[11] Ἐφοβήθη μὲν οὖν ὁ Κράσσος, μὴ λάβοι τις ὁρμὴ
τὸν Σπάρτακον ἐπὶ τὴν Ῥώμην ἐλαύνειν, ἐθάρρησε δὲ
πολλῶν ἐκ διαφορᾶς ἀποστάντων αὐτοῦ καὶ στρατοπεδευσαμένων
καθ´ αὑτοὺς ἐπὶ Λευκανίδος λίμνης, ἥν φασι
τρέπεσθαι διὰ χρόνου γινομένην γλυκεῖαν, εἶτ´ αὖθις
ἁλμυρὰν καὶ ἄποτον. τούτοις ἐπελθὼν ὁ Κράσσος ἐξέωσε
μὲν ἀπὸ τῆς λίμνης ἅπαντας, ἀφῃρέθη δὲ τὸν φόνον καὶ τὴν
δίωξιν αὐτῶν, ἐπιφανέντος ὀξέως τοῦ Σπαρτάκου καὶ τὴν
φυγὴν ἐπιστήσαντος. γεγραφὼς δὲ τῇ βουλῇ πρότερον ὡς
χρὴ καὶ Λεύκολλον ἐκ Θρᾴκης καλεῖν καὶ Πομπήιον ἐξ
Ἰβηρίας, μετενόει καὶ πρὶν ἥκειν ἐκείνους ἔσπευδε διαπράξασθαι
τὸν πόλεμον, εἰδὼς ὅτι τοῦ προσγενομένου
καὶ βοηθήσαντος, οὐκ αὐτοῦ, τὸ κατόρθωμα δόξει. πρῶτον
μὲν οὖν διαγνοὺς τοῖς ἀφεστῶσι καὶ κατ´ ἰδίαν στρατευομένοις,
ὧν ἀφηγοῦντο {Γάιος} Γαννίκιος καὶ Κάστος,
ἐπιθέσθαι, λόφον τινὰ προκαταληψομένους ἄνδρας ἑξακισχιλίους
ἀπέστειλε, λανθάνειν πειρᾶσθαι κελεύσας. οἱ
δ´ ἐπειρῶντο μὲν τὴν αἴσθησιν ἀποκρύπτειν, τὰ κράνη
καταμπέχοντες, ὀφθέντες δ´ ὑπὸ δυεῖν γυναικῶν προθυομένων
τοῖς πολεμίοις ἐκινδύνευσαν, εἰ μὴ Κράσσος
ὀξέως ἐπιφανεὶς μάχην ἔθετο πασῶν καρτερωτάτην, ἐν ᾗ
τριακοσίους ἐπὶ δισχιλίοις καὶ μυρίοις καταβαλών, δύο
μόνους εὗρε κατὰ νώτου τετρωμένους, οἱ δ´ ἄλλοι πάντες
ἑστῶτες ἐν τάξει καὶ μαχόμενοι τοῖς Ῥωμαίοις ἀπέθανον.
Σπαρτάκῳ δὲ μετὰ τὴν τούτων ἧτταν ἀναχωροῦντι πρὸς
τὰ ὄρη τὰ Πετηλῖνα Κόιντος τῶν περὶ Κράσσον ἡγεμόνων
καὶ Σκρώφας ὁ ταμίας ἐξαπτόμενοι παρηκολούθουν.
ἐπιστρέψαντος δὲ γίνεται φυγὴ μεγάλη τῶν Ῥωμαίων,
καὶ μόλις τρωθέντα τὸν ταμίαν ἁρπάσαντες ἀπεσώθησαν.
