόγος εἰς τὴν πόλιν ἐκ τῆς οἰκίας διεδόθη
παρακινητικῶς ἔχειν αὐτόν, ἐλεγεῖα δὲ κρύφα συνθεὶς καὶ
μελετήσας ὥστε λέγειν ἀπὸ στόματος, ἐξεπήδησεν εἰς τὴν
ἀγορὰν ἄφνω πιλίδιον περιθέμενος. ὄχλου δὲ πολλοῦ
συνδραμόντος ἀναβὰς ἐπὶ τὸν τοῦ κήρυκος λίθον ἐν ᾠδῇ
διεξῆλθε τὴν ἐλεγείαν, ἧς ἐστιν ἀρχή·
αὐτὸς κῆρυξ ἦλθον ἀφ' ἱμερτῆς Σαλαμῖνος,
κόσμον ἐπέων ᾠδὴν ἀντ' ἀγορῆς θέμενος.
(3) τοῦτο τὸ ποίημα Σαλαμὶς ἐπιγέγραπται καὶ στίχων ἑκατόν
ἐστι, χαριέντως πάνυ πεποιημένον. τότε δὲ ᾀσθέντος αὐτοῦ καὶ
τῶν φίλων τοῦ Σόλωνος ἀρξαμένων ἐπαινεῖν, μάλιστα δὲ τοῦ
Πεισιστράτου τοῖς πολίταις ἐγκελευομένου καὶ παρορμῶντος
πεισθῆναι τῷ λέγοντι, λύσαντες τὸν νόμον αὖθις ἥπτοντο τοῦ
πολέμου, προστησάμενοι τὸν Σόλωνα.
(4) τὰ μὲν οὖν δημώδη τῶν λεγομένων τοιαῦτ' ἐστίν, ὅτι
πλεύσας ἐπὶ Κωλιάδα μετὰ τοῦ Πεισιστράτου, καὶ καταλαβὼν
αὐτόθι πάσας τὰς γυναῖκας τῇ Δήμητρι τὴν πάτριον θυσίαν
ἐπιτελούσας, ἔπεμψεν ἄνδρα πιστὸν εἰς Σαλαμῖνα
προσποιούμενον αὐτόμολον εἶναι, κελεύοντα τοὺς Μεγαρεῖς, εἰ
βούλονται τῶν Ἀθηναίων τὰς πρώτας λαβεῖν γυναῖκας, ἐπὶ
Κωλιάδα μετ' αὐτοῦ πλεῖν τὴν ταχίστην. (5) ὡς δὲ πεισθέντες οἱ
Μεγαρεῖς ἄνδρας ἐξέπεμψαν ἐν τῷ πλοίῳ καὶ κατεῖδεν ὁ
Σόλων τὸ πλοῖον ἐλαυνόμενον ἀπὸ τῆς νήσου, τὰς μὲν
γυναῖκας ἐκποδὼν ἀπελθεῖν ἐκέλευσε, τῶν δὲ νεωτέρων τοὺς
μηδέπω γενειῶντας ἐνδύμασι καὶ μίτραις καὶ ὑποδήμασι τοῖς
ἐκείνων σκευασαμένους καὶ λαβόντας ἐγχειρίδια κρυπτὰ
παίζειν καὶ χορεύειν προσέταξε πρὸς τῇ θαλάσσῃ, μέχρις ἂν
ἀποβῶσιν οἱ πολέμιοι καὶ γένηται τὸ πλοῖον ὑποχείριον. (6)
οὕτω δὴ τούτων πραττομένων, ὑπαχθέντες οἱ Μεγαρεῖς τῇ ὄψει
καὶ προσμίξαντες ἐγγύς, ἐξεπήδων ὡς ἐπὶ γυναῖκας,
ἁμιλλώμενοι πρὸς ἀλλήλους, ὥστε μηδένα διαφυγεῖν, ἀλλὰ
πάντας ἀπολέσθαι, καὶ τὴν νῆσον ἐπιπλεύσαντας εὐθὺς ἔχειν
τοὺς Ἀθηναίους.
| [8] IX. Les Athéniens, fatigués de la guerre aussi longue que malheureuse qu'ils
soutenaient contre les Mégariens, auxquels ils contestaient la possession de l'île de
Salamine, défendirent, par un décret, sous peine de mort, de jamais rien proposer,
ni par écrit ni de vive voix, pour en revendiquer la propriété. Solon, indigné d'un décret
si honteux, voyant d'ailleurs que le plus grand nombre des jeunes gens ne demandait
pas mieux que de recommencer la guerre, mais qu'ils n'osaient le proposer, retenus
par la crainte de la loi, imagina de contrefaire le fou, et fit répandre dans la ville, par
les gens mêmes de sa maison, qu'il avait perdu l'esprit. Cependant il composa en
secret une élégie qu'il apprit par coeur; et un jour étant sorti brusquement de chez
lui, avec un chapeau sur sa tête, il courut à la place publique. Là, le peuple
s'étant assemblé autour de lui, il monta sur la pierre d'où les hérauts faisaient leurs
proclamations, et chanta cette élégie qui commençait par ces mots : "Je viens de
Salamine, et je vais vous chanter Les beaux vers qu'Apollon a daigné me dicter". Ce
poème est appelé Salamine, et contient cent vers qui sont d'une grande beauté. Il
n'eut pas plutôt fini de les chanter, que ses amis en firent l'éloge; Pisistrate, de son
côté, encouragea si bien les Athéniens à en croire Solon, que le décret fut révoqué, la
guerre déclarée, et Solon nommé général. X. L'opinion la plus commune sur cette
expédition, c'est qu'il s'embarqua avec Pisistrate, qu'il fit voile vers le promontoire
de Coliade, où il trouva toutes les femmes athéniennes rassemblées pour faire à
Cérès un sacrifice solennel. Il envoie sur-le-champ à Salamine un homme de
confiance qui, se donnant pour un transfuge, propose aux Mégariens, alors maîtres
de cette île, de le suivre sans retard au promontoire de Coliade, où ils pourront
enlever les principales femmes d'Athènes. Les Mégariens, sur sa parole, dépêchent à
l'heure même un vaisseau rempli de soldats. Solon ayant vu ce vaisseau sortir de
Salamine, renvoie promptement toutes les femmes, fait prendre leurs coiffures et
leurs vêtements aux jeunes Athéniens qui n'avaient pas encore de barbe; et, après
leur avoir fait cacher des poignards sous leurs robes, il leur ordonne d'aller jouer et
danser sur le rivage jusqu'à ce que les ennemis fussent descendus à terre, et que le
vaisseau ne pût lui échapper. Cet ordre fut exécuté : les Mégariens, trompés par ces
danses, débarquèrent avec sécurité, et se précipitèrent à l'envi pour enlever ces
prétendues femmes; mais ils furent tous tués, sans qu'il en échappât un seul; et les
Athéniens s'étant embarqués à l'instant même, se rendirent maîtres de Salamine.
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