[27] οὐ μὴν ἀλλ' ὅ γε Νικίας ἐπειρᾶτο καὶ φωνῇ καὶ
προσώπῳ καὶ δεξιώσει κρείττων ὁρᾶσθαι τῶν δεινῶν. καὶ παρὰ
πᾶσάν γε τὴν πορείαν ἐφ' ἡμέρας ὀκτὼ βαλλόμενος καὶ
τραυματιζόμενος ὑπὸ τῶν πολεμίων ἀήττητον ἐφύλαττε τὴν
σὺν αὐτῷ δύναμιν, ἄχρι οὗ Δημοσθένης ἑάλω καὶ τὸ μετ'
ἐκείνου στράτευμα, περὶ τὴν Πολυζήλειον αὐλὴν ἐν τῷ
διαμάχεσθαι καὶ ὑπολείπεσθαι κυκλωθέν. (2) αὐτὸς δὲ
Δημοσθένης σπασάμενος τὸ ξίφος ἔπληξε μὲν ἑαυτόν, οὐ μὴν
ἀπέθανε, ταχὺ τῶν πολεμίων περισχόντων καὶ συλλαβόντων
αὐτόν. ὡς δὲ τῷ Νικίᾳ προσελάσαντες ἔφραζον οἱ Συρακούσιοι
καὶ πέμψας ἱππέας ἔγνω τὴν ἐκείνου τοῦ στρατεύματος
ἅλωσιν, ἠξίου σπείσασθαι πρὸς τὸν Γύλιππον, ὅπως ἀφῶσι
τοὺς Ἀθηναίους ἐκ Σικελίας ὅμηρα λαβόντες ὑπὲρ τῶν
χρημάτων ὅσα Συρακουσίοις ἀνάλωτο πρὸς τὸν πόλεμον. οἱ δ'
οὐ προσεῖχον, (3) ἀλλὰ πρὸς ὕβριν καὶ μετ' ὀργῆς ἀπειλοῦντες
καὶ λοιδοροῦντες ἔβαλλον ἤδη πάντων ἐνδεῶς ἔχοντα τῶν
ἀναγκαίων. οὐ μὴν ἀλλὰ καὶ τὴν νύκτα διεκαρτέρησε καὶ τὴν
ἐπιοῦσαν ἡμέραν προῄει βαλλόμενος πρὸς τὸν Ἀσίναρον
ποταμόν. ἐκεῖ δὲ τοὺς μὲν οἱ πολέμιοι συνενεγκόντες ἐνέσεισαν
εἰς τὸ ῥεῖθρον, οἱ δὲ φθάνοντες ὑπὸ δίψους ἔρριπτον ἑαυτούς·
(4) καὶ πλεῖστος ἐνταῦθα μόρος ἦν καὶ ὠμότατος ἐν τῷ ποταμῷ
πινόντων ἅμα καὶ σφαττομένων, ἄχρι Νικίας Γυλίππῳ
προσπεσὼν εἶπεν· “ἔλεος ὑμᾶς, ὦ Γύλιππε, λαβέτω νικῶντας,
ἐμοῦ μὲν μηδείς, ὃς ἐπὶ τηλικαύταις εὐτυχίαις ὄνομα καὶ δόξαν
ἔσχον, τῶν δ' ἄλλων Ἀθηναίων, ἐννοηθέντας ὅτι κοιναὶ μὲν αἱ
τύχαι τοῦ πολέμου, μετρίως δ' αὐταῖς καὶ πρᾴως ἐχρήσαντο ἐν
οἷς εὐτύχουν Ἀθηναῖοι πρὸς ὑμᾶς.” (5) τοιαῦτα τοῦ Νικίου
λέγοντος ἔπαθε μέν τι καὶ πρὸς τὴν ὄψιν αὐτοῦ καὶ πρὸς τοὺς
λόγους ὁ Γύλιππος· ᾔδει γὰρ τοὺς Λακεδαιμονίους εὖ
πεπονθότας ὑπ' αὐτοῦ περὶ τὰς γενομένας διαλύσεις· μέγα δ'
ἡγεῖτο πρὸς δόξαν εἰ ζῶντας ἀπαγάγοι τοὺς ἀντιστρατήγους.
