[37] (4) Οὐ μὴν ἀλλὰ καὶ μᾶλλον ἔστιν ἐν τούτοις τὸν
Νικίαν ἐπαινεῖν ἢ ψέγειν τὸν Κράσσον. ὁ μὲν γὰρ ἐμπειρίᾳ
καὶ λογισμῷ χρησάμενος ἡγεμόνος ἔμφρονος, οὐ συνηπατήθη
ταῖς ἐλπίσι τῶν πολιτῶν, ἀλλ´ ἔδεισε καὶ ἀπέγνω
λήψεσθαι Σικελίαν· ὁ δ´ ὡς ἐπὶ ῥᾷστον ἔργον τὸν Παρθικὸν
ὁρμήσας πόλεμον, ἥμαρτεμέν, ὠρέχθη δὲ μεγάλων,
Καίσαρος τὰ ἑσπέρια καὶ Κελτοὺς καὶ Γερμανοὺς
καταστρεφομένου καὶ Βρεττανίαν, αὐτὸς ἐπὶ τὴν ἕω καὶ
τὴν Ἰνδικὴν ἐλάσαι θάλασσαν καὶ προς〈κατεργάσασθαι
τὴν Ἀσίαν, οἷς Πομπήιος ἐπῆλθε καὶ Λεύκολλος ἀντέσχεν,
ἄνδρες εὐμενεῖς καὶ πρὸς πάντας ἀγαθοὶ διαμείναντες,
προελόμενοι δ´ ὅμοια Κράσσῳ καὶ τὰς αὐτὰς ὑποθέσεις
λαβόντες· ἐπεὶ καὶ Πομπηίῳ τῆς ἀρχῆς διδομένης ἡ σύγκλητος
ἠναντιοῦτο, καὶ Καίσαρα μυριάδας τριάκοντα
Γερμανῶν τρεψάμενον συνεβούλευεν ὁ Κάτων ἐκδοῦναι
τοῖς ἡττημένοις καὶ τρέψαι τὸ μήνιμα τοῦ παρασπονδήματος
εἰς ἐκεῖνον, ὁ δὲ δῆμος ἐρρῶσθαι φράσας Κάτωνι
πεντεκαίδεκα ἡμέρας ἔθυεν ἐπινίκια καὶ περιχαρὴς ἦν.
πῶς οὖν ἂν διετέθη καὶ πόσας ἔθυσεν ἡμέρας, εἰ Κράσσος
ἐκ Βαβυλῶνος ἔγραψε νικῶν, εἶτ´ ἐπελθὼν Μηδίαν,
Περσίδα, Ὑρκανούς, Σοῦσα, Βάκτρα Ῥωμαίων ἐπαρχίας
ἀπέδειξεν; „εἴπερ γὰρ ἀδικεῖν χρή“ κατὰ τὸν Εὐριπίδην,
ἡσυχίαν ἄγειν μὴ δυναμένους μηδὲ
χρῆσθαι τοῖς παροῦσιν ἀγαθοῖς εἰδότας, οὐ Σκάνδειαν
οὐδὲ Μένδην ἐκκοπτέον, οὐδὲ φεύγοντας Αἰγινήτας ἀπολελοιπότας
τὴν ἑαυτῶν ὥσπερ ὄρνιθας εἰς ἑτέραν ἀποκεκρυμμένους
χώραν ἐκθηρατέον, ἀλλὰ πολλοῦ τιμητέον
τὸ ἀδικεῖν, μὴ ῥᾳδίως μηδ´ ἐπὶ τοῖς τυχοῦσιν ὥς τι φαῦλον
ἢ μικρὸν προϊεμένους τὸ δίκαιον. οἱ δὲ τὴν μὲν τῆς Ἀλεξάνδρου
στρατείας ὁρμὴν ἐπαινοῦντες, τὴν δὲ Κράσσου
ψέγοντες, οὐκ εὖ τὰ πρῶτα κρίνουσιν ἀπὸ τῶν τελευταίων.
| [37] (4) Il est vrai qu'en cela on a plus à louer Nicias qu'à blâmer
Crassus. Le premier, jugeant de l'expédition de Sicile en général aussi
sage qu'habile, ne se laissa point séduire par les vaines espérances de
ses concitoyens, et s'opposa constamment à cette entreprise ; le second
ne vit dans l'expédition contre les Parthes qu'une guerre
facile, et il se trompa; mais du moins aspirait-il à de grands
exploits : voyant César soumettre l'Occident, dompter les
Gaules, la Germanie et la Grande-Bretagne, il voulut porter
les armes romaines jusqu'à l'Orient et à la mer des Indes, et
faire la conquête de l'Asie. Pompée y aspira aussi, et Lucullus
l'entreprit : ces derniers étaient d'un naturel doux, et ils
conservèrent leur bonté envers tout le monde, quoiqu'ils
eussent eu les mêmes projets et les mêmes vues que Crassus.
Lorsque le peuple décerna l'Asie à Pompée, le sénat s'y opposa;
et quand on apprit à Rome que César avait défait trois
cent mille Germains, Caton proposa de le livrer aux vaincus,
afin de détourner sur lui la vengeance céleste, qu'il avait provoquée
en violant la foi des traités. Mais le peuple, sans tenir
aucun compte de l'avis de Caton, fit pendant quinze jours des
sacrifices pour célébrer cette victoire et donna les plus
grandes marques de joie. Comment donc aurait-il été affecté?
et combien de jours aurait–il passés en sacrifices si Crassus
eût écrit de Babylone pour annoncer sa victoire, et qu'ensuite
pénétrant dans la Médie, dans la Perse, dans l'Hyrcanie, le
pays de Suze et la Bactriane, il eût mis sous la domination
des Romains ces vastes contrées? En effet,
"Si l'on peul quelquefois violer la justice", comme dit Euripide,
lorsqu'on ne sait pas vivre en repos et
jouir des biens qu'on possède, il ne faut pas le faire pour
raser la ville de Scandie ou de Mende, pour donner la chasse
aux Eginètes, qui, abandonnant leur île, se sont, comme ces
oiseaux de passage, retirés dans d'autres contrées. Il faut
mettre l'injustice à plus haut prix, et ne pas sacrifier si facilement
la justice pour une modique récompense, comme si
c'était une chose vile et méprisable. Ceux qui, louant l'entreprise
d'Alexandre, blâment celle de Crassus, ont tort de juger
des actions par le succès.
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