Τοῦτο τὸν Σπάρτακον ἀπώλεσε τὸ κατόρθωμα, φρονήματος
ἐπιγενομένου τοῖς δραπέταις. οὐκέτι γὰρ ἠξίουν
φυγομαχεῖν οὐδ´ ἐπείθοντο τοῖς ἄρχουσιν, ἀλλ´ ἤδη καθ´
ὁδὸν ὄντας ἐν τοῖς ὅπλοις περισχόντες ἠνάγκασαν αὖθις
ὀπίσω διὰ τῆς Λευκανίας ἄγειν ἐπὶ τοὺς Ῥωμαίους, εἰς
ταὐτὸ τῷ Κράσσῳ σπεύδοντες. ἤδη γὰρ ὁ Πομπήιος προσιὼν
ἀπηγγέλλετο, καὶ διαρχαιρεσιάζοντες ἦσαν οὐκ ὀλίγοι
τὴν νίκην ἐκείνῳ τοῦ πολέμου προσήκειν· ἐλθόντα
γὰρ εὐθὺς μαχεῖσθαι καὶ καταλύσειν τὸν πόλεμον. ἐπειγόμενος
οὖν διαγωνίσασθαι καὶ παραστρατοπεδεύσας τοῖς
πολεμίοις, ὤρυττε τάφρον, πρὸς ἣν ἐκπηδῶντες οἱ δοῦλοι
προσεμάχοντο τοῖς ἐργαζομένοις. ἀεὶ δὲ πλειόνων ἑκατέρωθεν
ἐκβοηθούντων, ὁρῶν τὴν ἀνάγκην ὁ Σπάρτακος
ἅπαν παρέταξε τὸ στράτευμα, καὶ πρῶτον μὲν τοῦ ἵππου
προσαχθέντος αὐτῷ, σπασάμενος τὸ ξίφος καὶ εἰπών, ὅτι
νικῶν μὲν ἕξει πολλοὺς ἵππους καὶ καλοὺς τοὺς τῶν πολεμίων,
ἡττώμενος δ´ οὐ δεῖται, κατέσφαξε τὸν ἵππον·
ἔπειτα πρὸς Κράσσον αὐτὸν ὠθούμενος διὰ πολλῶν ὅπλων
καὶ τραυμάτων, ἐκείνου μὲν οὐκ ἔτυχεν, ἑκατοντάρχας
δὲ δύο συμπεσόντας ἀνεῖλε. τέλος δὲ φευγόντων τῶν περὶ
αὐτόν, αὐτὸς ἑστὼς καὶ κυκλωθεὶς ὑπὸ πολλῶν, ἀμυνόμενος
κατεκόπη. Κράσσου δὲ τῇ τύχῃ χρησαμένου καὶ στρατηγήσαντος
ἄριστα καὶ τὸ σῶμα τῷ κινδύνῳ παρασχόντος,
ὅμως οὐ διέφυγε τὸ κατόρθωμα τὴν Πομπηίου δόξαν.
οἱ γὰρ διαπεσόντες ἐκ τῆς μάχης πεντακισχίλιοι περιπεσόντες
αὐτῷ διεφθάρησαν, ὥστε καὶ γράψαι πρὸς τὴν σύγκλητον,
ὅτι μάχῃ μὲν τοὺς δραπέτας φανερᾷ Κράσσος
νενίκηκεν, αὐτὸς δὲ τοῦ πολέμου τὴν ῥίζαν ἀνῄρηκε. Πομπήιος
μὲν οὖν ἀπὸ Σερτωρίου καὶ Ἰβηρίας ἐπιφανῶς ἐθριάμβευσε,
Κράσσος δὲ τὸν μὲν μέγαν θρίαμβον οὐδ´ αὐτὸς
αἰτεῖν ἐπεχείρησεν, ἐδόκει δὲ καὶ τὸν πεζόν, ὀούαν δὲ
καλούμενον, ἀγεννῶς καὶ παρ´ ἀξίαν ἐπὶ δουλικῷ πολέμῳ
θριαμβεύειν. τί δ´ οὗτος ἐκείνου διαφέρει, καὶ περὶ τῆς
κλήσεως, ἐν τῷ Μαρκέλλου βίῳ γέγραπται.
| [11] Crassus, qui craignit que Spartacus ne voulùt aller droit à Rome,
fut rassuré par la division qui se mit entre les ennemis, dont
les uns s'étant séparés du corps de l'armée, allèrent camper
sur les bords du lac de la Lucanie, dont l'eau, dit-on, change
souvent de nature, et après avoir été douce quelque temps
devient si amère qu'elle n'est plus potable. Crassus attaqua
d'abord ceux-ci et les chassa du lac; mais il ne put en tuer
un grand nombre, ni les poursuivre. Spartacus, qui parut
tout à coup, arrêta la fuite des siens.
