[36] (3) Πόλει μέντοι χρώμενον ἀρετῆς αἰσθανομένῃ
καὶ κρείττονα ὄντα τῇ δυνάμει χώραν οὐ δοτέον τοῖς πονηροῖς,
οὐδ´ ἀρχὴν μὴ ἀρχ〈ικοῖς οὖσιν, οὐδὲ πίστιν ἀπιστουμένοις,
ὅπερ ἐποίησεν ὁ Νικίας, τὸν Κλέωνα, μηδὲν
ὄντα πλέον ἐν τῇ πόλει τῆς ἀπὸ τοῦ βήματος ἀναισχυντίας
καὶ κραυγῆς, αὐτὸς εἰς τὸ στρατηγεῖν καταστήσας. οὐκ
ἐπαινῶ μὲν γὰρ ἐγὼ τὸν Κράσσον, ἐν τοῖς Σπαρτακείοις
ἐπειχθέντα θᾶσσον ἢ ἀσφαλέστερον διαγωνίσασθαι· καίτοι
φιλοτιμίας ἦν τὸ δεῖσαι, μὴ Πομπήιος ἐλθὼν ἀφέληται
τὴν νίκην αὐτοῦ, καθάπερ ἀφείλετο Μετέλλου Μόμμιος
τὴν Κόρινθον· τὸ δὲ τοῦ Νικίου παντάπασιν ἄτοπον καὶ
δεινόν. οὐ γὰρ ἐλπίδας οὐδὲ ῥᾳστώνην ἐχούσης ἐξέστη
τῷ ἐχθρῷ φιλοτιμίας καὶ ἀρχῆς, ἀλλὰ κίνδυνον ὑφορώμενος
ἐν τῇ στρατηγίᾳ μέγαν, ἠγάπησε τὸ καθ´ αὑτὸν ἐν
ἀσφαλεῖ θέμενος προέσθαι τὸ κοινόν. καίτοι ὅ γε Θεμιστοκλῆς,
ἵνα μὴ φαῦλος ἄνθρωπος ἐν τοῖς Περσικοῖς καὶ
ἄφρων στρατηγήσας ἀπολέσῃ τὴν πόλιν, ἀργυρίῳ τῆς
ἀρχῆς ἀπέστησεν αὐτόν, καὶ Κάτων ὅτε μάλισθ´ ἑώρα
πράγματα καὶ κινδύνους ἔχουσαν ὑπὲρ τῆς πόλεως τὴν
δημαρχίαν μετῆλθεν· ὁ δ´ αὑτὸν ἐπὶ Μίνῳαν καὶ Κύθηρα
καὶ Μηλίους τοὺς ταλαιπώρους φυλάττων στρατηγόν,
εἰδὲ δέοι μάχεσθαι Λακεδαιμονίοις, ἀποδυόμενος τὴν
χλανίδα καὶ τῇ Κλέωνος ἀπειρίᾳ καὶ θρασύτητι ναῦς καὶ
ὅπλα καὶ ἄνδρας καὶ στρατηγίαν ἐμπειρίας ἄκρας δεομένην
παραδιδούς, οὐ τὴν ἑαυτοῦ προΐεται δόξαν, ἀλλὰ τὴν
τῆς πατρίδος ἀσφάλειαν καὶ σωτηρίαν. ὅθεν ὕστερον οὐχ
ἑκὼν οὐδὲ βουλόμενος Συρακουσίοις πολεμεῖν ἠναγκάζετο,
δοκῶν οὐ λογισμῷ τοῦ συμφέροντος, ῥᾳστώνῃ δὲ
μᾶλλον καὶ μαλακίᾳ τὸ παρ´ αὑτὸν ἀποστερεῖν Σικελίας
τὴν πόλιν. ἐκεῖνο μέντοι μεγάλης ἐπιεικείας σημεῖον, ὅτι
δυσχεραίνοντα τὸ πολεμεῖν ἀεὶ καὶ φεύγοντα τὸ στρατηγεῖν
οὐκ ἐπαύοντο χειροτονοῦντες ὡς ἐμπειρότατον καὶ
βέλτιστον· τῷ δὲ Κράσσῳ παρὰ πάντα τὸν χρόνον ἐφιεμένῳ
στρατηγίας τυχεῖν οὐχ ὑπῆρξε, πλὴν ἐπὶ τὸν δουλικὸν
πόλεμον ἐξ ἀνάγκης, Πομπηίου καὶ Μετέλλου καὶ
Λευκόλλων ἀμφοτέρων ἀπόντων, καίτοι τότε τιμωμένῳ
μάλιστα καὶ δυναμένῳ πλεῖστον. ἀλλ´ ὡς ἔοικε καὶ τοῖς
σπουδάζουσι περὶ αὐτὸν ἐδόκει κατὰ τὸν κωμικὸν ἀνὴρ
ἄριστος εἶναι τἆλλα πλὴν ἐν ἀσπίδι.