διὸ τόν τε Νικίαν ἀναλαβὼν ἐθάρρυνε καὶ τοὺς ἄλλους ζωγρεῖν
παρήγγειλε. βραδέως δὲ τοῦ παραγγέλματος διϊκνουμένου
πολλῷ τῶν φονευθέντων ἐλάττονες οἱ διασωθέντες ἐγένοντο·
καίτοι πολλοὶ διεκλάπησαν ὑπὸ τῶν στρατιωτῶν. (6) τοὺς δὲ
φανερῶς ἑαλωκότας ἀθροίσαντες τὰ μὲν κάλλιστα καὶ μέγιστα
δένδρα τῶν περὶ τὸν ποταμὸν ἀνέδησαν αἰχμαλώτοις
πανοπλίαις, ἐστεφανωμένοι δὲ αὐτοὶ καὶ κοσμήσαντες τοὺς
ἵππους διαπρεπῶς, κείραντες δὲ τοὺς τῶν πολεμίων
εἰσήλαυνον εἰς τὴν πόλιν, ἀγῶνα λαμπρότατον ὧν Ἕλληνες
πρὸς Ἕλληνας ἠγωνίσαντο καὶ νίκην τελεωτάτην κράτει
πλείστῳ καὶ ῥώμῃ μεγίστῃ προθυμίας καὶ ἀρετῆς
κατωρθωκότες.
| [27] Cependant
Nicias s'efforçait, par le ton de sa voix, par la sérénité de son visage, par l'accueil
obligeant qu'il faisait à tout le monde, de se montrer supérieur à tant de maux.
Pendant huit jours de marche que les ennemis ne cessèrent de charger ses soldats et
de les couvrir de blessures, il ne se laissa pas entamer, jusqu'à ce que Démosthène,
qui faisait l'arrière-garde, eût été pris et enveloppé avec toute son armée, dans un
village appelé Polyzélium, où il s'était défendu avec beaucoup de courage. Ce
général, se voyant sans ressource, se perça de son épée; mais il ne mourut pas du
coup, et les ennemis étant survenus l'environnèrent, et se saisirent de lui. XXXVIII.
Nicias, informé de ce désastre par quelques cavaliers syracusains, détacha
quelques-uns des siens, qui lui assurèrent que cette portion de son armée était au
pouvoir des ennemis. Alors il fit proposer à Gylippe de traiter avec lui pour la libre sortie des
Athéniens de la Sicile, et lui offrit des otages pour caution du remboursement de tous
les frais que Syracuse avait faits dans cette guerre. Les Syracusains rejetèrent avec
fierté ses propositions, et s'emportant contre lui en paroles outrageantes, ils
recommencèrent à le charger, n'ignorant pas qu'il était réduit à la dernière extrémité.
Il ne laissa pas cependant de soutenir toute la nuit les attaques des ennemis; et le
lendemain il s'avança vers le fleuve Asinarus, toujours accablé par les ennemis
d'une grêle de traits. Arrivés sur les bords du fleuve, les uns y furent précipités par
les Syracusains, et les autres, dévorés par la soif, s'y étaient déjà jetés d'eux-mêmes.
C'est là que se fit le plus grand et plus horrible carnage; on les massacrait sans pitié,
pendant qu'ils se désaltéraient. Enfin, Nicias s'étant jeté aux pieds du général
spartiate : « Gylippe, lui dit-il, au milieu de la victoire, ayez pitié, non pas de moi, à
qui de si grands malheurs ont acquis assez de réputation, mais de ces infortunés
Athéniens. Pensez, en ce môment, que les revers de la guerre sont communs à tous
les hommes, et souvenezvous que les Athéniens ont toujours usé modérément de
leurs victoires sur les Lacédémoniens. » Les paroles de Nicias et le spectacle de ses
malheurs touchèrent vivement Gylippe; il savait que les Spartiates avaient eu à se
louer de lui dans le dernier traité; il pensait d'ailleurs que rien ne lui serait plus
glorieux que d'emmener captifs les généraux ennemis. Il relève donc Nicias, l'exhorte
à prendre courage, et ordonne qu'on conserve la vie à tous les autres Athéniens ;
mais cet ordre étant venu trop tard, il en périt beaucoup plus qu'on n'en sauva,
quoique les soldats eu eussent épargné secrètement un assez grand nombre. Les
Syracusains, après avoir rassemblé tous ceux qui avaient été pris ouvertement,
revêtirent des armes captives les plus grands et les plus beaux arbres qui fussent sur
les bords du fleuve, se couronnèrent eux-mêmes de fleurs, et après avoir
magnifiquement paré leurs chevaux, et coupé les crins à ceux de leurs ennemis, ils se
mirent en marche vers Syracuse, tout glorieux d'avoir terminé la guerre la plus
fameuse que les Grecs eussent soutenue les uns contre les autres, et de ne devoir qu'à
des efforts prodigieux de force, de valeur et d'activité, la victoire la plus signalée.
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