[10] Ταῦθ´ ἡ βουλὴ πυθομένη, τοὺς μὲν ὑπάτους πρὸς
ὀργὴν ἐκέλευσεν ἡσυχίαν ἄγειν, Κράσσον δὲ τοῦ πολέμου
στρατηγὸν εἵλετο, καὶ πολλοὶ διὰ δόξαν αὐτῷ καὶ φιλίαν
συνεστράτευον τῶν ἐπιφανῶν. αὐτὸς μὲν οὖν ὑπέμεινε πρὸ
τῆς Πικηνίδος, ὡς τὸν Σπάρτακον ἐκεῖ φερόμενον δεξόμενος,
Μόμμιον δὲ πρεσβευτὴν ἄγοντα δύο τάγματα
κύκλῳ περιέπεμψεν, ἕπεσθαι κελεύσας τοῖς πολεμίοις,
μὴ συμπλέκεσθαι δὲ μηδ´ ἁψιμαχεῖν. ὁ δ´ ἅμα τῷ πρῶτον
ἐπ´ ἐλπίδος γενέσθαι μάχην θέμενος, ἡττήθη, καὶ πολλοὶ
μὲν ἔπεσον, πολλοὶ δ´ ἄνευ τῶν ὅπλων φεύγοντες ἐσώθησαν.
ὁ δὲ Κράσσος αὐτόν τε τὸν Μόμμιον ἐδέξατο τραχέως,
καὶ τοὺς στρατιώτας ὁπλίζων αὖθις, ἐγγυητὰς ᾔτει
τῶν ὅπλων ὅτι φυλάξουσι, πεντακοσίους δὲ τοὺς πρώτους
καὶ μάλιστα {τοὺς} τρέσαντας εἰς πεντήκοντα διανείμας
δεκάδας, ἀφ´ ἑκάστης ἀπέκτεινεν ἕνα τὸν κλήρῳ λαχόντα,
πάτριόν τι τοῦτο διὰ πολλῶν χρόνων κόλασμα τοῖς στρατιώταις
ἐπαγαγών. καὶ γὰρ αἰσχύνη τοῦ θανάτου τῷ τρόπῳ
πρόσεστι, καὶ δρᾶται πολλὰ φρικώδη καὶ σκυθρωπὰ
περὶ τὴν κόλασιν, ἁπάντων θεωμένων. οὕτω δ´ ἐπιστρέψας
τοὺς ἄνδρας ἦγεν ἐπὶ τοὺς πολεμίους. ὁ δὲ Σπάρτακος
ὑπεξεχώρει διὰ Λευκανίας πρὸς τὴν θάλασσαν.
ἐν δὲ τῷ πορθμῷ λῃστρίσι Κιλίσσαις περιτυχών, ὥρμησεν
ἅψασθαι Σικελίας καὶ δισχιλίους ἄνδρας ἐμβαλὼν εἰς τὴν
νῆσον αὖθις ἐκζωπυρῆσαι τὸν δουλικὸν ἐκεῖ πόλεμον, οὔπω
πολὺν χρόνον ἀπεσβηκότα καὶ μικρῶν πάλιν ὑπεκκαυμάτων
δεόμενον. ὁμολογήσαντες δ´ οἱ Κίλικες αὐτῷ καὶ
δῶρα λαβόντες, ἐξηπάτησαν καὶ ἀπέπλευσαν. οὕτω δὴ
πάλιν ἀπὸ θαλάσσης ἀναζεύξας, ἐκάθισε τὸν στρατὸν εἰς
τὴν Ῥηγίνων χερρόνησον. ἐπελθὼν δ´ ὁ Κράσσος καὶ τοῦ
τόπου τὴν φύσιν ἰδὼν ὑφηγουμένην τὸ δέον, ὥρμησεν
ἀποτειχίσαι τὸν ἰσθμόν, ἅμα καὶ τὴν σχολὴν τῶν στρατιωτῶν
ὑφαιρῶν καὶ τὴν εὐπορίαν τῶν πολεμίων. μέγα
μὲν οὖν ἦν καὶ χαλεπὸν τὸ ἔργον, ἤνυσε δὲ καὶ κατειργάσατο
παρὰ δόξαν ἐν ὀλίγῳ χρόνῳ, τάφρον ἐμβαλὼν ἐκ
θαλάσσης εἰς θάλασσαν διὰ τοῦ αὐχένος σταδίων τριακοσίων,
εὖρος δὲ καὶ βάθος ἴσον πεντεκαίδεκα ποδῶν· ὑπὲρ
δὲ τῆς τάφρου τεῖχος ἔστησεν ὕψει καὶ ῥώμῃ θαυμαστόν.