καὶδιὰ τοῦτο Ῥωμαίους οὐδὲν ὤνησεν, ἐκβιασθέντας
ὑπὸ τῆς φιλαρχίας αὐτοῦ καὶ φιλοτιμίας. Ἀθηναῖοι μὲν
γὰρ ἄκοντα Νικίαν ἐξέπεμψαν ἐπὶ τὸν πόλεμον, Ῥωμαίους
δὲ Κράσσος ἄκοντας ἐξήγαγε, καὶ διὰ μὲν τοῦτον ἡ
πόλις, ἐκεῖνος δὲ διὰ τὴν πόλιν ἠτύχησεν.
| [36] (3) Mais aussi celui qui gouverne dans une ville où l'on
conserve quelque sentiment pour la vertu, et qui jouit de la
principale autorité, ne doit pas admettre aux honneurs et aux
charges des hommes vicieux ou sans talent, ni donner sa confiance
à des personnes suspectes; et c'est ce que fit Nicias en
élevant lui-même au commandement de l'armée un Cléon,
qui n'avait dans Athènes d'autre mérite que son impudence
extrême et les clameurs indécentes dont il faisait retentir la
tribune. Je ne saurais non plus approuver Crassus d'avoir
mis, à terminer la guerre contre Spartacus, plus de précipitation
que de sûreté. Il est vrai que son ambition lui faisait
craindre que Pompée ne vînt assez tôt pour lui enlever la
gloire de cette expédition, comme Mummius avait ravi à
Métellus celle de la prise de Corinthe. Mais la conduite de Nicias
est si déraisonnable, qu'elle ne peut admettre aucune excuse.
Il ne cède pas l'honneur du commandement à son rival,
lorsqu'il avait l'espérance facile de réussir; c'est au contraire
lorsque l'expédition faisait entrevoir un grand danger, qu'il
préfère sa propre sûreté à l'intérêt de la république. Dans la
guerre contre les Perses, Thémistocle, voulant empêcher
qu'un homme qui n'avait ni talent ni expérience, ne causât la
ruine d'Athènes en se faisant nommer général, l'éloigna à
prix d'argent du commandement des troupes athéniennes. Ce
fut dans le méme esprit que Caton demanda le tribunat lorsqu'il
vit Rome dans une situation embarrassante et périlleuse.
Nicias en se réservant pour faire la guerre aux habitants de
Minoa, de Cythère et aux malheureux Méliens, se dépouillait
des marques du commandement quand il fallait combattre
les Spartiates, et livrer à l'inexpérience, à la témérité de
Cléon, les vaisseaux, les armes, les troupes de la république
et le succès d'une expédition qui demandait l'expérience la
plus consommée ; c'était trahir non sa propre gloire, mais la
sûreté et le salut de sa patrie. Aussi dans la suite il fut forcé
d'aller contre son gré et malgré toute sa résistance, faire la
guerre aux Syracusains, parce qu'on attribuait son refus non
à la persuasion qu'elle n'était pas utile, mais à la mollesse et
à l'amour du repos, qui le portaient à vouloir priver Athènes
de la conquête de la Sicile.
C'est pourtant une grande preuve de sa capacité que,
malgré son aversion pour la guerre et son opposition pour le
commandement des armées, ses concitoyens l'aient constamment
mis à la tête des troupes, comme le général le plus habile
et le plus expérimenté. Crassus, au contraire, qui toute
'sa vie désira le commandement, ne put l'obtenir que dans la
guerre des esclaves; et ce fut même par nécessité, à cause
de l'absence de Pompée, de Métellus et des deux Lucullus.
Cependant Crassus était alors au plus haut degré de considération
et de puissance; mais apparemment que ceux même qui le
favorisaient le plus étaient persuadés, comme dit le poète comique,
"Qu'il était propre â tout, si ce n'est au combat".
Au reste, cette persuasion ne servit de rien aux Romains, qui
furent forcés de céder enfin à son ambition et au désir ardent
qu'il avait de commander. Les Athéniens envoyèrent Nicias à
la guerre contre son gré, Crassus y entraina les Romains
malgré eux : celui-ci fut la cause des disgrâces de Rome,
Athènes causa celle de Nicias.
|