Crassus avait écrit au sénat qu'il fallait rappeler Lucullus de
Thrace et Pompée d'Espagne, pour le seconder;
mais il se repentit bientôt de cette démarche, et, sentant
qu'on attribuerait tout le succès à celui qui serait venu à son
secours, et non pas à lui-même, il voulut, avant leur arrivée,
se hâter de terminer la guerre. Il résolut donc d'attaquer
d'abord les troupes qui s'étaient séparées des autres et qui
campaient à part, sous les ordres de Cannicius et de Castus;
il envoya six mille hommes pour se saisir d'une hauteur qui
offrait un poste avantageux, avec ordre de faire tout leur
possible pour n'être pas découverts. Dans l'espoir d'y réussir,
ils couvrirent leurs casques de branches d'arbres; mais ils
furent aperçus par deux femmes qui faisaient des sacrifices
pour les ennemis, à l'entrée de leur camp; et ils auraient
couru le plus grand danger, si Crassus, paraissant tout à coup
avec ses troupes, n'eût livré le combat le plus sanglant qu'on
eût encore donné dans cette guerre; il resta sur le champ de
bataille douze mille trois cents ennemis, parmi lesquels on
n'en trouva que deux qui furent blessés au dos; tous les
autres périrent en combattant avec la plus grande valeur et
tombèrent à l'endroit même où ils avaient été placés.
Spartacus, après une si grande défaite, se retira vers les montagnes
de Pétélie, toujours suivi et harcelé par Quintus et
Scrofa, le premier, lieutenant de Crassus, et l'autre, son
questeur : Spartacus se tourna brusquement contre eux et
les mit en fuite. Scrofa fut dangereusement blessé, et on eut
de la peine à le sauver des mains des ennemis. Ce succès, en
inspirant à ces fugitifs la plus grande fierté, causa la perte
de Spartacus; ses troupes, ne voulant plus éviter le combat
ni obéir à leurs chefs, les entourent en armes au milieu du
chemin, les forcent de revenir sur leurs pas à travers la Lucanie
et de les mener contre les Romains. C'était entrer dans
les vues de Crassus, qui venait d'apprendre que Pompée
approchait ; que déjà dans les comices bien des gens sollicitaient
pour lui, et disaient hautement que cette victoire lui
était due ; qu'à peine arrivé en présence des ennemis, il les
combattrait, et terminerait aussitôt la guerre.
Crassus donc, pressé de la finir avant son arrivée, campait
toujours le plus près qu'il pouvait de l'ennemi. Un jour
qu'il faisait tirer une tranchée, les troupes de Spartacus étant
venues charger les travailleurs, le combat s'engagea; et comme
des deux côtés il survenait à tous moments de nouveaux renforts,
Spartacus se vit dans la nécessité de mettre toute son
armée en bataille. Lorsqu'on lui eut amené son cheval, il tira
son épée et le tua; « La victoire, dit-il, me fera trouver assez
de bons chevaux parmi ceux des ennemis, et si je suis
vaincu, je n'en aurai plus besoin. » À ces mots, il se précipite
au milieu des ennemis, cherchant à joindre Crassus, à
travers une grêle de traits et couvert de blessures; mais
n'ayant pu l'atteindre, il tue de sa main deux centurions qui
s'étaient attachés à lui. Enfin, abandonné de tous les siens,
resté seul au milieu des ennemis, il tombe mort, après avoir
vendu chèrement sa vie. Crassus venait de profiter habilement
de l'occasion que la fortune lui avait offerte : il avait
rempli tous les devoirs d'un excellent capitaine et avait exposé
sa vie sans ménagement : avec tout cela, il ne put empêcher
que Pompée ne partageât la gloire de ce succès. Les
fuyards étant tombés entre ses mains, il acheva de les détruire,
et il écrivit au sénat que Crassus avait défait ces fugitifs
en bataille rangée, mais que c'était lui qui avait coupé
les racines de cette guerre. Pompée donc eut tous les honneurs
du triomphe, pour avoir vaincu Sertorius et subjugué
l'Espagne ; Crassus ne songea pas à demander le grand
triomphe ; on crut même avoir blessé Rome en lui accordant
l'ovation pour la défaite d'esclaves fugitifs. Nous avons dit
dans la vie de Marcellus en quoi ce petit triomphe diffère du
grand et d'où lui vient son nom d'ovation.
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