ὧν ὁ Σπάρτακος ἠμέλει καὶ κατεφρόνει τὸ πρῶτον· ὡς
δὲ τῆς λείας ὑπολειπούσης προϊέναι βουλόμενος συνεῖδε
τὸν ἀποτειχισμόν, καὶ λαμβάνειν οὐδὲν ἦν ἐκ τῆς χερρονήσου,
νύκτα νιφετώδη καὶ πνεῦμα χειμέριον παραφυλάξας,
ἔχωσε τῆς τάφρου μέρος οὐ πολὺ γῇ καὶ ὕλῃ καὶ
κλάδοις δένδρων, ὥστε τῆς στρατιᾶς περαιῶσαι τὸ τρίτον.
| [10] Le sénat, indigné contre les consuls, leur envoya l'ordre de
déposer le commandement, et nomma Crassus pour continuer la guerre.
Un grand nombre de jeunes gens des premières familles le suivirent,
attirés par sa réputation et par l'amitié qu'ils lui portaient. Crassus alla
camper dans le Picénum, pour y attendre Spartacus qui dirigeait sa
marche vers cette contrée ; il ordonna à son lieutenant Mummius
de prendre deux légions et de faire un grand circuit
pour suivre seulement l'ennemi, avec défense de le combattre,
ou même d'engager aucune escarmouche. Mais Mummius, à
la première lueur d'espérance qu'il vit briller, présenta la
bataille à Spartacus, qui le battit et lui tua beaucoup de
monde : le reste des troupes ne se sauva qu'en abandonnant
ses armes. Crassus, après avoir traité durement Mummius,
donna d'autres armes aux soldats et leur fit prendre l'engagement
de les garder plus fidèlement que les premières.
Prenant ensuite les cinq cents d'entre eux, qui, se trouvant à la tête
des bataillons, avaient donné l'exemple de la fuite, il les
partagea en cinquante dizaines, les fit tirer au sort, et punit du
dernier supplice celui de chaque dizaine sur qui le sort était
tombé. Il remit ainsi en vigueur une punition anciennement
usitée chez les Romains et interrompue depuis longtemps.
L'ignominie attachée à ce genre de mort, qui s'exécute en
présence de toute l'armée, rend cette punition plus sévère et
plus terrible pour les autres. Crassus, après avoir châtié ses
soldats, les mena contre l'ennemi.
Spartacus, qui avait traversé la Lucanie et se retirait
vers la mer, ayant rencontré au détroit de Messine des corsaires
siciliens, forma le projet de passer en Sicilie et d'y
jeter deux mille hommes ; ce nombre aurait suffi pour rallumer
dans cette île la guerre des esclaves, qui, éteinte depuis
peu de temps, n'avait besoin que de la plus légère amorce
pour exciter un vaste embrasement. Il fit donc un accord
avec ces corsaires, qui, après avoir reçu de lui des présents,
le trompèrent, et, ayant mis à la voile, le laissèrent sur le rivage.
Alors Spartacus, s'éloignant de la mer, va camper dans
la presqu'ile de Rhège. Crassus y arrive bientôt après lui, et,
averti par la nature même du lieu de ce qu'il doit faire, il
entreprend de fermer l'isthme d'une muraille et par là de
garantir ses soldats de l'oisivité, en même temps qu'il ôterait
aux ennemis les moyens de se procurer des vivres. C'était un
ouvrage long et difficile; cependant, contre l'attente de tout
le monde, il fut achevé en peu de temps. Crassus fit tirer
d'une mer à l'autre une tranchée de trois cents stades de
longueur, sur une largeur et une profondeur de quinze pieds,
le long de laquelle il éleva une muraille d'une épaisseur et
d'une élévation étonnantes. Spartacus ne témoigna d'abord
que du mépris pour ce travail; mais lorsque le butin commençant
à lui manquer, il voulut sortir pour fourrager, il se
vit enfermé par cette muraille; et, ne pouvant rien tirer de
la presqu'ile, il profita d'une nuit que le vent et la neige
rendaient très froide, pour combler avec de la terre, des branches
d'arbres et d'autres matériaux, une petite partie de la
tranchée, sur laquelle il fit passer le tiers de son armée.
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