[23] ὡς δ' ἦν ἕτοιμα ταῦτα πάντα καὶ τῶν πολεμίων οὐδεὶς
παρεφύλαττεν, ἅτε δὴ μὴ προσδοκώντων, ἐξέλιπεν ἡ σελήνη
τῆς νυκτός, μέγα δέος τῷ Νικίᾳ καὶ τῶν ἄλλων τοῖς ὑπὸ
ἀπειρίας ἢ δεισιδαιμονίας ἐκπεπληγμένοις τὰ τοιαῦτα. τοῦ μὲν
γὰρ ἡλίου τὴν περὶ τὰς τριακάδας ἐπισκότησιν ἁμῶς γέ πως
ἤδη συνεφρόνουν καὶ οἱ πολλοὶ γενομένην ὑπὸ τῆς σελήνης·
αὐτὴν δὲ τὴν σελήνην, (2) ᾧτινι συντυγχάνουσα καὶ πῶς
αἰφνίδιον ἐκ πανσελήνου τὸ φῶς ἀπόλλυσι καὶ χρόας ἵησι
παντοδαπάς, οὐ ῥᾴδιον ἦν καταλαβεῖν, ἀλλ' ἀλλόκοτον
ἡγοῦντο καὶ πρὸ συμφορῶν τινων μεγάλων ἐκ θεοῦ γινόμενον
σημεῖον. ὁ γὰρ πρῶτος σαφέστατόν τε πάντων καὶ
θαρραλεώτατον περὶ σελήνης καταυγασμῶν καὶ σκιᾶς λόγον
εἰς γραφὴν καταθέμενος Ἀναξαγόρας οὔτ' αὐτὸς ἦν παλαιὸς
οὔτε ὁ λόγος ἔνδοξος, ἀλλ' ἀπόρρητος ἔτι καὶ δι' ὀλίγων καὶ μετ'
εὐλαβείας τινὸς ἢ πίστεως βαδίζων. (3) οὐ γὰρ ἠνείχοντο τοὺς
φυσικοὺς καὶ μετεωρολέσχας τότε καλουμένους, ὡς εἰς αἰτίας
ἀλόγους καὶ δυνάμεις ἀπρονοήτους καὶ κατηναγκασμένα πάθη
διατρίβοντας τὸ θεῖον, ἀλλὰ καὶ Πρωταγόρας ἔφυγε, καὶ
Ἀναξαγόραν εἱρχθέντα μόλις περιεποιήσατο Περικλῆς, καὶ
Σωκράτης, οὐδὲν αὐτῷ τῶν γε τοιούτων προσῆκον, ὅμως
ἀπώλετο διὰ φιλοσοφίαν. (4) ὀψὲ δ' ἡ Πλάτωνος ἐκλάμψασα
δόξα διὰ τὸν βίον τοῦ ἀνδρός, καὶ ὅτι ταῖς θείαις καὶ
κυριωτέραις ἀρχαῖς ὑπέταξε τὰς φυσικὰς ἀνάγκας, ἀφεῖλε τὴν
τῶν λόγων τούτων διαβολήν, καὶ τοῖς μαθήμασιν εἰς ἅπαντας
ὁδὸν ἐνέδωκεν. ὁ γοῦν ἑταῖρος αὐτοῦ Δίων, καθ' ὃν χρόνον
ἔμελλεν ἄρας ἐκ Ζακύνθου πλεῖν ἐπὶ Διονύσιον, ἐκλιπούσης
τῆς σελήνης, οὐδὲν διαταραχθεὶς ἀνήχθη, καὶ κατασχὼν ἐν
Συρακούσαις ἐξέβαλε τὸν τύραννον. (5) τῷ μέντοι Νικίᾳ
συνηνέχθη τότε μηδὲ μάντιν ἔχειν ἔμπειρον· ὁ γὰρ συνήθης
αὐτοῦ καὶ τὸ πολὺ τῆς δεισιδαιμονίας ἀφαιρῶν Στιλβίδης
ἐτεθνήκει μικρὸν ἔμπροσθεν. ἐπεὶ τὸ σημεῖον, ὥς φησι
Φιλόχορος, φεύγουσιν οὐκ ἦν πονηρόν, ἀλλὰ καὶ πάνυ
χρηστόν· ἐπικρύψεως γὰρ αἱ σὺν φόβῳ πράξεις δέονται, (6) τὸ
δὲ φῶς πολέμιόν ἐστιν αὐταῖς. ἄλλως τε καὶ τῶν περὶ ἥλιον καὶ
σελήνην ἐπὶ τρεῖς ἡμέρας ἐποιοῦντο φυλακήν, ὡς Αὐτοκλείδης
διέγραψεν ἐν τοῖς ἐξηγητικοῖς· ὁ δὲ Νικίας ἄλλην ἔπεισε
σελήνης ἀναμένειν περίοδον, ὥσπερ οὐκ εὐθὺς θεασάμενος
αὐτὴν ἀποκαθαρθεῖσαν, ὅτε τὸν σκιερὸν τόπον καὶ ὑπὸ τῆς γῆς
ἀντιφραττόμενον παρῆλθε.
| [23] XXXIII. Tout était préparé,
et les ennemis, qui étaient loin de s'attendre à cette retraite, ne s'étaient
encore aperçus de rien, lorsque tout à coup une éclipse de lune, qui survint au milieu
de la nuit, jeta la plus grande frayeur dans l'esprit de Nicias et de ses collègues, qui,
par ignorance ou par superstition, redoutaient ces sortes de phénomènes. Pour
l'éclipse de soleil, qui arrive à la fin du mois lunaire, le peuple même savait qu'elle est
causée par l'interposition de la lune entre le soleil et la terre. Mais ils ne comprenaient
pas quel était le corps qui, par son opposition, ôtait subitement à la lune, lorsqu'elle
était dans son plein, toute sa lumière, et lui faisait prendre successivement tant de
couleurs différentes. Ce phénomène leur paraissait étrange, et ils le regardaient
comme un signe de grands malheurs dont les dieux menaçaient les hommes.
Anaxagoras, qui le premier a consigné dans un de ses écrits, et d'une manière aussi
lumineuse que hardie, sa doctrine sur les clartés et sur les ombres de la lune, n'était
pas encore fort ancien; son ouvrage, peu connu et tenu même secret, n'était qu'entre
les mains d'un petit nombre de personnes, qui ne le communiquaient qu'avec
précaution, et à des gens bien sûrs. Le peuple n'aimait pas les physiciens, qu'il traitait
de vains discoureurs sur les météores, et qu'il accusait de réduire la Divinité à
des causes dépourvues de raison, à des facultés sans prescience, à des affections
nécessaires privées de liberté. C'est d'après cette idée qu'on avait des physiciens, que
Protagoras fut banni d'Athènes; qu'Anaxagoras, jeté dans les fers, eut bien de la peine
à être sauvé par Périclès; que Socrate, qui ne s'occupait point de physique, se vit
cependant condamné à mort en haine de la philosophie. Ce ne fut que longtemps
après lui que la doctrine de Platon, ayant jeté ce vif éclat qu'elle tirait de la vie de ce
grand homme et de la sagesse de ses opinions, qui soumettaient les causes naturelles
à des principes divins et indépendants de toute autre cause, fit cesser les imputations
calomnieuses dont on noircissait la philosophie, et ouvrit un libre cours à l'étude des
mathématiques. Aussi Dion, son ami, ayant vu la lune s'éclipser au moment où il
partait de Zacynthe pour aller en Sicile attaquer Denys, loin d'en être troublé, mit à la
voile, et ayant abordé à Syracuse, il en chassa le tyran. XXXIV. Par malheur pour
Nicias, il n'avait plus un devin expérimenté, nommé Stilbidas, qui l'accompagnait
ordinairement, et qui lui ôtait beaucoup de sa superstition; il venait de mourir. Car ce
phénomène, comme dit Philochore, loin d'être d'un mauvais augure pour une armée
qui se proposait de fuir, lui était au contraire très favorable; les actions inspirées par
la crainte ont besoin des ténèbres, et la lumière en est le plus grand ennemi;
d'ailleurs, on n'observait le soleil et la lune que les trois jours qui suivaient leur
éclipse, comme Autoclides le remarque dans ses Commentaires; et Nicias
proposa d'attendre une révolution entière de la lune, comme s'il ne l'avait pas vue
reparaître dans toute sa clarté, dès qu'elle eut traversé l'espace qu'occupait
l'ombre de la terre.
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